Le Vice-président de l’Alliance nationale pour le changement Patrick Lawson a été l’invité de l’émission D12 sur Pyramide Fm ce dimanche. Il est revenu sur l’essentiel de l’actualité politique. Nous vous proposons la première partie de son entretien avec Pierrot Attiogbe.
Pierrot A: Bonjour Patrick Lawson. Ça fait très longtemps qu’on s’est retrouvé pour une émission. Pourquoi ce repli ? C’est stratégique ?
Patrick Lawson : Je vais très bien. C’est exact, mais ce n’est ni stratégique, ni un repli. Juste la vie quotidienne. J’ai aujourd’hui un président de parti qui est présent sur le terrain, qui fait bien son travail, et si je puis dire, ça me dispense un peu des activités que je menais avant. Avant, lorsque j’étais dans un autre parti, mon président était un grand homme aussi mais souvent absent, ce qui me permettait de prendre les devants. Aujourd’hui, mon président est là, je travaille avec lui, je travaille beaucoup avec lui, mais dans l’ombre.
Vous avez décrit deux situations différentes. Lorsque vous étiez à l’UFC, et maintenant à l’ANC. Est-ce qu’aujourd’hui, vous vous plaisez aux côtés de Jean-Pierre Fabre ?
C’est un camarade de lutte. On se connaît depuis. Nous connaissons nos forces et nos faiblesses. Cela nous permet de faire ce qu’on peut faire pour aider notre pays le Togo. En ce qui concerne Gilchrist Olympio, on faisait la politique ensemble, mais c’était un grand frère que je considérais presque comme un père spirituel. J’ai grandi avec lui. J’ai fait beaucoup de choses avec lui. Mais bon, c’est la vie. Nous continuons Jean-Pierre et moi avec nos autres collaborateurs, toujours avec l’idée de sortir notre pays le Togo de la situation mauvaise qui est la sienne.
Est-ce que vous avez perdu aujourd’hui Gilchrist Olympio que vous considérez presque comme votre père spirituel ?
Oui, je le regrette. Je l’ai perdu. Est-ce que je peux dire que c’est lui qui m’a renié ? En tout cas, ce n’est pas moi qui l’ai renié, puisque je suis resté dans la ligne qu’il m’a inculquée au départ. Aimer son pays, défendre ce que les nationalistes ont pu faire dans ce pays, et c’est ce que je continue à l’ANC.
Finalement, avez-vous trouvé un autre père spirituel ?
Jean-Pierre Fabre et moi sommes du même âge, si ce n’est quelques mois de différence. Je travaille en toute symbiose avec lui. Quand on est orphelin, on l’est. Je ne cherche plus un autre père. Mais j’ai des frères de lutte.
Depuis quelque temps, on assiste à des rafles suivies de la prise des empreintes digitales. Il y en a également eu cette semaine. Je ne sais pas si vous avez connaissance de tout ce qui se passe dans la nuit. Quelle est votre position sur ce cas spécifique ?
C’est regrettable !… Nous sommes dans un État de droit. Ces actes, ces actions qu’on pose au quotidien, ces tracasseries qu’on cause aux Togolais prouvent que nous avons encore du chemin à parcourir. Un petit pays comme le nôtre, on aurait pu y vivre mieux. On se connaît tous. A-ton besoin de toutes ces tracasseries ? On sait que c’est surtout en prépériode électorale que cela vient ou à la veille des manifestations. En clair, cela veut dire qu’on veut empêcher les gens d’aller à une manifestation ou alors on prend leurs empreintes pour faire autre chose, la fraude étant un sport quotidien au Togo, en période électorale.
Est-ce qu’au niveau de l’Assemblée nationale, vous avez tenté des interpellations pour en savoir davantage sur ces questions ?
Nous avons un problème avec les interpellations. Notre règlement intérieur est clair là-dessus. Mais lorsque vous faites une interpellation sur un sujet brûlant et qui nécessite qu’on intervienne immédiatement, c’est six mois après que le ministre interpellé va se présenter. Et lorsqu’il se présente, c’est pour des litanies. Il défend son programme au lieu de répondre à la question qu’on lui a posée de manière concrète. C’est le mal de la vie parlementaire aujourd’hui, ou du moins des relations entre le parlement et le gouvernement, et c’est regrettable. C’est aussi valable pour les interpellations que pour toutes les invitations à l’endroit des ministres, même s’il s’agit de leur propre texte. Il arrive souvent que des ministres ne viennent pas défendre leur texte. Et la vie parlementariste n’est pas très intéressante au Togo à ce niveau-là.
Est -ce lié à notre apprentissage difficile de la démocratie ?
Répondre aux préoccupations des citoyens découle également de l’apprentissage ? Je crois que non. Lorsqu’on est responsable dans un pays, lorsqu’on n’est député ou ministre, on l’est pour aider les populations. Et à ce titre, lorsque les populations ont des difficultés, on doit au moins les rassurer, leur apporter les premières réponses, et c’est ce qui manque. Ça ce n’est pas l’apprentissage, mais un manque de volonté politique.
Si on apprenait, ce serait quelque chose de positif pour nous. Nous piétinons, nous faisons toujours les mêmes erreurs, nous reculons même. Quand vous avez un texte devant vous qui dispose qu’il n’y a pas de mandat impératif et que vous vous entêtez à renvoyer des députés, on ne peut pas dire qu’on fait de l’apprentissage. Je donne un exemple comme cela. Lorsqu’on dit que le texte vous commande d’équilibrer le choix des membres dans les institutions et que vous ne le respectez pas, vous n’êtes pas dans l’apprentissage.
Mais dans l’apprentissage comme cela se fait dans les écoles, on n’est pas obligé d’aller au même rythme.
Je suis au regret de vous le dire, le Togo dans ce domaine était un exemple. C’est un recul.
Avant de se rendre en Chine pour le sommet sino-africain, le Chef de l’Etat a accordé une interview à la chaîne chinoise CJTN et a publié une tribune dans Jeune Afrique. Avez-vous jeté un coup d’œil sur ses sorties de Faure Gnassingbé ?
Bien sûr, j’ai lu les deux textes. L’impression que ça me laisse, c’est que, pour quelqu’un qui ne sait pas que c’est un régime cinquantenaire, croirait que c’est un programme d’avenir pour un régime qui va naître. Or, le régime qui parle dans cette tribune a déjà fait cinquante ans. L’homme qui parle a déjà fait 13 ans, son père a fait 38 ans. Lorsqu’on lit ces écrits-là, c’est magnifique et on dirait que c’est quelqu’un qui fait un programme pour le Togo lorsqu’il se présente pour devenir Président de la République. Or ce n’est pas le cas. C’est un homme qui a déjà un passé, qui a totalisé 50 ans avec son père au pouvoir. Il est bien de s’inspirer de ce qu’il a écrit, mais il faut que la mise en œuvre se fasse par d’autres personnes.
N’est-ce pas une sorte de bilan à son actif ?
Est-ce que c’est un bilan, puisque les choses dont-il parle sont à venir ? L’aéroport est là. Oui ! Mais beaucoup de choses sont prévues pour être faites. Cela veut dire qu’il va rempiler encore pour des années. Je ne crois pas que ce soit son intention. Je crois que c’est quelque chose qu’il veut laisser pour l’avenir, un discours qu’il laisse pour ceux qui vont venir.
Mais dans une partie de sa tribune, il fait un constat qui donne l’impression que les choses se passent bien dans le pays.
Je veux bien voir comment nous avons changé. Oui c’est vrai, avant on avait trois repas par jour, maintenant on n’en a qu’un. C’est ce que je remarque moi. Les gens boivent assez et s’enivrent car ayant trop de soucis. C’est aussi un changement. Mais un changement réel et palpable, je le regrette, je ne le vois pas. C’est vrai que moi au parlement, j’ai un nouveau bureau, il est beau, mais il faudrait que ce pourquoi ce parlement a été construit, cela se fasse. C’est-à-dire les débats d’idées, faire avancer les idées dans le pays, voter des lois, contrôler les actions du gouvernement, etc. Là on saura qu’on a un parlement nouveau, avec des hommes nouveaux.
Espérons que les débats auront un niveau beaucoup plus élevé et beaucoup plus dense. C’est un espoir que je nourris. Mais d’ores et déjà, lorsque nous voyons la façon dont la relève est organisée, lorsqu’on met sur place une CENI tricheuse, lorsqu’on met une date des élections proche pour qu’elles ne puissent pas être transparentes, lorsqu’on refuse de faire les réformes, etc. je n’ai pas l’impression qu’on veut rehausser l’image des futurs parlementaires.
Est-ce que personnellement, vous avez peur pour l’avenir de ce pays ?
J’ai peur pour l’avenir du Togo, mais en même temps, j’ai confiance en ce peuple. Quel que soit ce qu’on veut imposer à ce peuple, il arrive à résister. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Déjà dans les années 1933, 1946, 1958, 1960, 1990, etc, ce peuple a toujours su réagir, et positivement. Nous sommes un petit peuple, mais un peuple intelligent, uni. Tous ceux qui tenteront de nous diviser, échoueront. Du Nord au Sud, le Togo est uni et veut que les choses évoluent. Un petit pays comme le nôtre doit pouvoir faire des choses extraordinaires. C’était la préoccupation des pères de l’indépendance. C’est un pays qui aurait pu être géré d’une façon scientifique. Mais aujourd’hui, nous nous retrouvons avec un pays endetté. Un pays où tout fou le camp. L’éducation était fondamentale. Les Togolais étaient recherchés à l’extérieur pour leur sérieux. L’instituteur togolais pouvait enseigner dans des collèges. L’aide comptable pouvait devenir expert-comptable dans d’autres pays. Dans son sérieux, il apprenait, il se consacrait, il élevait ses enfants en toute harmonie. Il n’y avait pas cette dépravation. Aujourd’hui, tout est chaos.
Vous décrivez un Togo qui est en perte sur le plan du civisme. N’est-ce pas ce qu’on constate aujourd’hui partout sur le continent ?
L’Afrique a un problème. Ça c’est sûr. C’est le continent le plus riche. C’est le continent où il y a la jeunesse. C’est l’avenir du monde. Mais nous avons eu des dirigeants qui n’ont pas aidé nos pays à évoluer. Il y a quelques exceptions qui confirment la règle, mais d’une façon générale, l’Afrique est à plaindre et très rapidement, il faut qu’on se ressaisisse.
Vous parlez d’un Togo où on faisait des choses extraordinaires. Je ne sais pas si on ne continue pas à le faire. Récemment, le Togo a organisé trois sommets en deux jours, le Togo est en train de construire des routes, le Togo est en train de définir un Plan national de développement.
Vous savez ce que les sommets nous laissent comme ardoise et comment les routes sont faites ? Les budgets disparaissent et les routes ne sont pas faites. Tous les Togolais le savent et je le regrette. Je prends l’exemple du vieux Houphouët-Boigny. A son époque, on faisait des routes, on construisait des bâtiments, on mettait en place des industries. Il savait que les gens allaient se sucrer. Mais, ce qui était important pour lui, c’est que les choses soient réalisées et il surveillait pour que la réalisation soit totale. Il encourageait ceux qui se sont sucrés à réinvestir dans l’agriculture, dans l’hévéa, etc. et c’est ce que nous cherchons. Il ne faut pas que l’argent volé aille à l’extérieur. Qu’on le réinvestisse dans les industries ici. Puisque le chef de l’Etat en parle.
Vous dites, volez, mais réinvestissez sur le plan national ?
Au moins ! Ce n’est pas moral, mais au moins, on saura que cet argent qu’on a volé aux Togolais a été réinvesti dans le pays.
On parle des interventions du Chef de l’État sur des chaînes internationales. Curieusement, en 13 ans de pouvoir, ce qu’on ne comprend pas, Faure Gnassingbé ne s’est jamais adressé à travers une chaîne nationale. Quel est votre sentiment sur cet aspect de la chose ?
L’État togolais est en pleine communication. Ils font de la Com. Ils se disent, la presse togolaise ne va pas porter loin. Une tribune dans Jeune Afrique par exemple, c’est lu un peu partout. Mais en réalité, cela cache quelque chose de fondamentale. Cela voudrait dire qu’il n’y a pas de réalisations réelles. S’il y en avait, pourquoi on ne demanderait pas à la presse togolaise de constater, d’en parler, etc ? C’est beaucoup de gâchis. Lorsqu’on fait une tribune dans J.A, ça coûte des centaines de millions de francs, alors que la presse togolaise ne demande qu’à informer. Vous dites que vous avez faits des routes ; montrez-nous les routes. Vous dites qu’il y a des usines, montrez- les nous. Vous dites qu’il y a des mesures sociales en faveur des employés, des ouvriers et tout ça, montrez-les nous.
La question qu’on se pose, est de savoir à qui s’adresse la tribune du chef de l’Etat. Est-ce aux Togolais ou aux amis du Togo ?
Il s’adresse à la communauté internationale et aux amis du Togo qui veulent continuer à les aider à faire ce qui n’est pas bon pour le Togo.
Parlons de la communauté internationale. Le 31 juillet dernier, les chefs d’Etats de la CEDEAO étaient à Lomé et à leur départ, ils ont laissé une feuille de route. Beaucoup avaient cru qu’à leur départ, la crise togolaise allait amorcer le dégel. Mais curieusement, c’est comme si les protagonistes aiment faire la compagnie des crises ?
Je vais rectifier quelque chose. Les Togolais s’attendaient plutôt à une surprise. C’est-il dire qu’ils ont toujours en tête ce qui s’est passé en 2005 avec la même CEDEAO. Il se sont dit que peut-être, ils vont essayer de se racheter, surtout qu’il y a eu renouvellement de la classe politique, ceux qui sont là aujourd’hui feraient autre chose. Mais, je vous assure que les Togolais sont très déçus. Ils le sont car depuis le 31 juillet, sans une seule fois, les Facilitateurs ne sont revenus nous voir, ni leurs représentants. Il y a juste des fonctionnaires qui viennent, et je ne sais pas ce qu’ils viennent faire souvent, si ce n’est pour aggraver la situation. Nous les Togolais, nous n’entendons pas nous laisser marcher sur les pieds encore une fois. Si les choses ne changent pas, les Togolais reprendront encore la rue et reprendront leur destin en main.
C’est un discours nouveau ?
Moi je suis fâché. Je ne suis pas du tout d’accord avec la manière avec laquelle la CEDEAO gère ce dialogue. Je crois que la C14 est de bonne foi. Elle a même arrêté les manifestations pour permettre à ces Chefs d’Etat de travailler. Rien n’y fit et à partir de là, moi c’est la colère. Je dis que si c’en est ainsi, il faut que le peuple lui-même reprenne son destin en main et nous le retire. Je le dis clairement parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets. En 2005, nous avons eu plus de 1000 morts. Nous ne voudrions plus que des gens soient allés dans la rue pour revendiquer un certain nombre de choses : retour à la Constitution de 1992, remise en place des institutions fiables, vote des Togolais de l’étranger, etc et qu’aujourd’hui, on fasse comme s’il n’y a jamais eu de mouvement de rue dans ce pays et que les Togolais n’ont jamais revendiqué tout cela ; c’est quelque chose qui me choque. Vous savez que je ne suis pas quelqu’un de bouillant, mais je n’aime pas non plus qu’on me triche ou qu’on me prenne pour un imbécile.
Finalement la CEDEAO est en train de vous tricher ?
La CEDEAO n’est pas en train de jouer le jeu qu’on pouvait attendre d’elle.
A vous entendre, on a l’impression que la CEDEAO a abandonné le Togo.
Elle a émoussé la détermination des Togolais. C’est exactement cela. Parce que les Togolais voulaient que les choses changent. Vous savez que par principe, le Togolais n’aime pas voir le sang couler. Et quand ils se sont engagés dans la rue, c’est pour des revendications précises et pas pour renverser un régime etc. On voulait que ces revendications soient satisfaites, et qu’après cela, on puisse aller à des élections transparentes pour que le meilleur gagne. C’est tout ce que les Togolais demandaient.
Mais ils demandaient aussi le départ du chef de l’Etat.
Je m’explique. Si le chef de l’Etat ne peut pas satisfaire les revendications dans les délais, il faut que lui-même parte. Ça, c’est une chose. La deuxième chose que nous demandions, c’est que, 50 ans c’est trop, il faut qu’en 2020, le chef de l’Etat puisse ne plus se présenter. Voilà ce que les Togolais demandaient.
N’est-ce pas aussi dans l’intérêt de la CEDEAO d’avoir une stabilité un peu partout dans l’espace communautaire ?
La stabilité ne peut-elle venir que d’une personne ? si on organisait des élections transparentes et que celui qui a gagné prend le pouvoir, que l’armée respecte le pouvoir d’Etat comme cela se doit, je crois qu’il y aura la stabilité au Togo.
Est-ce qu’il est dans l’intérêt de la CEDEAO d’attiser le feu au Togo ?
Ils nous disent le contraire. Ils disent qu’ils ne veulent pas attiser le feu au Togo. Mais il y a deux façons de ne pas attiser le feu au Togo. C’est voir les problèmes et les couvrir, en attendant ce qui peut arriver, ou affronter les problèmes, les résoudre fondamentalement et pour de bon. Voilà les deux possibilités que la CEDEAO a, mais j’ai toujours une indulgence pour elle. Avant tout, ces problèmes concernent nous les Togolais. Mais, à partir du moment où elle ne sera plus en mesure de nous aider à régler nos problèmes, que cela soit dit clairement et que les Togolais prennent leurs responsabilités.
Nous avons appris en fin la semaine qu’une délégation de la Coalition était à Accra au Ghana. Confirmez-vous cette information?
Nous allons partout parce qu’on veut que cette crise soit résolue. Tous ceux qui veulent nous aider, on va les voir. Quand ils tardent à venir, nous-mêmes allons les voir. Il n’y a pas de secret pour ça. Sûrement que nous sommes encore allés au Ghana, on ira en Guinée, au Nigéria. On ira partout où on peut nous aider. On ira voir le chef de l’Etat togolais pour lui demander ce qui se passe encore pour que le Togo n’avance pas. Nous n’avons peur de rien. Tout ce que nous voulons pour notre pays, c’est la paix pour qu’on puisse réellement démarrer.
En retournant à la Cédéao, la démarche est-ce pour les bousculer, les réveiller si éventuellement les facilitateurs s’étaient endormis ?
Aujourd’hui, il est très difficile de séparer la Cédéao des facilitateurs. Les deux facilitateurs sont membres de la Cédéao dont ils ont eu un mandat. Ce que nous disons, c’est que le président Buhari est le président en exercice de la Cédéao. Que l’impulsion vienne de lui. Et qu’en plus de cela, les deux facilitateurs Nana Akufo-Addo et Alpha Condé se mettent également au travail. Je sais qu’ils ont énormément d’occupation chez eux, mais il faudrait qu’ils trouvent le moyen de planifier leur programme pour pouvoir nous aider parce qu’on ne va pas piétiner, rester là tout le temps. Et nous disons, et cela n’engage que moi, nous avons confié en partie notre sort aux facilitateurs et non aux fonctionnaires de la Cédéao.
Dans certains milieux, on estime que la C14 fait trop confiance à la Cédéao.
Je trouve qu’on fait confiance à la Cédéao. Le problème est simple, c’est que la Cédéao ne nous a pas dit ou du moins ne nous a pas encore dit qu’elle sort du dossier. Nous travaillons dans un environnement. Si nous-mêmes on se met à faire un certain nombre de choses, moi je ne suis pas contre, la Cédéao peut trouver argument pour dire que nous ne respectons pas ce qu’on s’est dit. Moi je dis qu’il faut conjuguer les deux choses, manifester et négocier parce que si nous ne manifestons pas, nous n’aurons rien dans la négociation. C’est mon point de vue. Je suis encore relativement jeune, mais j’ai plus de 35 ans de vie politique et je sais comment on peut établir le rapport de force. Quand il n’y a pas de rapport de force, personne ne fait de cadeau en politique.
En écoutant les responsables de la Coalition, on a l’impression que la crise va reprendre comme au début avec les manifestations de rue?
Nous voulons l’éviter, mais est-ce qu’on nous laisse le choix ? Nous voulons l’éviter et c’est la raison pour laquelle nous voyons encore les facilitateurs, nous allons voir ceux qui ont la présidence de la Cédéao, on va voir encore d’autres chefs d’Etat de la Cédéao pour leur dire qu’on ne peut pas rester comme ça. Nous sommes là, le pouvoir avance, les Togolais sont démoralisés, il y a une Céni qui pose des actes au quotidien et on dirait que c’est fait même pour berner les Togolais, saper leur moral et nous allons rester là, croiser les bras et dire que la Cédéao viendra un jour ? Non ! On ne le peut pas. C’est pour cela que nous aussi, nous nous préparons à reprendre la seule arme que nous avons et qui sont les manifestations.
Vous avez eu des contacts et vous avez dit tantôt que les contacts vont continuer. Est-ce qu’on peut avoir une idée sur le retour de la Cédéao, du moins des facilitateurs à Lomé ?
Très prochainement. On l’a dit plusieurs fois, mais je crois qu’il y a ce sommet Chine-Afrique, après ça, je crois que tout doit rentrer dans l’ordre. Quelle va être leur nouvelle proposition ? On attend de voir.
Vous parlez de la Céni. C’est vrai qu’elle est très active et sans doute qu’elle a en ligne de mire la date du 20 décembre 2018. Est-ce que vous avez l’impression qu’à un moment donné, la Céni va s’arrêter ?
Il y a deux choses. Ou elle s’arrête d’elle-même sur injonction de leur mandant, ou alors le peuple va les arrêter. A un moment donné, ça va s’arrêter. De quelle manière, on ne le sait pas. Si leur mandant ne les arrête pas, le peuple va les arrêter parce que c’est se foutre- vous m’excusez le terme- de nous. Pas nous C14, mais du peuple togolais. On veut organiser des élections. Organisons-les d’une façon transparente. Celui qui gagne gouverne le pays et c’est tout. Sans vengeance parce que nous sommes tous des Togolais. Le passé, c’est le passé, mais allons à des élections transparentes. Pour une fois, que celui qui gagne gouverne le pays. S’il ne le gouverne pas bien, il sera sanctionné au bout de 5 ans ou du nombre d’années fixé.
Votre vœu c’est que le Togo arrive à organiser des élections transparentes, incontestables. Mais la question aussi, c’est la Céni et sa composition, même si depuis quelques semaines, on entend de plus en plus des voix venir de l’opposition dire qu’il faudrait une Céni paritaire. Même si vous avez une Céni paritaire, est-ce que ce n’est pas là aussi une source de contestation éventuelle des résultats d’une éventuelle élection organisée par une Céni paritaire ?
Le problème du Togo c’est que sur ces 50 années de gestion calamiteuse, notre administration a perdu de sa substance. Notre administration ne peut plus être neutre. Les fonctionnaires, en tant que tels, ne peuvent plus être neutres. Sinon, on aurait pensé réellement à une Céni technique. Le moindre mal aujourd’hui, c’est les forces antagonistes, mais avec un homme de bonne foi qui peut ne pas être un Togolais, en plus de l’encadrement des experts de la Cédéao. Je crois qu’au moins avec ça, on peut avoir des élections plus ou moins transparentes.
Est-ce que ce ne sont pas des questions qui auraient été posées un peu avant la publication de la feuille de route ? Aujourd’hui, avec cette feuille de route, qui fixe même une date pour les élections législatives, est-ce que ce ne sont pas des réclamations qui arrivent un peu tard ?
Je crois que c’est une erreur d’avoir fixé le 20 décembre puisque, aussi bien le pouvoir que nous, avons travaillé avec les facilitateurs sur cette feuille de route. Ce que nous avons proposé, c’est une date raisonnable. Mais mettre 20 décembre alors qu’on sait qu’on n’a même pas encore commencé la reprise du fichier électoral qui est quelque chose de fondamental, puisque nous voulons aller vers la biométrie intégrale, tout cela n’a pas été fait et on fixe une date. D’ailleurs, nous allons bientôt sortir un chronogramme pour leur prouver que pour aller à des élections réellement transparentes, voilà les délais qu’il faut.
De plus en plus de gens parlent d’une CENI à constitutionnaliser. Quelle est votre position sur cette question ?
C’est un avantage quelque part de constitutionnaliser la CENI pour qu’elle devienne une institution de la République. A partir de là, les membres qui y siègent sont protégés par les lois et les règles qui vont la régir. La Cour Constitutionnelle est constitutionnalisée mais, cela n’empêche pas les hommes qui l’animent de faire ce qu’ils veulent. Mais, ça leur donne beaucoup plus d’indépendance. Ça c’est sûr.
La C14 doit-elle continuer à être disciplinée vis-à-vis de la CEDEAO dans la mesure où elle-même est incapable d’être garante de sa feuille de route ?
Vous avez raison. Ce sont les règles du jeu républicain. Nous ne pouvons pas avoir accepté que la CEDEAO se mêle de nos problèmes et nous mettre nous-mêmes à la contrer. Il arrivera un moment et ça ne saurait tarder où nous dirons à la CEDEAO, ou vous faites ce que vous-mêmes vous avez écrit dans la feuille de route, c’est-à-dire la mise en œuvre et tout ce qui manque pour que réellement on puisse aller à des élections transparentes, ou si vous ne le pouvez pas, dites-le aux Togolais qui prendront en main leur destin.
Est-ce qu’il y aura la chasse aux sorcières si d’aventure Unir venait à perdre le pouvoir ?
Cette question est fondamentale pour les Togolais. Je pense qu’aujourd’hui, personne ne peut penser organiser la chasse aux sorcières. Il faudrait que les premières mesures que prendrait un gouvernement d’alternance soient de protéger l’ensemble des Togolais, aussi bien ceux qui étaient au pouvoir que ceux qui sont venus. La chasse aux sorcières n’est pas une bonne référence dans la vie humaine et plus particulièrement dans la situation qui est la nôtre. Elle ne rapportera absolument rien aux Togolais. Ça ne fera que nous diviser encore un peu plus. Je crois que chaque Togolais doit être en mesure de le dire à son voisin pour le rassurer dès maintenant qu’il n’y aura pas de chasse aux sorcières, qu’on ne renverrait jamais les métayers de leurs terrains, ainsi de suite. Voilà les problèmes qui se posent et qu’on a inculqués dans la tête des gens. Il n’y aura pas de chasse aux sorcières.
Est-ce qu’il y aura un problème « France » au Togo ?
Pourquoi il va y avoir un problème France au Togo ? Nous, ce que nous voulons- nous avons été à la même école que les Français, nous savons faire les mêmes choses que les Français, nous allons en France, les Français viennent ici – c’est que, quel que soit le pays, nous puissions travailler d’égal à égal.
Pourquoi la C14 n’opte-t-elle pas éventuellement pour une CENI technique ?
Je viens d’en parler. Nous avons une administration qui ne ressemble en rien à ce qu’on avait avant. Pour avoir une CENI technique, il faut que ça soit des gens qui ont la capacité de dire la vérité, de dire le droit, de ne pas avoir peur de leur supérieur. Aujourd’hui, c’est plutôt rare. Il n’y a que des partisans pour défendre les lignes de leur parti et c’est pour cela que nous nous sommes dit que les deux forces antagoniques permettent d’avoir au moins des résultats justes surtout si on arrive à avoir une personnalité neutre à la tête. C’est-à-dire que ce ne soit plus un Kodjona Katanga mais quelqu’un de sérieux qui peut être issu de la CEDEAO ou autre.
Il n’est pas sérieux ?
Il peut l’être dans la vie, mais à la CENI, on ne pense pas qu’il le soit.
Pourquoi donnez-vous l’impression que ceux qui ne font pas partie de la C14, ne sont pas de l’opposition ?
Chat échaudé a peur de l’eau froide. Nous nous sommes pratiqués ici au Togo et on se connaît. Il y a ceux qui font semblant d’être de l’opposition, le moment venu, ils rejoignent l’adversaire politique. Ceux-là on les connaît. Il y a d’autres qui ont fait le choix de ne pas être à la C14. Il n’empêche qu’ils sont de l’opposition et à ce titre, nous les rencontrons individuellement. Et enfin, il y a des gens de l’opposition qui n’entendent pas aller à la conquête du pouvoir par des élections, mais ils sont de l’opposition. Voilà les réalités que nous avons. Lorsque nous nous sommes retrouvés à la C14, nous sommes venus d’horizons divers, mais nous avons le plus petit dénominateur commun. C’est de nous battre pour avoir les réformes et quand le moment viendra pour pouvoir aller à des élections. Mais nous ne sommes pas fermés aux autres. Il y a d’autres qui trouvent qu’ils ne peuvent pas être à la C14, ou parce que nous sommes trop faibles pour eux, ou trop forts pour eux ou ils ne nous trouvent pas dans la ligne qu’ils auraient aimé voir.
J’ai été victime des rafles sauvages au niveau de Bè Kpota. Lorsqu’on a été arrêté et gardé à la Gendarmerie, on ne nous parlait que des élections et c’est regrettable. Il y avait des machines électorales (réaction d’un auditeur)
C’est une bonne contribution. Ça nous permet de prendre à cœur ce problème.
Devant quelle Cour Constitutionnelle d’éventuels membres de la CENI issus de l’opposition prêteraient serment ? Aussi, il y a récemment eu une augmentation à la pompe des produits pétroliers. Le gouvernement nous parle d’augmentation dans les autres pays pour se justifier. Qu’en est-il exactement ?
Disons simplement que ce serait devant la Cour Constitutionnelle. Il est demandé à ce que cette Cour soit recomposée. S’il se trouve qu’en faisant les réformes, on met en place la CENI avant la recomposition de la Cour Constitutionnelle, la continuité de l’Etat voudrait qu’on prête serment devant la Cour Constitutionnelle existante. Je ne sais pas si je me suis fait comprendre, mais c’est ce qui se passe. Maintenant quand il y a urgence, on peut ne plus passer par la Cour Constitutionnelle, mais passer directement à l’Assemblée nationale pour être désigné. Ça aussi, c’est une autre possibilité. Il faut recomposer la Cour Constitutionnelle avant que les membres de la CENI ne prêtent serment. C’est l’idéal, mais ça peut ne pas être cela en fonction de la réalisation ou de la mise en œuvre des réformes.
Pour ce qui concerne l’augmentation des prix des produits pétroliers, j’ai une autre lecture de ce problème. A l’Assemblée, je suis le président de la commission Environnement et des changements climatiques. Pour moi, on peut classer le carburant dans la catégorie des énergies fossiles. J’aurais aimé en voyant l’augmentation des prix du carburant, qu’on nous dise qu’on a crée un compte pour s’occuper des énergies renouvelables, pour développer l’électricité rurale et bien d’autres choses. Mais si c’est juste pour faire des bénéfices, je suis contre.
Première des choses, on doit lutter contre les énergies fossiles. Lorsqu’on augmente le prix, les bénéfices doivent servir à développer les énergies renouvelables.
La deuxième chose, il est difficile pour notre pays d’apprécier tous les trois mois l’augmentation du prix du pétrole. Même les pays occidentaux, c’est difficilement qu’ils s’en sortent. Il faudrait qu’on tienne compte du niveau de vie des Togolais, de comment les choses se passent pour pouvoir fixer les prix du pétrole. Bref, ce que moi j’aimerais, s’il y a augmentation du prix des énergies fossiles, il faut qu’elle serve à améliorer la cause de l’électricité rurale et des énergies renouvelables.
Par rapport aux rafles aux visées électoralistes. Cela ne remet-il pas en cause le vote par anticipation des forces de défense et de sécurité?
C’est un problème qui est posé. Vous savez, il y a la feuille de route et les propositions de la Coalition pour sa mise en œuvre. Et dans ces propositions, nous avons posé le problème du vote par anticipation des forces de sécurité. Nous disons qu’il y a trop de fraudes dans ce vote là et qu’il faut maintenant le remanier complètement. Soit ils votent le même jour que tout le monde, puisqu’ils sont affectés à des zones données, ils voteront un peu avant les autres mais dans les autres et non quelques jours auparavant. De la même façon, nous avons posé le problème des votes par procuration. Nous voudrions que tout cela soit surveillé de près pour que les Togolais sachent que cette fois-ci, en votant, ce sera des votes réels. Vous comprenez que le vote par anticipation des forces de sécurité est détourné en faveur du régime.
Qu’est ce qui explique la crise de confiance entre les acteurs politiques togolais ?
C’est d’abord l’histoire du Togo. N’allons pas plus loin que la Conférence nationale souveraine. Les différentes élections qu’il y a eu, il y a toujours eu des fraudes et on a identifié d’où elles viennent. C’est essentiellement sur le fichier électoral, par les membres de la CENI, par le vote par anticipation, le vote par procuration, les mineurs qui sont inscrits sur les listes électorales, le manque de diligence des membres dans les bureaux de vote. Tout cela, nous le remettons en cause aujourd’hui. Nous voulons que ces choses soient beaucoup plus rationnelles. Et en face, on ne veut pas. C’est parce que c’est par ces moyens qu’ils arrivent à tricher et à gagner. Voilà le fondement de la crise de confiance entre le pouvoir et nous. Et nous disons, 50 ans de pouvoir, c’est trop et il faut qu’on change. Il y a aussi beaucoup de gens intelligents à UNIR qui peuvent aussi se présenter à des élections, surtout présidentielles.
Pourquoi c’est seulement au plan politique que les Togolais sont divisés ?
En religion, quand vous faites partie de la même confession, il n’y a pas d’antagonisme, cela va de soi. On croit en Jésus ou en Dieu, il n’y a pas de problème. Quand vous êtes musulmans, on croit en Allah et en Mohamed. Nous nous aimons. Mais ni le Coran, ni la Bible n’autorise la triche, la fraude. C’est ça le problème entre les Togolais. On ne veut plus que l’un triche l’autre ; que l’autre fraude dans ce que vous faites ensemble. Une fois que cela va cesser, on sera comme on se retrouve dans les fêtes et dans les églises. Il n’y a pas de problème entre le Nord et le Sud.
Avec le travail de la CENI, le ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales n’est pas en train de jouer à un jeu dangereux ?
On ne peut que les conseiller avant qu’il ne soit trop tard. Je pense qu’un effort doit être fait par le ministre de l’Administration territoriale et par le président de la CENI. Je sais qu’ils ont des mandants, il faut qu’ils changent aussi l’ordre qu’ils donnent à leurs exécutants.
Concernant les élections, il est question de la participation de la Coalition soit en rang serré ou de manière solitaire. Qu’elle est votre position sur cette question ?
Ma position est claire. Au moment de la création de la C14, il existait CAP 2015, le groupe des six. Il y a eu l’évènement du 19 août et en plus de cela, le CAR, nous nous sommes retrouvés. On s’est dit que nous allons nous battre sur ce qui a fait révolté les gens. Retour à la C92, vote des Togolais de la diaspora, le déverrouillage des institutions. On s’était tous mis d’accord sur cela. On se connaît bien et on sait que c’est seulement la question des alliances électorales qui amène des problèmes. La réalité est là, on ne peut pas la nier. Aller à une élection suppose qu’on a travaillé sur le terrain. C’est un travail de terrain ardu, fort en dépense et en ressources humaines. Et donc, nous l’avons fait tous. Nous y sommes toujours. Nous disons simplement aujourd’hui, nous avons promis nous battre pour les réformes. Alors, réformes, réformes, et réformes d’abord. Une fois que nous avons les réformes institutionnelles et constitutionnelles et ensuite les réformes électorales. On saura le mode de scrutin dont on dispose pour les législatives. Une fois qu’on le connaît, on va s’adapter. On ne peut pas avoir travaillé ensemble, avoir souffert ensemble et dire aujourd’hui que nous n’aurions pas d’alliance électorale. Il y aura alliance électorale entre les partis de la C14, même avec d’autres partis de l’opposition. Cela est possible. La seule chose que nous disons, c’est que les réformes d’abord. On ne peut pas faire des alliances électorales sans faire les réformes. On se connaît. Les gens vont se contenter seulement d’aller aux élections et on va se faire battre encore à plate couture et bien évidemment, on n’aura que nos yeux pour pleurer. C’est pour cela que nous disons, assainissons l’environnement institutionnel, constitutionnel et électoral, et nous ferons des alliances électorales pour gagner les élections et avoir des députés, gagner pour former un gouvernement autour d’une vision commune. Voilà ce que nous disons.
Est-ce qu’il y a du temps pour tout ça, puisque les élections sont prévues le 20 décembre?
C’est leur date, pas la nôtre.
Serez- vous tentés au niveau de la Coalition de boycotter les prochaines élections ?
Je vais parler en mon nom propre. Si c’est le 20 décembre, sans les réformes électorales, sans une bonne partie des réformes constitutionnelles et institutionnelles, je n’irai pas à des élections. J’ai déjà fait deux législatures, qui n’ont servi absolument à rien. Si c’est pour aller refaire la même chose pour qu’on m’appelle député, je laisse d’autres le faire. Que ceux qui en ont envie le fassent. Mais si nous voulons être de vrais députés, de vrais élus, il faut qu’on assainisse l’environnement constitutionnel, institutionnel et électoral avant d’aller aux élections et cela ne peut jamais être le 20 décembre.
Nous allons parler des Lacs qui a beaucoup de problèmes. L’un concerne l’érosion côtière. Est-ce que vous vous battez pour cela en tant que député des Lacs ?
C’est un problème extrêmement sérieux. Il y a un peu plus d’un an et demi, un texte nous a été présenté sur la question de l’érosion côtière. Il était un peu léger et nous l’avons fait savoir. Tel a aussi été l’avis du gouvernement qui l’a retiré. Maintenant dans la vie de tous les jours, il y a certaines choses qu’il faut faire rapidement. Il s’agit des épis. Il faut les mettre pour parer au plus pressé. On (le gouvernement) nous en parle, mais on ne le fait pas. C’est le gouvernement qui a budget de l’Etat. Si au moins on avait mis ces épis, ça nous protégerait contre l’avancée de la mer.
A cela s’ajoutent par ailleurs les effets humains néfastes, le sable que nous prenions. Ça fait avancer la mer. Bizarrement les barrages de Nangbéto et consorts poussent la mer vers les terres fermes. Il y a beaucoup de choses qui se passent actuellement. Mais le plus urgent, c’est de mettre des épis pour sauver Aného. Je lance un appel. Quiconque va faire de la publicité, de la propagande, de la campagne électorale, sans s’occuper de ce problème et le poser, n’aime pas Aného, car cette ville va disparaître si on ne pose pas ces épis.
Vous avez peur pour votre ville ?
J’ai énormément peur et je le dis avec beaucoup de sérieux. Je ne fais pas un seul déplacement lors de mes missions sans discuter avec tous ceux qui s’intéressent à cette question.
Aného, une ville qui vieillit et c’est aussi la prise de la pierre sacrée qui aura lieu prochainement.
C’est normal qu’une ville qui a été deux fois capitale du Togo vieillisse, avec de très grandes familles qui n’arrivent pas à s’entendre pour restaurer certains bâtiments.
Maintenant en ce qui concerne notre fête, je crois que nous dramatisons parfois aussi. Je vous explique. Ce qui se passe aujourd’hui, il y a des cérémonies avant la pierre sacrée. Elles ont été faites par les LANKPAN, les DOMLAN, etc. Ce sont des cérémonies extrêmement importantes et elles se sont passées sans problème. KPESSOSSO (prise de la pierre), c’est le côté apparent de l’iceberg et aujourd’hui, ce n’est pas ce qu’on a l’habitude de faire qui se passe. Moi, en matière de tradition, je suis un légitimiste. En tradition, le roi a dit, – je demande si c’est comme cela que ça se fait, on me dit oui- je m’en contente. Actuellement, le roi de Glidji a mis un cabinet en place avec un chef, il l’a révoqué, c’est son droit. Il prend un autre. Le conseil du trône n’est pas contre. Où est le problème ? Maintenant que les deux invitent, ce n’est pas bien, on manque de civilité. C’est tout ! Mais la prise de la pierre sacrée se fera. Mieux que cela, aussitôt la prise de la pierre, il y a les HELA (cérémonie) qui commencent, les cérémonies KPANTSHOTSHO vont se faire, etc.
Aujourd’hui, il se pose un problème qui est celui du comité d’organisation. On peut se passer du vin d’honneur, mais faire nos traditions sans problème.
Donc jeudi prochain, il n’y aura plus des jets de pierres et autres ?
Je lance un appel aux uns et aux autres pour qu’il n’en soit pas ainsi. Il faut respecter nos ancêtres, il faut respecter nos traditions. Elles datent de plus de 300 et quelques années. Ce n’est pas nous qui allons les remettre en cause, donc il faut que chacun de nous sache raison garder. J’invite tout le monde, l’ancien comité d’organisation tout comme le nouveau à prendre la mesure de la situation et à éviter qu’il y ait encore des heurts cette année.
Fin
Emission transcrite par la rédaction
Source : Liberté No.2746 du 03 septembre 2018
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