Togo Chéri, l’or de l’humanité… 21 janvier 2018

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Togo Chéri, l’or de l’humanité…                                                                             21 janvier 2018
Sena Alipui

Par Sena Alipui.

Le premier ministre! s’écrie l’aide de camp. L’assistance se lève et c’est un premier ministre serrein et de bonne humeur qui fait son entrée dans la salle de réunion de la primature accompagné des ministres de la fonction publique, de l’administration territoriale et du directeur de cabinet de la primature.

Face au gouvernement, une délégation de haut niveau de l’Union des Forces de Changement (UFC) conduite par le deuxième vice président/ ministre auprès du premier ministre, le secrétaire général/député et deux émissaires du cabinet du Président.

Au menu des discussions, le dialogue, les modalités du dialogue et les propositions de l’opposition sur le format et le contenu du dialogue.

Le devoir de reserve ne nous permet pas de détailler le contenu de la discussion hormis le fait qu’elle a été directe, franche, sincère et cordiale.

Plus d’un mois après cette initiative gouvernementale de décembre 2017, le dialogue n’a pas démarré à Lomé…De Conakry à Paris en passant par Accra, les enfants du pays de Sylvanus Olympio cherchent comment renouer les fils du dialogue.

Le 1er Janvier 1970, devant le corps diplomatique accrédité en Côte d’Ivoire, feu le Président Félix Houphouët Boigny[1] s’exprime en ces termes : « Dans la recherche de la paix, de la vraie paix, de la paix juste et durable on ne doit pas hésiter un seul instant, à recourir, avec obstination au dialogue. »

Quelques années plus tard, le 7 décembre 1979 à Katiola, à l’occasion de la fête nationale de la Côte d’Ivoire, Houphouët Boigny[1] poursuit en déclarant qu’: « Il n’y aura pas de paix tant que la force paraîtra l’unique recours possible pour dénouer des situations intolérables ».

Le dialogue et la non-violence restent donc les voies les plus sûres pour nous mener à une paix durable, une démocratie libérale, une économie de marché et ainsi faire de notre « Togo chéri, l’or de l’humanité. »

I- Le 13 Janvier, une journée de recueillement noyé dans les marches

Samedi 13 Janvier 2018, la majorité présidentielle et une partie de l’opposition ont envahi les rues de Lomé et de l’intérieur quid pour marcher et danser pour soutenir le chef de l’État, quid pour manifester et réclamer un retour à la constitution de 1992 et le départ du chef de l’État. Sur le site officiel du gouvernement[2], pas une photo ou un mot sur Sylvanus Olympio.

Personne n’a estimé que par respect pour la mémoire du premier Président démocratiquement élu du Togo, assassiné le 13 Janvier 1963 dans l’exercice de ses fonctions, une journée de receuillement ou des manifestions sobres auraient été plus appropriées.

Alex Etsri Dosseh-Anyron[3] en insérant « Togo chéri, l’or de l’humanité » dans notre hymne national a mis la barre haute pour toute la classe politique.

Personne n’a estimé qu’au nom de l’ambition qu’avait Sylvanus Olympio de faire du Togo « l’or de l’humanité », il valait mieux être assis autour d’une table pour démarrer le dialogue au lieu d’être dans les rues.

En ce 13 Janvier 2018, il incombait à chaque Togolais de se demander quelle est l’ambition pour le Togo du leader politique qu’il suit ?

L’ambition de Sylvanus Olympio était de faire du Togo « l’or de l’humanité ».

En 1958, il a remporté les élections qui nous ont permis après deux ans de transition de devenir un État indépendant. Deux ans au cours desquels il a désendetté le Togo et fait une transition avec les colons.

En 2018, soit soixante ans plus tard, quand nous parlons de transition pour aller à une nouvelle république avec une possibilité d’alternance, certains nous regardent comme si nous descendions de la planète mars.

Comme en 1958, il va falloir gagner les élections en 2018 pour parler d’alternance en 2020. Il va falloir un dialogue pour discuter des conditions d’organisation des élections locales, législatives et du référendum.

II- Marcher ou préparer les élections?

Le temps perdu dans les rues risque de nous pénaliser dans les urnes. Pendant que certains marchent, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale[5] (CNSS) délivre des cartes nationales d’identité aux citoyens bien entendu pour faciliter la transition de ceux qui sont dans l’informel vers le formel mais sans doute aussi en prévision des élections car, il faut des pièces d’identité pour voter. Le parti au pouvoir est en campagne depuis Septembre 2017 avec, des inaugurations de projets, son congrès, et des activités hebdomadaires dans l’ensemble du pays. La Commission Électorale Nationale Indépendante[6] (CENI) est déjà mise en place sans une partie de l’opposition qui boude; or plus de 5000 personnes sont recrutées par l’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE) pour le compte de la CENI. Ces 5000 personnes vont travailler sous la direction des politiques présents à la CENI.

Demain quand tout ceci va se terminer par une défaite électorale, on va dire qu’on nous a volé notre victoire or pendant qu’il fallait s’impliquer dans les préparatifs de l’élection on était dans les rues, pas en direction du palais présidentiel ou de l’État-major… mais vers la plage… et quand on tire le premier gaz lacrymogène, les leaders qui ne sont pas restés se cacher chez eux ont leur véhicule et leur sécurité qui les évacuent laissant les populations face à la répression. La vie des leaders vaut-elle plus que la vie de ceux qui les suivent? La question reste entière…

Pendant qu’il faut saisir les perches que tendent le gouvernement et la communauté internationale pour faire avancer l’agenda démocratique avec les moyens légaux, on se promène de Conakry à Accra avec des dossiers d’incendie de marché et des revendications qui n’auront plus lieu d’être si nous gagnons les élections.

Les archives de NBC news[4] sur l’arrrivée à la primature de Sylvanus Olympio en 1958 nous disent qu’:

  • “En 1954, il est arrêté par le pouvoir colonial et accusé de trafic de devises entre le Togo et le Ghana. On lui propose alors un nouveau marché : oublier cette affaire s’il renonce à la vie politique. Olympio refuse. Il doit payer cinq millions de francs CFA (le franc des colonies françaises d’Afrique) et se trouve déchu de ses droits civiques.
  • Le 27 avril 1958, des élections législatives sont organisées et supervisées, à la demande des nationalistes, par l’ONU. Malgré la poursuite des fraudes, le CUT privé d’Olympio triomphe en remportant 33 sièges sur 46. La première session de l’Assemblée rétablit les droits civiques de Sylvanus Olympio et le nomme Premier ministre.”

L’alternance, c’est par les urnes que nous l’obtiendrons. C’est en étant présent tout au long des préparatifs des élections qu’on peut limiter les fraudes et c’est par le dialogue que nous irons à des élections libres et transparentes, alors pourquoi retarder le dialogue avec d’interminables préalables et des manifestations de rue?

Ces préalables visent à régler des problèmes particuliers or les gens sont dans les rues pour des problèmes généraux comme le retour à la constitution de 1992 et le vote de la diaspora. À ce sujet, Houphouët Boigny dans son infinie sagesse nous enseigne que « Le dialogue est l’arme des forts et non des faibles, c’est l’arme de ceux qui font passer leurs problèmes généraux avant les problèmes particuliers, avant les questions d’amour propre. »

C’est un Sylvanus Olympio déchu de ses droits civiques qui a gagné les élections qui ont ouvert la voie à l’indépendance…Si tout le pays était suspendu à son cas particulier avec comme préalable, la satisfaction de ses problèmes personnels avant tout dialogue ou élection est ce qu’on pourrait s’en sortir ?

C’est la raison pour laquelle je vous demande de demander aux leaders que vous suivez quel est leur ambition pour le Togo ? Quand on tire (pas des balles mais du gaz lacrymogène) et qu’ils partent avec leurs chauffeurs et vous laissent sur le carreau, ils vous prennent pour qui ? vous valez quoi pour eux ? Quand on doit vous transporter comme du bétail et vous donner 5000F pour marcher alors que vous êtes au chômage, quel avenir on vous prépare avec ça ? Un avenir en or ?

Dans la vie il faut faire la politique de son courage et de ses moyens. On n’envoie pas les gens dans la rue affronter des balles quand on est pas prêt soi-même à respirer un simple gaz lacrymogène. Il est anormal qu’on ait des hôpitaux publics insalubres alors qu’on trouve de fonds pour organiser des marches de soutien. La vie de chaque Togolais vaut celle de son prochain et chaque blessé ou mort est de trop.

III- Une victoire nationaliste est encore possible 60 ans après 1958

Nous, les nationalistes de ce pays, pas des nationalistes par opportunisme, incantations, et déclarations tapageuses mais comme authentiques héritiers politiques et biologiques des pères fondateurs de l’indépendance de ce pays, nous disons que notre ambition est de faire du Togo « l’or de l’humanité » et c’est la raison pour laquelle nous préconisons depuis mai 2010, le dialogue comme méthode de résolution des conflits et que nous avons comme Sylvanus Olympio ,opté pour le dialogue et des élections libres et transparentes pour arriver à l’alternance.

Nous ne boudons aucune institution étatique parce que le pays est à nous tous et nous sommes donc présents à l’Assemblée Nationale, au gouvernement, à la CENI et dans l’administration avec des fonctionnaires, cadres et préfets.

Notre démarche de 2010 n’a pas bien été comprise et acceptée et nous avons terminé avec 10% des suffrages exprimés soit 150 000 voix en 2013 sans compter un fort taux d’abstention. Nous sommes à présent prêts à réaliser une alternance en douceur en 2020 ; fort de 40 ans d’expérience d’opposition frontale et de 8 ans d’expérience dans la gestion de l’État que ce soit au gouvernement ou dans l’administration.

Si comme en 1958, vous nous renouvelez votre confiance à travers une victoire écrasante aux élections locales et législatives, nous ferons le nécessaire pour que l’alternance devienne une réalité en 2020 en présentant Gilchrist Olympio, le 3 ème fils de Sylvanus Olympio comme candidat pour changer de gouvernement et de gouvernance.

En 2010, il n’y a eu point de trahison ou de renoncement ; comme Sylvanus Olympio, Gilchrist Olympio a adapté son combat à la réalité. NBC News[4] nous apprend à ce sujet qu’:

« En intellectuel influent et en homme d’affaires avisé, Sylvanus Olympio ne cherche cependant pas la confrontation directe avec la France. C’est un légaliste qui souhaite mettre en place une indépendance douce et raisonnée. »

C’est uniquement dans cette logique que s’inscrit l’accord de gouvernement que nous avons signé en 2010.

À présent, le gong de la liberté résonne et tous les élèves de la CEDEAO sont en classe démocratique à une exception près. Le Togo, avec 1% de la superficie et 2% de la population de la CEDEAO, peut-il et va-t-il rester dans la cour de récréation à marcher et à crier ou bien il va rejoindre ses camarades en classe ?

Si nous voulons faire du Togo, « l’or de l’humanité », nous devons rejoindre nos camarades en classe et cela passe par :

  1. Une rencontre de haut niveau entre le chef de l’État et le chef de file de l’opposition pour déblayer la voie au dialogue ;
  2. Un dialogue entre partis parlementaires, avec d’une part la majorité présidentielle et l’opposition parlementaire. Chaque délégation peut au besoin peut se faire accompagner de quelques partis non parlementaires ou partis ayant participé à des élections passées ;
  3. Le dialogue peut être présidé par la médiatrice de la République ou une personnalité neutre de la chefferie traditionnelle ou un médiateur international (Nations Unies de préférence). Le dialogue va mettre en place une feuille de route qui permettra d’organiser des élections libres et transparentes par un Gouvernement d’Union Nationale de Transition. (GUNT) et une CENI technique.
  4. Le GUNT sera composé des partis parlementaires dans la proportion des suffrages recueillis lors des dernières législatives (pas le nombre de sièges) avec l’opposition occupant la primature.
  5. Le GUNT sera chargé d’organiser en premier lieu l’élection d’une assemblée constituante qui va rédiger une nouvelle constitution avec l’appui de commissions spécialisées.
  6. Cette nouvelle constitution sera soumise au peuple par référendum.
  7. Une fois approuvée et sur la base de la nouvelle constitution, les élections locales, législatives et présidentielles seront organisées en obligeant les partis à présenter une liste nationale et sans rétroactivité.

Faire du Togo « l’or de l’humanité » en 2018 est plus difficile qu’il ne l’était en 1958. Pendant que nous marchons et que nous nous querellons, le monde avance. Le temps ne nous attend pas mais nos problèmes économiques, sociaux, sanitaires, environnementaux et autres attendent que nous finissions nos palabres pour nous attaquer à eux.

Le dialogue ne doit pas devenir un médicament que l’on prend quand on est malade mais un aliment que l’on consomme quotidiennement pour rester en bonne santé. Le dialogue doit être la pierre angulaire… autour de laquelle la nation Togolaise se bâtit… Le dialogue nous permettra de créer la confiance et la confiance nous permettra de travailler ensemble pour bâtir une société plus démocratique et prospère.

Pour nous, le libéralisme politique et économique est la solution aux problèmes de pauvreté et de sous-développement que nous connaissons. Pour pouvoir mettre ces politiques libérales en œuvre, il faut un environnement politique, économique et légal assaini. Il faut un travail de fonds pour changer la mentalité du plus grand nombre. Changer les structures ou les hommes sans changer la culture, la mentalité ne règlera pas notre problème. Il y a une culture qui accompagne la démocratie libérale et l’économie de marché et cette culture nous fait défaut.

Nous manquons cruellement d’instituts économiques et politiques pour faire ce travail d’analyse, de lobby et d’éducation pour changer les mentalités tout en gardant leur neutralité leur objectivité. La société civile et le clergé s’étant politisés au motif qu’elles sont engagées, la tâche devient plus ardue.

Avec 114 partis politiques constitués, est ce que tous ces partis respectent la charte des partis et tiennent leurs congrès, réunion statutaires, cotisation et autres ? la question reste entière. Nous devons évoluer d’un pays où les partis se créent autour d’un individu, sa famille et sa tribu vers des partis crées autour d’une idéologie et un projet de société. La gentillesse et la flexibilité du ministre de l’administration territoriale laisse prospérer cette situation mais on peut y remédier en proposant des scrutins avec une liste nationale comme le proposait Sylvanus Olympio7 lui-même.

L’État doit déréguler plusieurs secteurs (Santé, énergie, télécommunications etc…), privatiser plusieurs sociétés d’État, réduire la bureaucratie et son train de vie. Les réformes économiques faites sont bonnes mais insuffisantes. Le secteur privé doit devenir le premier pourvoyeur d’emplois et le crédit doit être plus accessible aux entreprises et aux citoyens.

La négativité, les critiques tous azimuts et les revendications fantaisistes ne rendront pas le Togo plus compétitif dans un monde qui se globalise. Personne ne peut investir dans un pays où l’on manifeste chaque semaine et où les élections ne sont pas claires, quel que soit celui qui a tort ou raison.

IV- Conclusion

En conclusion, chaque fois que nous devons poser un acte politique, économique ou citoyen nous devons nous demander si cela contribuera à faire du Togo, « l’or de l’humanité » ?

Sylvanus Olympio pour faire du Togo « l’or de l’humanité » a usé du dialogue et a fait une transition avec les colons avant de proclamer l’indépendance. C’est dans les urnes que nous avons obtenu notre indépendance. Sylvanus Olympio a fait passer les intérêts du Togo avant ses problèmes personnels et c’est ainsi qu’il a pu gagner les élections en 1958.

En cette année 2018, 55 ans après son assassinat, les héritiers politiques et biologiques du Comité de l’Unité Togolaise (CUT) que nous sommes disons que nous sommes prêts pour réaliser l’alternance en 2020. L’UFC a besoin de votre voix dans les urnes. La meilleure aide que la communauté internationale puisse nous apporter c’est de nous aider à superviser le processus électoral. Allons au dialogue, dotons-nous d’une constitution inclusive et adaptée à nos réalités, préparons des élections transparentes ensemble et que le meilleur gagne…

Le dialogue, c’est un rendez vous du donner et du recevoir. En dépit des difficultés passées dont nous sommes tous responsables, nous devons nous remplir de bonne volonté, de bonne foi et nous armer de tolérance, d’empathie, de compréhension et de patience pour aborder le dialogue. Le dialogue doit être permanent pas seulement dans la sphère politique mais dans l’ensemble de la société Togolaise. Les Togolais doivent apprendre à se parler, à se faire confiance et à travailler ensemble. Ce dialogue doit nous permettre d’organiser des élections transparentes pour que le peuple choisisse librement ses dirigeants.

Le Togo n’échappera à la démocratie, nous y gagnerons tous à y aller ensemble main dans la main.

La communauté régionale et internationale nous aide avec la médiation et ne pourra nous aider qu’à organiser des élections propres. Ils ne viendront pas vivre avec nous ici. Leur aide, que nous apprécions, ne nous dispense pas de nos responsabilités vis à vis du Togo. Le Togo est un pays souverain et les médiateurs ne peuvent rien nous imposer. C’est à nous de voir quel est l’intérêt supérieur du Togo et de faire le nécessaire, ensemble, pour faire de notre Togo chéri, l’or de l’humanité…

La lutte continue…

Références :

  1. Allocution du Président Félix Houphouet Boigny devant le corps diplomatique, 1 er Janvier 1970. http://www.fondation-fhb.org/discours-citations-messages/
  2. Site officiel du gouvernement Togolais (2018). www.republicoftogo.com
  3. Hymne National du Togo. https://mivapedia.mivasocial.com/fr/africa-encyclopedia/alex-etsri-yaovi-dosseh-anyron-lauteur-de-lhymne-national-du-togo-terre-de-nos-aieux/
  4. Archives Togo: Sylvanus Olympio, NBC News. http://www.grioo.com/ar,sylvanus_olympio_1902-1963_premier_president_du_togo_independant_,20466.html
  5. Lancement de l’opération foraine de délivrance de cartes nationales d’identité (27 Novembre, 2017). Caisse Nationale de Sécurité Sociale. http://cnsstogo.tg/LANCEMENT-DE-L-OPERATION-FORAINE-DE-DELIVRANCE-DE-CARTES-NATIONALES-D-IDENTITE
  6. Journal Emploi Togo (2018). La CENI recrute 5000 agents le 20 Janvier à 12h. https://emploitogo.com/emplois/la-ceni-recrute-5000-collaborateurs/
  7. Archives Togo: NBC News 2/2 (2008). http://www.dailymotion.com/video/x4081c

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