Togo : Ces journalistes, sont-ils devenus des chiens?

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journalistes togolais

J’ai appris à ne pas être long, surtout dans un édito. Mais pour une fois, je le serai. Et pour cause !

Appelez ça comme vous le voulez : bâillonnement, étouffement, contrôle, étranglement, répression, musèlement, etc., etc. Moi je préfère le tout dernier : musèlement, que vous avez aussi la possibilité d’écrire avec 2 fois la lettre « l » : musellement, deux lettres qui sonnent comme deux lames, qui représentent de véritables bistouris pour les chirurgiens de la hache, ah ! je voulais dire HAAC, elle-même proche de la hache véritable, comme celle dont on parlait dans les années 80 (sur le campus de l’Université du Bénin), hache qui servirait, pour certains enseignants –disait-on du moins – à hacher des étudiants, par le biais de notes minables, afin que ces étudiants échouent. En tout cas, c’est ce qui se disait. Mais, passons !

Des deux orthographes, je préfère encore la seconde : « musellement », parce qu’elle est proche de l’étymon latin, qui fait ressortir l’idée de « museau ». Comme je n’aime pas mentir, je m’appuie toujours sur le dictionnaire. Voici ce que Monsieur Larousse me dit : « partie antérieure, allongée et plus ou moins pointue, de la face de certains mammifères, située au-dessus de la bouche et dont l’extrémité forme le mufle ». Plus simplement, c’est la bouche de votre chien. Mais qui dit chien pense en même temps au danger potentiel que vous encourez en l’approchant, si ce chien n’est pas le vôtre. Vous risquez gros, la morsure, et même la mort. Pour minimiser l’exposition au danger, des hommes ont pris soin de concevoir un mécanisme que vous posez sur le museau de votre chien, pour l’empêcher : 1. D’aboyer, 2. De mordre, 3. De manger si vous le voulez. C’est ce dispositif qu’on nomme « muselière », d’où provient le mot musellement, appliqué, non plus à un félidé, mais à une activité humaine et aux acteurs de cette activité, en particulier la presse togolaise.

Quand, depuis la France, je vois des citoyens s’en prendre au Président Macron, avec des mots durs, même trop durs, quand je pense aux mots dont se sert Marine Le CES JOURNALISTES, SONT-ILS DEVENUS DES CHIENS? Pen pour qualifier la politique de Macron, quand je me rappelle la dureté des propos lors des débats télévisés ici en France, je m’interroge sur la guillotine que connaîtraient des Français si leurs propos étaient tenus au Togo, ou si un Africain se permettait de gifler un Président de la République, devant caméra. Tout cela est à regretter, évidement !

En toute chose, il faut de la mesure. La presse est perçue au Togo comme un ennemi, et les journalistes comme des adversaires à faire taire, ou dont il faut se dégager à tout prix. Solution toute trouvée : museler la presse. 1. L’empêcher de parler (d’aboyer). 2. Eviter d’être la cible de cette dernière (se faire mordre). 3. Empêcher les acteurs de la presse de vivre de leur plume, en les affamant, sur des mois sans publications.

Solution toute trouvée par certains confrères journalistes : coaliser avec les bourreaux du peuple et défendre, déculpabiliser, – mordicus – le pouvoir, vaille que vaille ! Et leurs propos sont très vite reconnaissables. Il n’est pas rare d’entendre sortir de leurs bouches des propos du genre : « l’Etat a fait des efforts… », « c’était avant ça, maintenant… », « il faut reconnaître les efforts… », puis suit une litanie d’éloges dithyrambiques qui ne reposent sur rien d’objectif, de palpable. Surtout le mot « efforts » ! C’est la marque de fabrique de leur style ! Pour paraphras er l’homme le plus célèbre qui ait foulé cette planète terre (je veux parler du Docteur Jésus-Christ), « vous les reconnaîtrez à leur style ! ». Pourtant, ni la faim, ni l’indigence ne devraient servir de justifications à une quelconque servitude du journaliste, pour l’empêcher de jouer son rôle véritable dans cette noble mission. C’est ainsi que la compromission, qui se traduit par une forme de griotisme (surtout dans les débats radiodiffusés) ont pris le pas sur la vérité et la réalité des faits, sur la conviction et l’éthique journalistique. Par conséquent, sur le marché de la presse privée togolais e, foisonnent aujourd’hui beaucoup de «journalistes» alimentaires, qui sont devenus, par la force des choses, de véritables Gargantua ! (rappelez-vous ce héros de François Rabelais au seizième siècle français), avec leur bouche plus proche de leur ventre que de leur cœur, pour ainsi paraphraser le Professeur Léopold Mensan Gnininvi qui, dans les années 90, attirait déjà l’attention des hommes politiques sur la voracité bestiale dans laquelle se sont beaucoup complu nombre d’opposants togolais, des plus radicaux dès le début de la lutte démocratique, jusqu’à leurs démembrements, au détriment d’un peule naïf dont les yeux ne se sont peu à peu dessillés qu’avec l’entrée en scène d’un oint (suivez nos regards !).

Pour un quelconque couac – qui aurait même pu passer inaperçu -, on pond des communiqués à tour de bras, on ferme des publications, on convoque des journalistes, des garde-à vue s’enchaînent, etc. Nos meilleurs représentants de la presse sont obligés de prendre la poudre d’escampette. Une encre de stylo est loin d’être une balle, un missile, un drone. Ecrire, c’est ce que tout enfant apprend dès les premiers jours de sa scolarité. Et s’il n’est plus possible d’écrire librement dans un pays, que reste-t-il alors ? La léthargie ? L’immobilisme ? Le silence complice ? La soumission captive à une gouvernance par la peur ? Mais tout le monde ne peut quand même pas se taire ! C’est la dissonance, la divergence, qui font et qui fondent une démocratie ! Demandons-nous pourquoi toutes ces gesticulations. Ne l’oublions jamais : celui qui fait du mal a toujours peur de la lumière. Et il n’est pas donné à tout le monde de parler. Aimé Césaire le disait si bien, dans Cahier d’un retour au pays natal : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ». Votre Journal Tampa Express vient de sortir de ce mutisme imposé à la presse, après trois mois !!!

La presse est « la bouche » du peuple. Peut-on empêcher la bouche de parler ? Chez mes oncles à moi (chez les gens de Bassari-Togo), on a coutume de dire : « La bouche n’est pas un anus pour qu’on la mette sous les fesses et s’asseoir (sur cette bouche) ». C’est un peu grossier certes, mais cette grossièreté traduit l’impossibilité d’étouffer la parole dans une société, soit en incarcérant des journalistes, soit en les poussant à l’exil, en leur imposant un certain Omerta, en les assassinant comme on en a vu tout récemment au Cameroun. Un chien n’aboie qu’à l’approche d’un inconnu, ou quand il voit un loup se diriger vers la bergerie. Un chien n’aboie pas un autre chien. On n’écrit sur un acteur politique ou quel qu’il soit, que dans la mesure où il traîne des casseroles ou qu’il prête le flanc. Pourquoi refuse-t-on la critique ? Pourquoi ça fait peur ? Ou bien tous les Togolais sont tenus d’être ou de devenir albicéleste (suivez-bien mon regard !) Pas sûr que vous m’ayez compris. Courez vers le dictionnaire, et aussi lisez bien, parce que vous pourrez toujours ne rien comprendre ! La stratégie qui consiste à attraper un bout de phrase d’un article et à poursuivre des honnêtes gens est contre productive. Les journaux incriminés acquièrent plus d’audience et sont plus connus du grand public. Il faut aussi que ceux qui dirigent ou aspirent à diriger le peuple comprennent qu’une fois qu’on devient un personnage politique, ou un acteur important, on s’expose et on est sujet à critique. Le problème se trouve de ce côté-là : il faut que ceux qui ne veulent pas que leurs actes soient sujets à critique soient totalement irréprochables ! Ou bien qu’ils demeurent dans leur coin !

Qui écrira sur un cultivateur de Djarkpanga qui cultive ses terres avec ses tracteurs à lui ? Personne ! Mais dès lors que ce dernier s’approprie à lui seul les tracteurs de toute la communauté, ou encore que ce dernier ait reçu des tracteurs envoyés par un homme politique, la donne change ! Et comment ne pas en parler ? Il faut pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie. Je crois quand même qu’il est permis de rêver : le jour où la chaîne de l’accointance entre régulateurs de presse et autorité – la vraie Autorité d’une justice juste et indépendante – se rompra, beaucoup de choses cachées à l’ombre de la corruption, des détournements(partiellement révélés par la Cour des comptes) et du mensonge se révéleront au grand jour, et c’est le pays qui grandira. Les censeurs connaîtront leur place, et les juges – les vrais juges justes et impartiaux – il y en a dans ce pays – se réveilleront et découvriront leur rôle d’acteurs et de partisans de la démocratie et de la démocratisation. Les procureurs et les juges se verront l’autorité, le droit, la force morale et le pouvoir de retoquer les plaignants, ceux-là qui trouvent qu’on parle mal d’eux dans la presse. Ils seront armés pour dire la vérité à des ministres qui trouvent que leur honneur est bafoué. Ces juges prendront le temps d’expliquer aux plaignants ce qu’est une autorité publique, la place du journaliste dans la vie sociale et politique, et à quoi ces autorités doivent s’attendre. Ils auront le temps de leur rappeler que personne ne parlait d’elles quand elles étaient dans l’ombre. Les juges découvriront qu’ils sont des moralistes, tels La Rochefoucauld, et que c’est à eux de moraliser, et les hommes, et la vie publique, et surtout même la vie économique, à travers un assainissement mental nécessaire ! Les procureurs se rendront compte qu’ils doivent juger, c’est-à-dire apprécier, et que la justice est un pilier et un garant de la démocratie. La balance que représente la justice « balancera des deux côtés », et ne sera plus bloquée du côté du chêne (Goliath) uniquement, mais du roseau (David) « le plus faible » aussi !!! Rappelez-vous la fable de La Fontaine ! On se réveillera aussi à l’idée qu’un journaliste n’est pas un chien enragé, un ennemi déclaré, qu’il faut abattre à coups de pilons, mais que le journaliste représente plutôt la conscience avérée, révélée et incarnée, qui est consciente d’une certaine insouciance dans laquelle somnole le reste du peuple. Et, pour y arriver, arrêtons la cognée et la saignée ! Ils sont aussi raisonnables comme vous ! « Regardez mes doigts travailler, chacun fait son petit métier ! » N’oubliez jamais cet avertissement de l’un des tout premiers poètes dont vous avez récité les vers aux premiers jours de votre scolarité (sans les comprendre vraiment en ce temps-là). Apprenez donc aujourd’hui à comprendre vo(tre)s «messie(s)».

Diwaar Djouloo Kitoumbiki

Source: Tampa Express

Source : 27Avril.com