Le bradage du groupe Togocom au consortium malgache « groupe Axian » dont le PDG Hiridjee Hassanein Shahreza a créé une société locale « Agou Holding » au capital de 10 000 F CFA ( Dix mille francs CFA), n’en finit pas de faire des vagues. Au sein d parti au pouvoir, ils sont de plus en plus nombreux à ne plus comprendre la méthode de gouvernance du « messi » local qui se met à céder tous les pans entiers des richesses du pays à des étrangers ou à des individus étranges. L’indignation de certains responsables de ce parti se limite pour la plupart au salon de leurs domiciles. Du côté des populations, on ne comprend pas cette volonté des dirigeants de vendre tout aux étrangers et d’appauvrir les nationaux. Pendant que le débat continue et que chacun y va de son commentaire, il est important de revenir sur un aspect très important lié à l’exigence de transparence.
Combien la cession du groupe Togocom a rapporté au Trésor public ?
Est-il concevable que le prix de la cession d’une société d’Etat à des investisseurs privés relève de la confidentialité ? C’est curieusement la réponse donnée par dame Cina Lawson, ministre des Postes et de l’Economie numérique, lorsqu’elle a été interrogée par Jeune Afrique. Cette réponse plus d’autres éléments probants en rajoutent à la suspicion générale qui entoure cette transaction qui, visiblement, s’est déroulée à huis clos. Il faut d’abord relever les incongruités apparues dans l’acte notarial de constitution de Agou Holding ainsi que le faible investissement annoncé par les nouveaux patrons, à savoir 160 milliards sur 7 ans, en moyenne 22 milliards par an. De nos investigations depuis plus d’une dizaine de jours, on apprend avec une grande surprise que les nouveaux patrons de Togocom n’ont pas encore versé un franc du montant confidentiel de la transaction, au Trésor public togolais. L’opacité autour du montant de la cession de cette entreprise ouvre la voie à plusieurs interprétations. La société Togocom a-t-elle été cédée à crédit ? Le prix de la cession est-il un secret d’État dans une République digne de ce nom ? Y a-t-il des décideurs au sommet de l’État qui se sont entendus pour racheter cette société à zéro franc afin de faire main basse sur son patrimoine ? Il appert à l’analyse de toutes ces questions qu’il existe une forte probabilité que des soi-disant investisseurs, en complicité avec certaines sommités de l’État, sans apporter un franc, vont prendre le contrôle de Togocom, en d’autres termes, de son patrimoine financier.
Voilà les dessous de la manœuvre, une escroquerie d’État, un vol planifié d’une société d’État. Il est de notoriété publique que le groupe Togocom, issu de la fusion entre Togo Télécom qui a connu de sérieux problèmes de gestion et Togocel, n’est pas en faillite. Il y a certes quelques soucis de gestion qu’il faut souligner, mais il n’y a aucun élément qui puisse justifier la privatisation d’un secteur aussi stratégique et porteur de croissance. Le tableau en fac-similé retrace la situation de Togotélécom les trois dernières années. Quant à Togocel, les chiffres sont encore plus impressionnants même si une partie des fonds générés partent vers d’autres destinations. ( en 2018, Togocel avait fait un chiffre d’affaires réel de plus de 95 milliards et un bénéfice net de plus de 11 milliards de francs CFA). Comment a-t-on donc décidé de se débarrasser d’un groupe qui, malgré tout, affiche une bonne santé ?
Que fait l’Assemblée nationale Togolaise ?
La mission de l’Assemblée nationale est de voter les lois et de contrôler l’action gouvernementale. Au Togo, le régime RPT/UNIR a fait du Parlement une chambre d’enregistrement avec des élus fantoches prêts à accompagner aveuglement l’exécutif. Depuis la scandaleuse privatisation du groupe Togocom dénoncé par les médias, du côté de l’Assemblée nationale, c’est le silence radio, surtout dans le camp du RPT/UNIR. Seul Abass Kaboua du MRC a eu le courage de dénoncer la privatisation en interpellant la présidente de l’Assemblée nationale qui s’est contenté de dire qu’une interpellation sera prochainement envoyée aux ministres concernés.
Il faut noter aussi que le président du MPDD, Gabriel Messan Agbéyomé, député, a aussi levé le ton sur une radio de la place sur le sujet. Pour le reste, les députés dit (Nommés) ont d’autres chats à fouetter par exemple la chasse aux primes de fin d’années. Ils se sont ainsi repliés à Kpalimé depuis la fin de la semaine dernière ; pour un séminaire parlementaire avec pour thème « améliorer la gouvernance et l’administration parlementaire pour contribuer au développement durable du Togo ».
Selon des sources autorisées, ce séminaire avec ce thème bidon a été concocté pour consommer les 80 millions de francs CFA qui sont en souffrance dans les caisses du Parlement avant la fin de l’exercice budgétaire. Du côté de ceux qui prétendre vouloir gouverner le Togo demain, c’est un silence assourdissant qui étonne plus d’un. Imaginer un seul instant que le président français Emmanuel Macron et une ministre de son gouvernement décident, dans une opacité totale de vendre une entreprise française comme EDF ou Orange à d’obscurs investisseurs mauriciens.
On assisterait le même jour à une levée de bouclier de tous les acteurs politiques de l’extrême gauche à l’extrême droite, des syndicats, du patronat etc. Tous les médias seraient pris d’assaut pour demander des comptes. On a vu comment le projet de privatisation de l’aéroport de Paris a créé une polémique en France. Au Togo depuis dix jours, peu d’hommes politiques ont pris la parole pour s’exprimer sur le sujet et personne ne comprend ce silence ou cette apathie générale. Ce dossier de privatisation de Togocom est plus politique que tout autre chose et c’est la raison pour laquelle ce silence de la classe politique est curieux. Soit ceux qui veulent gouverner le Togo demain ne disposent pas de compétence suffisante en leur sein pour comprendre les enjeux, soit ils sont paresseux intellectuellement, soit enfin ils sont corrompus.
Dans tous les cas c’est leur capacité à réagir avec sagacité face à des sujets de ce genre qui renseigne sur leurs capacités à prendre les rênes de ce pays. Le Togo est dans une faillite collective sur le plan intellectuel, morale, éthique. Les 50 années de dictature ont émasculé, les cerveaux, les mentalités. L’anesthésie constatée par rapport au dossier Togocom et bien d’autres en sont des illustrations. Quoi qu’il en soit cette affaire continuera par défrayer la chronique tant que les conditions de cession de cette société à ces fameux investisseurs malgaches ne seront pas clarifiées. Bon à suivre !
Source : L’Alternative No.844 du 19 novembre 2019
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