Quelques jours après avoir ordonné la reddition des comptes des présidents des délégations spéciales, le ministre de l’Administration territoriale, Payadowa Boukpessi demande l’affectation des agents dans les nouvelles communes. Il semble ainsi empêcher les futurs maires d’opérer des recrutements en se basant sur les besoins de leurs communautés. Le loisir est aussi donné aux « maires » sortants de bien positionner leurs fidèles.
Décidément, le travail ne sera pas aisé pour les futurs maires élus le 30 juin dernier. Et pour cause, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités semble vouloir devenir omniprésent. Depuis la proclamation des résultats définitifs par les juges de la Cour Suprême, Payadowa Boukpessi ne se fait plus prier pour prendre des décisions qui engagent les futurs occupants des mairies.
Sa dernière sortie date du 24 septembre 2019. Dans une note à l’intention des présidents des délégations spéciales des préfectures et de la Commune de Lomé, il évoque le redéploiement des agents des délégations spéciales dans les nouvelles communes. « Conformément à vos propositions de répartition des agents précédemment relevant de vos collectivités territoriales dans les nouvelles communes, je vous demande de procéder aux affectations dans les mêmes conditions en y mentionnant leur statut (agent fonctionnaire, agent permanent ou agent contractuel) », ordonne-t-il dans la correspondance.
Pour se conformer à cette décision, les présidents des délégations spéciales ont jusqu’au 30 septembre 2019. « Les copies de vos décisions d’affectation doivent me parvenir au plus tard le 30 septembre 2019. Vous prendrez les dispositions pour que les agents affectés rejoignent leur commune d’affectation le 03 octobre 2019 au plus tard », martèle le ministre. La note ayant été publiée le 24 septembre, Fogan Adégnon et ses collègues présidents des délégations spéciales n’ont qu’entre 5 et 6 jours pour s’exécuter. Quand on sait que des délégations spéciales comme celle de la ville de Lomé ont sous leur autorité 7 nouvelles communes, et 6 pour Agoè-Nyivé, difficile de comprendre l’efficacité du travail d’affectation. Il y a de fortes chances que cette entreprise soit bâclée.
Mais un indice dans la lettre de Payadowa Boukpessi montre que la décision a été prise en bonne intelligence avec les présidents des délégations spéciales. Comme il le souligne dans sa note, il s’agit de répondre favorablement à une proposition faite par les « maires » sortant eux-mêmes. Autrement dit, les listes des personnes à affecter et les lieux de leur affectation sont connus d’avance. Les présidents des délégations spéciales ont ainsi le privilège de placer qui ils veulent dans la commune de leur choix. Il n’est pas méchant de déduire que ceux qui « méritent » des récompenses du fait de leur loyauté aux présidents des délégations spéciales seraient les mieux servis. Cela trahit la complicité entre Payadowa Boukpessi et les « maires » sortants qui ont tous été nommés par le régime.
Priver les maires d’un de leurs atouts
Tels des nouveau-nés, les maires issus des élections locales du 30 juin 2019 vont prendre fonction dans des mairies où tout est fin prêt. Ils n’auront qu’à prendre place dans leur fauteuil d’élus locaux et répondre aux injonctions de Payadowa Boukpessi qui montre déjà les signes d’une « omniprésence » dans la gestion des communes.
Et pourtant, la logique voudrait qu’après plus de trente années de délégations spéciales, la tâche de reconstruction des communes soit confiée aux maires élus. Ils doivent d’abord s’installer et évaluer ensuite avec les populations les besoins de leurs communautés ainsi que de leurs administrations respectives. En termes de personnel, les maires devraient avoir la possibilité de procéder à des recrutements au sein de la population ou faire appel au ministère de la Fonction publique pour pourvoir aux postes vacants. Mais avec cette décision d’affectation, ils pourraient être limités dans le choix de certains collaborateurs. Un atout dont il serait regrettable de les priver.
Dans tous les cas, la collaboration entre Payadowa Boukpessi et les maires s’annonce tumultueuse, surtout en ce qui concerne les élus de l’opposition qui ont pris des mairies stratégiques. Déjà, le ministre de l’Administration territoriale est décrié pour avoir ordonné la reddition des comptes par les délégations spéciales, en lieu et place de la Cour des Comptes ou de l’Inspection Générale de l’Etat (IGE).
Vivement que sa prochaine décision soit bien murie et ne fasse plus l’objet de polémique.
G.A.
Source : Liberté
27Avril.com