Presqu’à la surprise générale, le Président de la République togolaise, Faure Essozimna Gnassingbé a fait le choix de s’adresser au peuple togolais, dès le 30 décembre, dans le cadre des traditionnels vœux de nouvel an.
A l’annonce de son intervention et avant même que le propos ne soit dit, les réseaux sociaux se sont mis à égrener, à travers un exercice imaginatif, les différents points que notre président allait sûrement aborder.
Et comme par enchantement, le message du Président a conforté les prédictions des internautes par l’abord, dans un style finalement routinier, de ces différents points à savoir, rendre hommage aux citoyens décédés, louer et vanter le rôle des forces armées togolaises, prendre prétexte sur l’attaque terroriste de Sanloaga pour faire planer sur notre pays le spectre des agressions extérieures et ainsi justifier les énormes moyens et privilèges que l’Etat consacre aux FAT etc.
Ensuite, le président de la République a annoncé, tel un bon samaritain, une série de mesures dont l’octroi par l’État d’une avance d’un mois de salaire aux fonctionnaires de l’administration publique et parapublique remboursable par mensualité jusqu’en décembre, une indemnité de départ à la retraite de trois mois pour compter de 2020.
Puis du secteur de l’éducation à celui de la santé, le chef de l’État a indiqué que 5000 salles de classes supplémentaires seront construites cette année, ainsi que l’ouverture des instituts de formation en alternance pour le développement (IFAD), des unités de soins périphériques par région, pendant que l’État va poursuivre la desserte en eau potable ainsi que de l’électricité dans plusieurs contrées reculées du pays.
Autres promesses, des contrôles seront effectués contre la hausse des prix qui engendre l’ambiante vie chère.
Répondant subtilement aux vives polémiques qui nourrissent la vie publique à la suite des interpellations et incarcérations trop récurrentes au Togo, Faure Gnassingbé a affirmé que ” l’expression de tous les points de vue est légitime mais elle doit s’inscrire dans le respect des limites définies par la loi, faisant prévaloir le civisme et la courtoisie, en dépit des divergences “.
Il a enfin jugé utile de prendre l’engagement d’être “le garant intransigeant” de l’exercice équilibré de ces droits…
Voilà pour l’essentiel, le contenu substantiel du message du chef de l’État de notre pays, après douze mois écoulés sans qu’il n’ait eu, un seul instant, à s’adresser à l’ensemble de ses concitoyens que nous sommes.
Du coup une telle sortie a donné le sentiment de s’inscrire dans le registre d’une simple formalité à laquelle s’est contraint le père actuel de la famille Togo. Voilà qui nous pousse précisément à une contextualisation d’un tel exercice qui, à vrai dire, devrait revêtir un caractère totalement sacré.
En vérité à quoi sert la parole présidentielle et pourquoi le peuple en a-t-il besoin dès lors qu’elle ne nourrit pas matériellement parlant son homme?
Pour répondre à une telle interrogation, il faut bien s’inscrire dans la dimension d’une famille où le papa, en fin d’année, rassemble tous ces enfants en vue de leur faire le bilan de l’année, poser le diagnostic des défis existants et missionner au même moment, chaque enfant pour des tâches spécifiques dans cette perspective de construire une famille forte dont le rayonnement fera la fierté de tous.
De ce point de vue, le papa ne peut guère manquer de faire l’état des lieux, d’évoquer de façon détaillée les avancées que des échecs et d’expliquer clairement les facteurs qui y ont milité. L’objectif précisément est de situer les responsabilités des uns et des autres en lien avec les facteurs endogènes et exogènes, de manière que chaque citoyen sache avec précision, le niveau d’avancement de la famille, ce qui est attendu de lui par le père ainsi que l’ensemble de la famille pour l’avenir.
Si l’on comprend les choses de cette manière, il va alors percevoir d’emblée l’indéniable impact psychologique que la parole présidentielle doit avoir sur chaque citoyen, elle doit impérativement servir à nourrir les âmes du peuple et à fortifier leurs convictions.
Ainsi, un tel message se doit d’être tissé avec une rigueur non négociable aussi bien sur sa forme que dans son fond, car après tout, un discours est une création à la limite artistique qui doit avoir pour ressort, les valeurs identitaires du pays, les valeurs et vertus prônées dans le pays, à partir desquels, le premier responsable crée une conscience nationale sur les priorités qui lui tiennent à cœur dans ce chantier de construction d’une Nation forte.
De telles exigences devraient amener le chef de la famille Togo à s’étendre sur tous les volets essentiels qui concernent la vie nationale, féliciter les citoyens s’il en est besoin, reprocher ou réprimander si nécessaire, tout en exhortant à mieux faire. Rien de tout cela n’a apparu dans le message présidentiel à part qu’encore une fois il n’a loué que l’action des militaires alors que le pays n’est pas en guère et salué celle du corps médical et du comité scientifique dans le cadre de la lutte contre la pandémie, alors que beaucoup de couacs ont meublé cette lutte dans notre pays.
Malheureusement les lieutenants du Président soutiennent qu’il ne s’agissait pas là d’un discours sur l’état de la nation mais de simples vœux qui s’en tiennent au besoin de communion. C’est une argumentation tirée par les cheveux dès lors que cet état de la nation n’a guère été fait non plus, alors qu’il s’agit bien d’une exigence constitutionnelle.
L’on aurait aussi compris une telle posture, si le Président de la République était un homme disponible et ouvert qui reçoit dans la mesure du possible, les leaders d’opinion dans couches socioprofessionnelles en vue d’échanger avec eux sur la situation du pays et leur infuser sa vision et ses convictions de sorte que ceux-ci s’en approprient. Il se trouve que nous avons un chef difficile d’accès qui ne reçoit que des hommes et femmes jouissant déjà d’un rang donné ou d’un type précis de privilèges.
La soif que manifeste le peuple d’entendre son dirigeant sur des sujets clés du pays devrait alors être perçue par les autorités elles-mêmes comme étant la révélation claire d’une réelle affection et d’un attachement à son chef de qui tout le monde attend une forme de lumière qui fait la voie au peuple. Vouloir se défendre sur l’évidente vacuité de cette sortie présidentielle ne parait pas sain, car il est inadmissible que le père de famille, en ces circonstances, n’ait pas eu à montrer au peuple qu’il suit de près tous les soubresauts que rencontre le pays à divers niveaux dont, notamment la justice, la corruption, les privatisations à l’emporte pièce des biens communs ainsi de suite.
Quelles orientations veut-il donner à sa gouvernance et qu’attend-il concrètement de son peuple en vue de la matérialisation d’une telle vision? Quelles sont ses convictions à lui qui doivent permettre au peuple d’être situé et même d’en faire des principes clairs de vie?
Est-il peut-être nécessaire de rappeler que le Président de la République incarne à la fois l’identité morale, intellectuelle, spirituelle du pays dans son ensemble! De son attitude et propos, dépendent largement le comportement des citoyens. Est-ce en l’état actuel des choses, le chef de l’Etat a eu l’occasion de se rendre compte de l’individualisme criard qui règne en triomphe dans le pays pendant qu’il prône la solidarité ? Il est de notoriété publique que notre société est cruellement déstructurée aujourd’hui et chaque citoyen se défend à sa manière, comme il peut et même comme il veut, alors que l’idéal est de mouler le peuple dans une dynamique unitaire à partir d’une vision claire en laquelle tout le monde ou presque se retrouve.
La communion dont parlent ses lieutenants défenseurs de sa sortie, exige malheureusement que le papa qu’il est, porte sur ses épaules, les inquiétudes et angoisses, les fiertés et prouesses du peuple, et qu’il en parle sans ambages.
Devant de telles attentes très légitimes, la personnalité du Président de la République ne doit guère autant apparaître en lieu et place de l’image idéale qui est attendue de lui par son cher peuple. Car il est le seul capable ou non de rassurer le peuple et de le tirer vers le haut par sa parole et ses actes au quotidien.
Voilà pourquoi toutes les ressources aussi bien humaines que matérielles et financières du pays sont mises à sa disposition. Ne pas séduire le peuple par son verbe et ses orientations éclairées et éclairantes laissera toujours un goût d’inachevé.
Luc Abaki
Source : icilome.com