Togo : Awooyo, Une bière au jus succulent de Scorpion ?

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Togo :  Awooyo, Une bière au jus succulent de Scorpion ?

La Brasserie BB est spécialisée dans la production, la distribution et la commercialisation de bières, de boissons gazeuses, de vins fins, champagnes et eaux minérales (Eau Vitale). Des certifications ISO et des distinctions mondiales en bandoulière, la BB, qui n’a d’autre concurrent qu’elle-même, déverse sur le marché togolais neuf (09) marques de bières alcoolisées, deux (02) marques de boissons maltées et quatorze (14) marques de boissons gazeuses et des boissons rafraîchissantes sans alcool.

Récemment a été décerné à la BB le prix d’excellence et de qualité de la Guinness la mieux brassée au monde, la Pils vient de remporter la « médaille d’or » au Monde Selection Quality 2018. A la 4è édition du prix togolais de la qualité Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), la BB a été lauréate du prix d’excellence dans la catégorie « Grandes entreprises ». Des succès boostés par une efficace stratégie de communication qui cache le drame, l’horreur et les insuffisances criardes de cette société aux prouesses tant vantées. Dans la parution N° 95 du 13 mars 2017 de notre journal SYMPHONIE, nous éveillions l’attention des consommateurs à travers un article titré: « Alerte Danger Santé Publique/ Méfiez-vous des produits de la Brasserie BB Lomé! ». Pour résumer cet article, une bouteille Flag ouverte dans le Bar Rémo City situé à Légbassito, banlieue nord ouest de Lomé, emplit le lieu d’une odeur pestilentielle, due au contenu de la bouteille, un liquide de couleur blanchâtre, puant telle l’urine conservée des semaines durant. Dans notre enquête portant sur « les boissons BB et la santé publique », nous avons recueilli une mine de témoignages de victimes de la nocivité de certains produits BB, et constitué une banque de preuves les unes aussi épouvantables que les autres. Nous ouvrons le bal avec la scandaleuse découverte d’un scorpion en décomposition dans une bouteille Awooyo à Kara.

Une boisson Awooyo mortifère

En rentrant dans ce bar en cette journée du 24 octobre 2002, le nommé Balalima Jean Yves est loin d’imaginer qu’il terminerait sa soirée sur un lit d’hôpital, et que sa boisson préférée, Awooyo, serait la toxine qui l’empoisonnerait. Dès le premier verre absorbé, il est saisi de vives douleurs abdominales. Il a fallu attendre le dernier verre pour déterminer la cause du mal: un énorme scorpion en décomposition. Du bar, il est transporté à l’hôpital et se fait consulter au Service des Urgences Porte du CHR Kara/Tomdè. Les faits ont été confirmés par la tenante du Bar à la brigade territoriale de la Gendarmerie nationale de Kara devant l’officier Hovi Yaovi, gendarme adjoint le 9 novembre 2002. Ce même jour, ce dernier, agissant en sa qualité d’officier de police judiciaire va requérir, sur autorisation du procureur de la République, Monsieur Beweli Essotoma, médecin-chef des services de médecine et de santé mentale au centre hospitalier régional de Kara, aux fins d’examiner la victime dans le but de déterminer son état de santé. Intervenant sur la Réquisition Nº114/2002, le docteur Beweli Essotoma va établir le 15 avril 2003 un certificat médical attestant qu’à l’examen le 24 octobre 2002, on note: « une hyperthermie à 38º, des douleurs abdominales diffuses à type de picotement avec des selles sanguinolentes, un prurit cutané généralisé et un état d’angoisse ». Après des soins intenses et sa libération, la victime va se faire re-hospitaliser à l’hôpital de Niamtougou pour les mêmes symptômes. Après le nouvel examen, le docteur note: « des lésions urticariennes persistantes, des douleurs abdominales épisodiques avec des selles sanguinolentes, un syndrome de peur panique avec angoisse intense réactionnelle». « L’imputabilité des lésions et troubles ci-dessus à la consommation de boisson contenant un scorpion en décomposition du 24 Octobre 2002 peut être établie…aucun antécédent gastroentérologique, allergologique et psychiatrique n’est reconnu à la victime avant ladite consommation », assure le docteur. Dans sa conclusion, il dit noter chez la victime « un trouble de la personnalité pathologique dans un contexte psychologique traumatisant », avant d’avertir que « l’évolution favorable de ces lésions somatiques et troubles psychiques dépendra de la prise en charge adéquate ».

Prise en charge et responsabilité

La prise en charge médicale de la victime reste dans cette affaire un élément constitutif de la responsabilité de la BB. Peu après l’absorption du « Awooyo-toxique » et les symptômes qui fragilisent sa santé, la victime porte plainte contre la BB pour fourniture au public de boisson nuisible à la santé. La BB, défendue par son armada d’avocats, en toute mauvaise foi, a tenté de se soustraire de ses responsabilités. Mais la justice a engagé la responsabilité de la BB condamnée à dédommager la victime. La BB a interjeté appel de cette décision. La Cour d’appel de Kara va déclarer le tribunal de Kara incompétent à connaître de cette affaire, d’autant que le siège social de la BB se trouve à Lomé. Depuis, tout est fait dans l’ombre pour tuer à jamais l’affaire, sans le moindre franc pour dédommager la victime. Mais entre-temps, les responsables de la BB ont décidé de contribuer à la prise en charge de la victime par une somme des plus modiques. Un geste qui suffit, de toute façon, pour situer l’entière responsabilité de la BB. La victime, faute de moyens adéquats, n’a pu honorer toutes les prescriptions médicales, ce qui à contribuer à aggraver son état de santé. Aujourd’hui, c’est un homme affaibli et anéanti, ses rêves stoppés net par la Brasserie BB. Chaudronnier de profession, son incapacité de travailler est médicalement prouvée, et l’on peut aisément imaginer le cauchemar que représente son quotidien, lui, père de famille.

Mépris

Dans le strict respect des exigences du professionnalisme, nous avons tenté de rencontrer le directeur général de la Brasserie, le français Thierry Feraud, pour avoir la version de la direction sur l’ensemble des résultats de notre enquête. Deux courriers (28 mai 2018 et 14 juin 2018) lui ont été envoyés pour les besoins de la cause, mais l’ancien militaire, colonel d’armée, et ancien directeur commercial de la Brasserie Madagascar, a choisi de nous écraser de son dédain. Aucune suite n’a été réservée à notre demande, si ce n’est qu’au lendemain du dépôt de notre premier courrier, une dame se présentant comme secrétaire à la Brasserie, a joint une des victimes sur lesquelles porte notre enquête pour l’inviter à un échange à la direction de la brasserie Lomé. Un mépris des journalistes qui traduit l’indifférence du groupe français aux affaires à la BB devant les menaces à la santé publique que représentent l’incurie et les mauvaises pratiques d’hygiène dans la fabrication des boissons. Une posture encouragée par le défaut de préoccupation des autorités compétentes togolaises à assurer la sécurité sanitaire des produits BB mis sur le marché, et surtout l’absence de société concurrente dans le domaine. La société civile notamment les associations de consommateurs qui doivent se saisir des dénonciations de la presse pour défendre de par leurs actions le droit à la santé des consommateurs en exigeant un contrôle plus pointu de tout le circuit de production et de distribution, se laissent facilement corrompre. Les coupures de journaux dénonçant les gaffes de la brasserie sont utilisées par certains responsables véreux de ces associations comme armes pour aller braquer les responsables concernés et leur soutirer de l’argent, le prix du silence et du complot. Il y a lieu de remettre en cause les mille et une distinctions raflées par la BB pour la qualité de ses produits et de son management et de réfléchir sérieusement à la création d’un Conseil supérieur d’hygiène publique et d’un Conseil national de la consommation.

Méfions-nous des produits BB

Nous disposons de preuves (procès-verbal d’huissier plus image) pour attester les témoignages d’un consommateur qui a acheté une boisson soda, et sans avoir ouvert la bouteille, fut attiré par la présence à l’intérieur, d’un corps étranger noir, de la catégorie des insectes de l’ordre des Orthoptères. Nous y reviendrons. On peut d’ores et déjà imaginer que malgré la gravité de ces dénonciations, la brasserie BB, sûre de ses protections mafieuses, ne sera nullement inquiétée, il revient aux consommateurs de prendre leurs dispositions. Méfions-nous des produits de la Brasserie BB Lomé!!! A suivre

Source : Journal Symphonie N°121 du 26 Juillet 2018

27Avril.com