Tout projet de loi de finances dispose pour le futur. Mais est-il possible qu’un gouvernement prenne un projet de loi de finances rectificative à moins de deux semaines de la fin d’année, qui porte sur des projets futurs, mais que le trésor public ne fasse pas apparaître des ressources de plus de 48 milliards, fruit de la privatisation de Togocom ? Pire, ces nouvelles ressources sont considérées comme dépensées alors même que l’Assemblée nationale ne s’est pas encore réunie à propos. S’il est des économistes et des politiques qui pensent à la transparence des finances publiques, c’est l’occasion pour éclairer la lanterne des citoyens.
Vendredi 13 décembre 2019 en conseil des ministres. « Le conseil des ministres a adopté le second projet de loi de finances rectificative, gestion 2019. Ce second projet de loi de finances rectificative, qui intervient en fin d’année budgétaire, à la suite de l’opération de privatisation de TOGOCOM, répond au souci de transparence et de sincérité budgétaire prôné par le Gouvernement. En effet, le 22 novembre 2019, le Gouvernement a décidé de céder 51% des actions de l’Etat dans le groupe TOGOCOM, tout en gardant la participation de l’Etat à 49%. Un montant de 48.257.744.904 de francs CFA, correspondant au transfert des actions de l’Etat vient ainsi s’ajouter aux recettes de l’Etat. Pour des raisons de sincérité budgétaire, il est apparu nécessaire de prendre en compte cette évolution et de modifier le collectif budgétaire 2019 en cours d’exécution. Le présent projet de loi vise donc à présenter ce changement intervenu dans les grandes masses budgétaires. Au niveau des opérations budgétaires, le solde déficitaire de 71,6 milliards de francs CFA du collectif initial reste inchangé et entièrement couvert par le solde excédentaire des opérations de trésorerie. Les ressources de trésorerie passent de 514,5 milliards de francs CFA à 562,8 milliards de francs CFA et les charges de trésorerie de 442,9 milliards de francs CFA à 491,1 milliards de francs CFA, soit une hausse de 48,3 milliards de francs CFA. Il en résulte un solde excédentaire de trésorerie de 71,6 milliards de francs CFA qui finance entièrement le déficit du solde budgétaire. Au total, le second projet de loi de finances rectificative, gestion 2019, équilibré en recettes et en dépenses, est projeté à 1430,1 milliards de francs CFA contre 1381,9 milliards de francs CFA dans le collectif initial, soit une hausse de 3,5% ».
Dans la 1ère loi de finances rectificative signée par Sélom Komi Klassou et Faure Gnassingbé le 15 novembre 2019, on découvre dans les dispositions relatives aux ressources et charges de l’Etat : sont annulées au budget général, gestion 2019, les recettes et les dépenses ci-après : 223.275.816.000 FCFA pour les recettes et 198.371.515.000 FCFA pour les dépenses. Et sont ouvertes dans le même budget général des lignes de recettes de 144.107.137.000 FCFA et des dépenses de 119.202.836.000 FCFA.
Les articles 3 et 7 nouveaux s’accordent pour dire d’une part, que les recettes affectées et le plafond des crédits applicables au budget général, gestion 2019, s’élèvent à 1.378.683.859.000 FCFA [Ndlr, certainement sans avoir inclu les recettes des comptes spéciaux, puisque le budget initial premièrement rectifié et adopté porte sur 1.381,9 milliards FCFA].
L’article 15 nouveau de cette 1ère loi détaille les dépenses du budget rectifié à la date du 15 novembre 2019 comme suit :
- Intérêts de la dette publique : 78.148.936.000 FCFA
- Amortissement de la dette publique : 442.882.918.000 FCFA
- Dépenses de personnel : 211.734.320.000 FCFA
- Dépenses de biens et services : 161.338.717.000 FCFA
- Transferts et subventions : 125.720.510.000 FCFA
- Dépenses en atténuation des recettes : 84.264.000.000 FCFA
- Dépenses d’investissement : 274.594.458.000 FCFA.
Les arguments ayant poussé l’Assemblée nationale au vote du budget rectifié étaient ainsi libellés sur le site du gouvernement togoreforme : « Ce collectif budgétaire permet de modifier, de manière significative, les dispositions de la loi de finances initiale (LFI) concernant notamment le plafond des dépenses du budget de l’Etat et les données générales de l’équilibre budgétaire. Le budget rectifié, gestion 2019, est désormais de 1381,8 milliards FCFA. Cette loi rectificative, visant à s’ajuster avec les nouvelles orientations de politique économique et budgétaire, vient aussi en réponse à la nouvelle conjoncture économique mondiale. On note ainsi des recettes en baisse de 2% par rapport à la LFI, pour s’affaisser à 864,2 milliards FCFA, alors que les prévisions de dépenses budgétaires grimpent de 40,8 milliards, soit une hausse de 4,6%. Cette hausse des dépenses est attribuable notamment aux nouveaux besoins tels que les préparatifs des présidentielles de 2020, les préparatifs de l’équipe nationale de football pour les éliminatoires de la Can Cameroun 2021 et de la Coupe du monde Qatar 2022, les exigences en matière sécuritaire, et surtout la mise en œuvre de la politique de décentralisation, à l’issue des élections communales du 30 juin 2019 ».
Quelque chose ne tourne pas rond !
Ce sont des suppositions qui donnent l’éclairage. En supposant, comme le justifient le gouvernement et l’Assemblée nationale, que la hausse des dépenses soit le fruit des préparatifs des présidentielles de 2020, des préparatifs de l’équipe nationale de football pour Cameroun 2021 et la coupe du monde 2022, de la politique de décentralisation –et c’est là que ça ne s’explique pas-, est-ce en moins de deux semaines, soit d’ici le 31 décembre 2019 que toutes ces dépenses vont être engagées ??? Parce que qu’en lisant le communiqué du conbseil des ministres du vendredi 13 décembre 2019, il est apparu que « Les ressources de trésorerie passent de 514,5 milliards de francs CFA à 562,8 milliards de francs CFA et les charges de trésorerie de 442,9 milliards de francs CFA à 491,1 milliards de francs CFA, soit une hausse de 48,3 milliards de francs CFA » !!! Comment les 48,3 milliards FCFA peuvent-ils être engloutis par des charges de trésorerie pour ne pas être reconduits comme excédent de trésorerie en 2020 ???
C’est à croire que le produit de la privatisation qui devrait servir à faire face à des dépenses qui profitent à tous, aura survolé le triangle des Bermudes et disparu sans plus laisser de trace au 31 décembre prochain.
Ils se disent « élus » du peuple, ou « nommés » du peuple, c’est selon. Eux, ce sont ceux qui ont la charge de surveiller l’action du gouvernement au profit du peuple. Mais qui, parmi eux, osera lever le doigt et réclamer que les recettes issues de la privatisation de Togocom figurent comme un excédent de trésorerie en début de l’exercice 2020 ? Qui parmi ces 91 « députains » ?
Des universitaires économistes, des politiques, le pays en compte. Que pensent-ils de cette décision du conseil des ministres de vendredi passé ? La présidentielle, la Can, la Coupe du monde ou les questions sécuritaires sont-elles des raisons suffisantes pour que les fruits de cette privatisation soient « portés disparus » ?
Pendant qu’on y pense, si, comme le communiqué du gouvernement l’a dit, la valeur d’entreprise totale du Groupe Togo dépasse 210 milliards FCFA, ne serait-il pas plus « transparent » si le Premier ministre expliquait aux citoyens la gymnastique arithmétique qui a abouti à 48,3 milliards ? Parce que, mathématiquement parlant, on ne sait quel capital a fait l’objet de ce montant.
Godson K.
Source : Liberté
Source : 27Avril.com