Qu’est-ce qui a bien pu se passer le lundi 19 puis le vendredi 23 février pour que le 27e dialogue inter-togolais soit repoussé sine die ? Cette question, plusieurs togolais se la posent de façon inquiétante même si des informations indiquent que les discussions pourront reprendre dans une dizaine de jours. Pour le moins que l’on puisse dire, le facilitateur Nana Akufo-Addo était excédé par les incompréhensions entre la délégation de la coalition des 14 partis de l’opposition et celle du parti UNIR au sujet de la Constitution de 1992. Des informations recueillies par Togo Breaking News auprès de la facilitation et des participants au dialogue indiquent que le facilitateur a déduit, qu’à ce stade, le dialogue bute sur deux positions irréconciliables et diamétralement opposées. Les lignes peuvent-elles bouger d’ici-là ?
Vendredi dernier, en présence du président ghanéen, Nana Akufo-Addo, facilitateur du dialogue togolais, le pouvoir et la coalition des 14 partis de l’opposition ont reparlé des mesures d’apaisement et du renforcement de la confiance.
Apaisement et renforcement de la confiance
Sur ce sujet, des divergences demeurent. D’une part le chef de file de l’opposition, soutenu par les autres leaders de la coalition, exige l’arrêt définitif des poursuites judiciaires à son encontre des personnes inculpées dans l’affaire des incendies des marchés de Kara et de Sokodé faute de quoi il se retirera des pourparlers. En plus, Jean-Pierre Fabre et ses camarades continuent de demander la libération de la totalité des personnes interpellées et détenues suites aux différentes manifestations de rues ainsi que la levée de « l’état de siège de Sokodé, Bafilo et Mango ».
De son côté les partisans de Faure Gnassingbé se soucient plutôt des mesures d’apaisement et de confiance profitables non pas uniquement aux acteurs politiques, mais à l’ensemble du pays et de la population. Ils ont insisté sur des signes de compassion et de solidarité envers toutes les victimes des événements auxquels le Togo est confronté depuis le 19 août 2017 et qui ont entraîné des pertes en vies humaines et des blessés parmi les civils et les agents des forces de sécurité, des destructions et dégradations de biens publics et privés et des préjudices importants sur l’économie nationale. De ce fait, UNIR souhaite l’instauration de mesures durables pour atténuer les effets néfastes des manifestations publiques et l’arrêt des actes de violence, des incitations à la haine et de toutes exactions qui émaillent généralement les manifestations de la coalition. En outre, le gouvernement estime que les mesures d’apaisement doivent être envisagées dans le respect des règles et procédures judiciaires.
La note positive est qu’aucune des parties ne semble prête à aller à un blocage ou à une rupture sur la question des mesures d’apaisement et de confiance.
De la question du rétablissement de la Constitution de 1992
Cette étape passée, les discussions ont porté sur la question de la Constitution de 1992. Le regroupement de l’opposition exige son rétablissement dans sa forme originelle, ce que n’accepte pas le parti au pouvoir.
Selon certains participants de la majorité au dialogue, le facilitateur a posé plusieurs questions à la délégation de la Coalition notamment sur les implications et les conséquences constitutionnelles et légales du retour à la constitution de 1992 eu égard à l’ensemble des actes intervenus depuis décembre 2002. La question du mécanisme et de la procédure pour y arriver s’est également posée.
Selon des membres de la délégation de l’opposition, des réponses précises ont été données aux différentes questions posées notamment par l’entremise du Professeur Komi Wolou, le responsable du Pacte Socialiste pour le Renouveau (PSR). Pour ces derniers, le facilitateur ghanéen a semblé comprendre ces réponses.
Pendant ce temps, un membre de la délégation du parti au pouvoir estime que les questions de Nana Akufo-Addo ont permis de relever les limites et les contradictions dans la logique de l’opposition.
« Les développements du prof. Wolou sont totalement isolés et même singuliers dans le monde juridique. La coalition des 14 partis et ses leaders paient la rançon de leur radicalisme et de leur populisme. En effet, la grande expérience et la finesse d’esprit du Président ghanéen, facilitateur dans la crise togolaise, juriste et avocat de son état, fin connaisseur des subtilités et péripéties de la vie politique togolaise et qui, de surcroît, jouit d’un très long parcours politique comme ministre et comme opposant dans son propre pays, ont eu raison des arguties de la coalition », avance un membre du pouvoir.
Là-bas, on avance que la logique dans laquelle le PNP et l’ANC ont engagé le regroupement de l’opposition a démontré clairement ses limites.
Selon nos informations, les arguments de la coalition n’ont pas convaincu et la facilitation et les partisans de Faure Gnassingbé quant à la possibilité ou la faisabilité – politique et juridique – de retourner intégralement à la constitution de 1992 et d’en tirer pour conséquence l’inéligibilité du chef de l’Etat actuel.
Les indiscrétions font état de ce que le facilitateur a conclu que l’implication concrète que la coalition tire d’un « retour » intégrale à la constitution de 1992 ou de toute révision de la constitution actuelle est que Faure Gnassingbé n’a plus le droit de se présenter à une élection présidentielle. Et c’est aussi l’entendement que de nombreux observateurs extérieurs ont par rapport à la position de la coalition tendant au rétablissement de la constitution dite originelle de 1992.
Mécanisme et modalités d’un retour à la Constitution de 1992
Au-delà de la question des implications politiques et juridiques du rétablissement de la Constitution de 1992, les discussions ont porté sur le mécanisme et les modalités par lesquels ce « retour » serait opéré.
Sur le sujet, il nous revient que la délégation de la coalition a indiqué qu’il suffirait que les acteurs politiques décident du retour intégrale de la constitution ou qu’il suffirait de convoquer, ensuite, une concertation des forces vives du pays pour en débattre.
Du côté du pouvoir, on rappelle volontiers le contexte malsain, les violences, les arrière-pensées et l’esprit d’exclusion ayant prévalu tout au long de la conférence nationale et lors du processus référendaire, comme en témoignent la composition monolithique du bureau, les péripéties et revirements des positions, la non-représentativité du Haut-Commissariat pour la République (HCR-PT) ; ce qui remettrait en cause les fondements prétendument consensuels de la constitution dite originelle de 1992.
Les membres de la délégation du pouvoir soutiennent avoir indiqué lors des débats qu’aucun constitutionnaliste sérieux et crédible ne souscrirait aux interprétations et aux implications totalement erronées développées par la coalition et ses juristes.
« La jurisprudence la plus récente, au Sénégal ou en France, suite à la réduction de la durée du mandat présidentiel en attestent, sans oublier l’impraticabilité du système politique voulu par l’opposition et les rédacteurs béninois de la constitution dite originelle (la preuve en a été faite en 1994) », lâche un pro-Faure au dialogue.
Quant à la faisabilité, un membre de l’entourage de Faure Gnassingbé a estimé, selon des sources proches de la facilitation, que si retour devrait y avoir, cela ne pourra l’être que par les voies et les formes légales prescrites en matière de révision constitutionnelle et donc la majorité qualifiée, actuellement introuvable à l’Assemblée nationale pour le fait que le but poursuivi n’est pas conforme aux orientations et aux options politiques de la majorité parlementaire.
Deux positions irréconciliables et diamétralement opposées
Au niveau du parti UNIR, on avance en toute hypothèse que la société togolaise évolue et son édifice politique et institutionnel se doit d’évoluer également en épousant les mutations contemporaines.
« Face aux arguments, le facilitateur en a déduit que le dialogue était face à deux positions irréconciliables et diamétralement opposées », ajoute l’une de nos sources proches de la facilitation.
En clair, rien n’a évolué, à ce stade, sur le principe de retour intégral à la constitution de 1992.
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