Dans un communiqué rendu public le 6 juin dernier, le Parti national panafricain (PNP) exigeait soit la libération de Ouro-Djikpa Tchatikpi, l’un des conseillers du parti, soit son déferrement dans un lieu de détention public et accessible. Il y a de quoi s’inquiéter quand on sait les conditions de détention risquées que peut subir un détenu dans un environnement dans lequel la soldatesque dicte sa loi, comme au Service de recherches et d’investigation (SRI) au Togo. Seul l’avenir saura faire le bilan des dégâts humains depuis le début de cette crise au Togo. Ils sont nombreux, ces jeunes, femmes et hommes qui sont portés disparus sans que les parents puissent situer leur position. Ils sont obligés de se mettre en lieux sûrs pour sauver leur peau dans un pays où pour avoir exprimé un droit constitutionnel, celui de manifester pacifiquement, ils sont recherchés ici et là sur des motifs saugrenus.
Dans une ville comme Mango par exemple, c’est pour sauver leur vie que plus de 500 Togolais sont allés se réfugier à Chereponi dans le Nord-est du Ghana voisin. De temps en temps, les jeunes téméraires qui ont osé retourner chez eux, ont été inquiétés. Enlèvements ici, détentions clandestines là, disparitions de jeunes plus loin, toutes les misères été faites aux populations togolaises dans leur quête du bien-être. Dans un tel environnement, quand des individus ne répondent pas à l’appel, ni à la prison civile ni en famille pendant qu’elles sont aux mains des forces de sécurité, il faut sonner l’alerte. C’est ce que le PNP a fait. « Nous sommes dans un environnement où, en matière de violation des droits humains, le passage des menaces aux actes n’est qu’un petit exercice pour les forces de l’ordre », ironise un compatriote. Ceci nous rappelle cette triste réalité qui semble pourtant passer incognito, mais qui se révèle grave et doit interpeler les défenseurs des droits de l’homme et autres.
En effet, il circulait, depuis quelques mois, une liste de jeunes dont la plupart est de Bafilo, l’une des villes avant-gardistes de la contestation contre la dictature de Faure Gnassingbé. Il se dit que ces jeunes sont recherchés pour leur activisme dans la mobilisation et autres actes jugés hostiles à la dictature. Cette liste a circulé ici et là dans le pays. Les personnes visées se mettent traditionnellement à l’abri et réapparaissent une fois les menaces passées. Au départ, cette liste n’était pas prise au sérieux, mais aux derniers évènements, il se fait que c’est une réalité. La bande qui menace ces jeunes n’est pas du genre à baisser la garde.
On se rappelle encore l’assassinat du jeune Alissera Zeinidine par une horde de militaire suite à une répression de la marche du 13 avril 2019. Comme s’il était recherché préalablement, la victime a été prise à parti comme l’ont montré des vidéos. Ce jeune qui est mort en laissant une femme et deux enfants ne verra pas son troisième enfant, né quelques jours après sa mort. Bizarrement, sur cette liste banalisée qui a circulé, se trouve la victime de la dernière sortie militaire à Bafilo. Liste des recherchés à Bafilo dont l’un est déjà tué et d’autres détenus :
- Alissera Zeinidine,
- Allassani Kamaloudine,
- Aboubakar Aminou,
- Ali-Soulé Mounirou,
- Fataou Arafat,
- Badaro Alfa Ati,
- Batoulim Latifatou,
- Bah Traore Mohamam Sani,
- Ouattara Koudousse,
- Aboudou-Salami Salimatou,
- Ouattara Raouf,
- Djalilou Alirou,
- Issifou Salami,
- Yorou Sani,
- Kaouté Kader,
- Traoré Aboubakar,
- Traoré Mounessou,
- Alassani Amissou,
- Koli Sama Zakariya
- Houdou Fataou,
- Badarou Souleymane,
- Degbembia Kamilou,
- Adhrikah Marzouk,
- Karim Aïda.
Loin donc des regards, les menaces s’exécutent, aujourd’hui c’est Zeinidine, à qui le tour demain ? Et ils sont nombreux, ces jeunes militants obligés de se cacher ou à quitter le pays pour l’incertitude. Pire, c’est que même dans leur cachette, ils sont poursuivis ; comme l’illustre l’arrestation des militaires togolais au Ghana il y a quelques mois alors qu’ils étaient en mission commando pour faire revenir au Togo des concitoyens qui y ont trouvé refuge après la marche réprimée du 08 décembre 2018. Cette situation doit interpeler davantage. Certes, les défenseurs des droits de l’homme font déjà un grand effort si on se réfère aux rapports du REJADD et tout récemment de la LTDH, mais beaucoup de choses restent à faire quand les bourreaux ont la latitude de mettre à exécution leurs menaces sur de paisibles citoyens.
Déclaration
Le vendredi 20 avril 2019 à la première heure, le conseiller du Président du Parti National Panafricain, Monsieur Ouro-Djikpa Tchatikpi a été enlevé à son domicile à Lomé dans des conditions rocambolesques.
Depuis cette date, Monsieur Ouro -Djikpa Tchatikpi est détenu au Service de Recherche et d’Investigation (SRI) dans une opacité totale, et ceci malgré des appels pour sa libération pure et simple lancés par des voix autorisées et des organisations de défense des droits de l’homme.
Cette détention constitue une violation flagrante des règles de procédure en droit togolais.
En conséquence, le Parti National Panafricain (PNP) exige que Monsieur Ouro-Djikpa Tchatikpi soit libéré immédiatement ou déféré sans délai.
Le PNP tient à alerter l’opinion nationale et internationale contre un éventuel montage en préparation sur le dos du PNP et contre une atteinte à l’intégrité physique, mentale et morale de Monsieur Ouro-Djikpa Tchatikpi au cours de cette longue détention dans un environnement militaire en charge du renseignement.
Par ailleurs, le PNP exige la libération sans condition de ses trente-huit (38) militants, ainsi que la libération des acteurs de la société civile.
Le parti exprime sa gratitude à l’endroit de tous ceux qui se battent nuit et jour contre cette situation de non droit dans notre pays le Togo.
Lomé le 06 juin 2019
Le Secrétaire Général
Dr. Sama Kossi
P.C
Source : Liberté No.2937 du 11 juin 2019
27Avril.com