Depuis quelques années, il y a un regain d’intérêt pour le secteur agricole au Togo. Les projets se multiplient. Mais force est de constater que les résultats obtenus ne sont pas satisfaisants eu égard aux énormes investissements consentis. L’épanouissement du secteur agricole du pays laisse à désirer. De ce fait, la question se pose de savoir pourquoi le Togo ne réussit pas sa révolution agraire ? Réponse.
Le développement d’un pays passe irrémédiablement par des avancées réalisées dans le secteur de l’agriculture. Tous les pays ayant réussi leur développement ont toujours mis un temps pour donner une impulsion au domaine agricole. Tout simplement parce que l’agriculture est au centre du développement humain. En Afrique, très peu de ressources sont accordées à ce secteur. En effet, malgré la signature du protocole de Mozambique qui demande aux pays africains de consacrer 10% du budget national au secteur agricole, à peine une dizaine de pays du continent ont pu respecter cet engagement.
Malheureusement, le Togo ne fait pas encore parti des pays qui respectent le protocole du Mozambique. Toutefois, les autorités togolaises s’évertuent à trouver d’autres moyens pour financer le développement de l’agriculture du pays. Mais face à d’énormes difficultés, les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Des terres et des problèmes…
Le Togo est le pays africain qui dispose de la plus grande proportion de terres arables. 48,7% de la superficie du pays est cultivable. En comparaison, la Côte d’Ivoire, qui est pourtant une grande nation agricole, ne dispose que de 9,1% de terres arables. La superficie cultivable est évaluée à 3,6 millions d’hectares, soit 60% du total, et 41% de cette surface, soit 1,4 millions d’hectares, sont emblavés.
Toutefois, sur les 86 000 hectares de terres cultivables, seuls 2 300 hectares sont aménagés et 1 200 effectivement exploités. On note dans certaines zones l’existence d’une pression foncière croissante, d’une dégradation de la fertilité des sols et des poches de pauvreté rurale. C’est le cas, entre autres, de l’Est de la Région de la Kara et de l’Ouest de la Région des Savanes. Dans ces zones, on constate des rendements agricoles bas, en-deçà de la moyenne, une disparition du couvert forestier et des indicateurs sociaux particulièrement bas (malnutrition, faible taux de scolarisation).
L’économie togolaise est basée, dans une large mesure, sur l’agriculture. Les recettes générées par les produits agricoles représentaient en 2003 environ 37,8% du PIB (Produit intérieur brut), qui atteignait alors 1 076 milliards de FCFA, selon des statistiques du ministère de l’Economie et des Finances. Malgré sa place dans l’économie, l’agriculture togolaise est caractérisée par un faible niveau technique et un faible taux d’équipement des exploitations: 25% des exploitations bénéficient d’un appui technique des structures d’encadrement, les semences améliorées sont utilisées dans moins de 3% des cultures vivrières, l’utilisation d’engrais concerne 16% de ces cultures, 89% des superficies cultivées sont emblavées avec du matériel aratoire (houe, coupe-coupe), la répartition des labours attelés est inégale, avec 10% au profit de la région des Savanes, environ 1% des exploitations sont équipées d’un tracteur, 12% seulement des ménages ont accès au crédit agricole ( formel et informel), l’exploitation agricole est tournée vers l’autoconsommation et est faiblement monétarisée. Ce n’est pas tout.
Après la production agricole, il faut de bonnes routes pour transporter les produits vers les marchés. Les routes n’existent pas du tout ou celles qui connectent les villages aux grands marchés sont dans de mauvais états. C’est un enjeu majeur pour l’agriculture au Togo. Faute de systèmes de stockage efficaces et appropriés les produits qui résistent très mal aux conditions climatiques tels que les tomates, les oignons, les légumes verts, etc. pourrissent.
Il faut également noter un manque de soutien financer, même si l’Etat togolais essaye d’y remédier. Bien qu’il existe aujourd’hui plusieurs groupes de micro-finance travaillant dans ce domaine, les cultivateurs sont très peu à avoir accès à ces groupes ; la majorité d’eux ignore les procédures requises pour pourvoir accéder à un soutien de financement à long terme ou les conditions mises en place par ces institutions financières ne peuvent pas être remplies par les pauvres paysans. Autant de difficulté qui empêche l’agriculture de prendre son envol.
Toutefois pour relancer l’agriculture au Togo, les autorités du pays se sont lancées dans différents projets. Mais avec des résultats jusqu’à présent insuffisant.
De projet en projet…
Depuis les projets en faveur du secteur agricole se compilent. Il y a entre autres le Projet d’appui au développement agricole au Togo (PADAT), le Projet d’appui au secteur agricole (PASA), le Projet d’amélioration de la productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PAAAO/WAAPP), le Projet d’Adaptation des systèmes de production agricole aux changements climatique au Togo (ADAPT). C’est différents projets sont colportés dans le Programme national d’investissement et de la sécurité alimentaire (PNIASA). Financés entre autres par la Banque mondiale (BM) et le Fonds international de développement agricole (FIDA), plus de 230 milliards de FCFA ont été investis pour l’exécution du programme. Les résultats obtenus sont approximatifs. Ce qui a obligé les investisseurs à proliférer des menaces de ne plus investir dans le programme.
Toujours au rang des projets, il y a un nouveau qui a été lancé en début de semaine. Le MIFA, anciennement connu sous le nom du TIRSAL est un mécanisme qui est inspiré de l’expérience et de la réussite du Nigeria incentive-based risk sharing system for agricultural lending (NIRSAL). Sa mission, selon les autorités togolaises est d’élaborer des politiques adaptées au secteur agricole, d’appliquer des outils de gestion des risques visant à attirer les compétences et acteurs clés par le biais d’incitatifs puis de consolider les maillons des différentes chaînes de valeur agricoles pour le développement de l’agriculture togolaise. Grâce au MIFA, l’apport des banques au financement de l’agriculture et des chaînes de valeur sera portée à 5% au bout de 5 ans contre 0.3% actuellement. Le mécanisme va également fédérer l’ensemble des acteurs à savoir l’Etat, les centres de recherche, les distributeurs d’intrants, les producteurs, les unités de transformation et structures d’assurance, bancaires et de finance décentralisée. Ce nouveau projet pourra-t-il apporter une plus value aux agriculteurs togolais ? Wait and see.
On notera également le lancement de la création des agropoles et des instituts de formations dédiés au secteur agricole.
Toutefois, selon l’avis des spécialistes l’agriculture togolaise peut sortir de l’ornière. Globalement, les spécialistes proposent comme remède la valorisation des terres incultes, l’exploitation de la diversité climatique, la maîtrise de l’eau, une utilisation rationnelle et optimale des intrants agricoles. Le désenclavement des zones à fort potentiel agricole, la pratique de l’agroforesterie par la plantation d’espèces pérennes pour le maintien à long terme de la fertilité des sols, l’intensification de la recherche agricole et son expérimentation, la facilitation de l’accès des groupements agricoles, la mécanisation, l’utilisation d’engrais, la réforme agro-foncière permettant une juste répartition des superficies cultivables sont également recommandés, sans oublier la professionnalisation, la syndicalisation du secteur agricole afin de protéger les droits des producteurs et le rôle politique de l’Etat dans ce domaine en termes d’orientations et de réglementations.
Des champs fertiles, de bonnes cultures, des rendements de haute qualité et abondantes, l’élevage moderne à grande échelle, la sécurité alimentaire et financière, une bonne éducation pour les enfants, une accommodation décente, une meilleure vie pour tous : ce sont des avantages et atouts que peut fournir la terre togolaise aux agriculteurs à petite ainsi qu’à grande échelle et même aux habitants du pays. Pour profiter de tous ces avantages, le Togo doit réussir sa révolution agraire. Mais pour l’instant, le décollage est mouvementé. Reste à savoir s’il sera réussi ?
Miboussomékpo Koffi
Source : Fraternité
27Avril.com