Nous étions les plus pourfendus sur les réseaux sociaux parce que nous partageions un pessimisme sur une négociation avec le régime du RPT/UNIR, connaissant la nature de ce pouvoir que nous combattons.
Taxés de tous les noms d’oiseaux par des militants, nous tenons bon et la suite sans doute nous donnera raison. Nous n’avions jamais voué aux gémonies la coalition des 14 partis constituant l’opposition politique à Faure Gnassingbé. Au contraire, nous sommes la sentinelle de la maison qui veillons, pour mettre la pression et éviter la casse totale.
Tôt, nous avions demandé qu’une transition se mette en place (ceux qui nous lisent peuvent en témoigner)avec le retour à la Constitution De 1992 et des clauses claires pour permettre une transition à un régime civil. Car ne nous leurrons pas, nous avons à la tête du Togo, un pouvoir militaire à ravalement civil. Nous n’avions pas été pris au sérieux. La coalition se limitant à des décisions uniquement de ses membres ne voulant pas entendre un autre son de cloche.
L’opposition togolaise, même si elle a fait des efforts inimaginables face à un pouvoir si dangereux, demeure un des problèmes à la solution au regard de ses digressions et de ses enchères qui finissent souvent au bas du tableau.
Le discours de « Chef d’État » qu’avait prononcé Jean-Pierre Fabre à Déckon au temps fort de la crise le 7 septembre 2017, discours auquel j’ai personnellement assisté, reste mémorable et a galvanisé les foules, faisant croire que la fin du régime UNIR était là. Il demandait en substance à l’usurpateur Faure Gnassingbé de venir négocier les conditions de son départ, en appelle à l’armée de se rallier au peuple et promettait des garanties pour tous sans aucune « chasse aux sorcières ». J’ai encore dans mes oreilles les viva de la foule.
Sur les médias nationaux et internationaux, le leitmotiv était le même: retour à la Constitution de 1992, ou départ immédiat de Faure Gnassingbé. L’opposition boostée en bloc par de gigantesques manifestations populaires promettaient tout. Et répétait à qui veut l’entendre que nous sommes au bout du chemin.
À la plage, point de chute des manifestations, qui en langues locales, qui en Français haranguait les foules sur l’intransigeance de la coalition d’obtenir contre vents et marées « les revendications légitimes des Togolais ».
Cette assurance avait ramené dans les manifestations les derniers indécis. Tout était prêt, on était prêt du but. Mais voilà! Les premiers couacs ont commencé à surgir lorsque le gouvernement tablait sur un référendum hypothétique, voulant le coupler aux locales et les législatives qui vont suivre. Des ambitions ont commencé à naître au sein même de la coalition parce que hétéroclite qu’elle était, il y avait en son sein les défenseurs de la politique de la chaise vide et les participationnistes. Les discussions deviennent houleuses et le compromis se résumait aux dates pour les manifestations.
Le coup de tonnerre était venu ce 26 mars lorsqu’au cours de sa conférence de presse la coalition de l’opposition annonce la fin de la revendication de ralliement des foules, le retour à la Constitution de 1992.
Certes diront certains, l’essentiel est maintenu avec la fameuse phrase « en aucun cas nul ne peut exercer plus de deux mandats » et aussi avec les cinq points cardinaux récités tel un chapelet. Mais l’histoire politique du Togo nous apprend que face à la dynastie Gnassingbé, il faut un bras de fer pour obtenir ce que l’on désire.
Ceux parmi les Togolais qui affirment depuis le 26 mars que nous sommes face à des comédiens amateurs qui cèdent tout sans aucune garantie, sans aucune contrepartie, peuvent sans doute avoir raison.
Car céder si tôt sur la revendication phare qui a emmené les Togolais dans la rue est une erreur politique et tactique.
Dans toute négociation on cède sur l’essentiel au dernier moment lorsqu’on est assuré d’obtenir le maximum requis.
Nos morts, nos mutilés, nos réfugiés et surtout nos prisonniers politiques se seront ainsi sacrifiés contre de menus fretins.
La transition à laquelle a appelé la coalition, si elle est défendable, devrait se faire sous la Constitution de 1992 qui définit dans sa plus simple portion congrue, le rôle du Chef de l’État (représentation officielle sans s’immiscer dans la politique intérieure) et une armée soumise à l’exécutif.
En l’abandonnant dans sa version originelle telle que réclamée depuis le 19 août 2017, les leaders de l’opposition ont usé de prérogatives qui n’ont pas été conférées par le peuple.
Au dialogue, il faut toujours concéder. Mais concéder le point le plus important de sa plate-forme avant même d’obtenir ce que l’on peut espérer, ressemble à une trahison du moment qu’on tient ses revendications d’une base qui n’a pas été consultée.
Le RPT/UNIR est un parti avec des caciques spécialisés dans la roublardise, le mensonge, la force brute et les fins tragiques.
Lorsqu’en face le pouvoir pose comme condition de ne céder au retour à la Constitution de 1992 que seulement contre une candidature de Faure Gnassingbé en 2020, la prudence aurait recommandée de lui tenir tête jusqu’au bout, quitte à appeler à la rue pour mettre la pression, la mobilisation et la détermination des populations étant inébranlables.
La dynastie Gnassingbé doit jubiler en ce moment puisque peu à peu la coalition cède sur tout sans presque rien obtenir en retour: suspension des manifestations, le retour à la Constitution de 1992, la suspension du dialogue qui ne devrait durer que 10 jours etc.
L’opposition avait voulu utiliser la méthode douce. Or depuis 1990, elle a été tournée en bourrique. Mais cela ne sert de leçon à personne. Et ceux qui osent émettre la moindre critique contre les méthodes utilisées sont considérés comme des parias.
Face à cette « capitulation » de l’opposition, une réorganisation des forces de l’alternance et du progrès s’impose. Pas à se substituer à la coalition mais à jouer une partition à part entière pour inverser le rapport de force.
Le Togo est à la croisée des chemins et désormais la vigilance doit être plus que de mise. Car contrairement à ce que le gouvernement a annoncé, les travaux de la CENI n’ ont jamais été suspendus. Le site internet du pouvoir republicoftogo nous en a donné la preuve. Et certains partis de la coalition sont captés par cette perspective de participer aux futures élections avec ou sans accord au dialogue.
Rien ne garantit pour l’instant le départ de Faure Gnassingbé en 2020. On a cédé et trop tôt. On a une fois encore apporté de l’eau au moulin au RPT/UNIR pour poursuivre son dilatoire. Les Togolais ont bien compris et bien lu la déclaration de la coalition. Elle est politique, mais elle est une erreur devant un usurpateur qui ne veut rien lâcher.
Anani Sossou
27Avril.com