Le championnat national de Première division reprend le 06 octobre prochain. En attendant, les états-majors des clubs s’activent pour étoffer leurs effectifs. C’est le mercato. Période propice pour la signature de nouveaux contrats qui riment souvent avec une revalorisation salariale. Bien loin des sommes faramineuses que perçoivent les footballeurs en Europe, et même dans certains pays du continent africain, les salaires des joueurs du championnat du Togo sont entourés de mystères. Enquête !
La D1 togolaise, selon le chronogramme dévoilé par la Fédération togolaise de football (FTF), aurait dû reprendre le week-end dernier précisément le 15 septembre 2019. Mais entre un calendrier international chargé et la participation des clubs togolais aux coupes continentales, l’instance nationale du football a décidé de reporter la reprise du championnat finalement calée sur le 06 octobre prochain. Les 14 clubs de la D1 ont donc l’occasion d’enrôler encore des joueurs pour préparer au mieux la prochaine saison. Plusieurs joueurs ont déjà changé de club. Mais contrairement à la pratique prônée par la FIFA, les contrats restent bien protégés dans les armoires des présidents des clubs. Par conséquent, les montants du salaire des joueurs est quasiment inconnus du grand public. Pendant plusieurs semaines, nous avons enquêté sur ce que perçoivent ces joueurs locaux dont certains ont déjà goutté au plaisir de la sélection nationale.
Championnat amateur qui tend désormais vers le semi-professionnel avec l’introduction depuis trois ans de nouvelles réformes, imposées par la FIFA, la D1, grâce à une meilleure organisation des compétitions, se mue. Dans ce sens, les nouvelles pratiques tendent à protéger entre autres les intérêts joueurs. Si du côté de l’organisation, tant bien que mal, les clubs s’acheminent vers un système semi-professionnel, curieusement ils rechignent à se plier à certaines obligations notamment en ce qui concerne le salaire des joueurs. A cet effet, dirigeants et joueurs préfèrent le plus souvent garder le secret sur leur deal financier. « C’est des informations sensibles. Nous ne voulons pas créer des conflits entre nos joueurs », explique le Secrétaire Général d’un club de la D1.
Depuis quelques années, cependant, les langues se délient de plus en plus. Soucieuse de l’amélioration des conditions de vie et du traitement des joueurs, « la Fédération togolaise de football (Ftf) incite les clubs à établir des contrats en bonne et due forme pour les joueurs, dont une copie est déposée à la FTF », a déclaré un membre du Comité exécutif de la FTF.
Les dirigeants sont désormais moins réticents à évoquer ce sujet. Grâce à la collaboration de quelques-uns d’entre eux et des personnes bien introduites dans le milieu du football togolais, on a pu se faire une idée des salaires et des primes payés aux joueurs de la D1, du moins pour le compte de la saison 2018-2019.
Levée du voile sur un mystère…
Dans cette bataille des chiffres, tout le monde n’est évidemment pas logé à la même enseigne. Il y a bien sûr les salaires moyens et les salaires les plus bas, en fonction des moyens dont dispose chaque club.
De façon générale, les salaires de la D1 au Togo oscillent entre 45 et 100 000 FCFA. Certaines exceptions en l’occurrence les étrangers vont jusqu’à 150 000 FCFA. A ces salaires s’ajoutent les primes de matchs notamment les bonus à la victoire qui varient entre 5000 et 15 000 FCFA, selon qu’il s’agit d’un match à l’extérieur ou à domicile. «Quand, j’étais à l’AS Togo Port, je gagnais 80 000 FCFA. J’ai reçu une prime à la signature de 200 000 FCFA. Les primes de match gagné, c’étaient 10 000 FCFA pour les matchs à domicile et 15 000 FCFA à l’extérieur », nous a confié un ancien joueur des portuaires. Pour ce joueur qui a décidé de monnayer son talent dans une autre écurie, la période où les dockers (surnom de l’AS Togo Port) ont participé à la League des Champions était la bonne. « Pendant la League des Champions, les matchs gagné à domicile étaient à 200 000 et à l’extérieur à 300 000 FCFA », se souvient ce joueur qui a également porté les couleurs de la sélection locale. Mais ces primes sont loin de satisfaire ce joueur. « J’estime qu’on est mal payé surtout par rapport à certains pays de la sous-région », a-t-il fait savoir.
Bien évidemment, ils ne sont pas nombreux les joueurs qui emmargent à 80 000 FCFA. A en croire une source proche d’un club basé au nord du pays, « le joueur le mieux payé gagne 60 000 FCFA par mois ». « Le club n’a pas les moyens. Nos primes sont entre 5 000 et 10 000 FCFA. Nous sommes un petit club, donc on fait avec les moyens de bord », a indiqué notre interlocuteur. Au terme d’un long entretien, l’un des joueurs du club en question a confié que les salaires ne sont pas versés régulièrement. « Ça n’a pas été facile de vivre et de jouer dans ce contexte. Même pour les primes, il fallait attendre des jours avant de les percevoir », a affirmé ce jeune attaquant. La saison dernière, le club a évité de justesse la relégation. A la fin de la saison, le joueur a décidé de plier bagage. Actuellement, il est sans club. « C’est très difficile, car sans salaires, sans primes, on ne peut que faire ce qui (…) est possible », ajoute pour sa part un entraineur de l’élite.
Des difficultés salariales qui ont des conséquences non seulement sur le rendement mais aussi sur la vie quotidienne des joueurs. « Ce n’est pas facile de vivre avec 40 000 à 60 000 FCFA par mois surtout quand on n’a pas d’autres entrées et qu’il y a la famille à supporter. Parfois, on a des difficultés à subvenir aux besoins les plus élémentaires, ne serait-ce que pour nos enfants », témoigne un ancien pensionnaire de la D1 qui a rejoint la Côte d’Ivoire, il y a quelques mois.
« On est donc tenté de se demander quel a été le cahier des charges signé par les responsables de clubs ? », s’interroge Kokou Mawu, supporter de Gomido de Kpalimé.
L’une des conséquences de cette situation est l’exil des joueurs. Ainsi, les joueurs locaux, qui ont la possibilité, se ruent vers d’autres championnats plus onéreux. Certains sont victimes des agents véreux qui leurs promettent des contrats plus lucratifs. Mais au finish, les joueurs sont pris au piège.
Source : Fraternité No.329 du 18 septembre 2019
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