Togo : affrontements violents à Lomé et Sokodé, l’opposition appelle à de nouvelles manifestations

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La capitale togolaise se réveille ce jeudi matin encore sonnée par les scènes de guérilla urbaine de la veille. Une marche de l’opposition interdite par le gouvernement a dégénéré, faisant un mort à Lomé, trois à Sokodé et plusieurs blessés dans les deux villes.

La nuit est tombée tôt, beaucoup trop tôt, à Lomé ce 18 octobre. La capitale togolaise porte les stigmates d’une journée de violences pareille à celles du 5 octobre dernier. Il est facile de circuler à travers les larges rues du centre-ville à 21 h. La population s’est terrée chez elle. Les quelques curieux qui traînent dans les rues détalent dès qu’un véhicule approche.

Pneus brûlés encore fumants, barricades toujours visibles, chaussées parsemées de cailloux… Le tableau est sombre et le bilan, qu’il soit donné par le gouvernement ou l’opposition, atteste de la gravité de la situation. Selon la coalition de l’opposition, les affrontements ont fait deux morts à Lomé (dont un enfant de onze ans, selon elle), auxquels il faut rajouter 20 blessés et 39 arrestations. Le gouvernement dénombre quant à lui « un mort et plusieurs blessés par balle », ainsi qu’une soixantaine de personnes interpellées.

Le colonel Yark Damehame a fait état devant la presse, mercredi soir, de trois mort par balle à Sokodé, la deuxième ville la plus peuplée du pays, agitée par des violences depuis mardi.

Interrogé par l’AFP mercredi, le représentant de l’Alliance nationale pour le changement (ANC, opposition) à Sokodé, Ouro Akpo Tchagnaou, a accusé les forces de sécurité de faire usage d’une violence excessive : « Les corps habillés (forces de sécurité) mènent des expéditions punitives dans les maisons. On frappe tout ce qui bouge », a-t-il rapporté.

Signes annonciateurs

Plusieurs signaux en fin de semaine dernière permettaient d’anticiper une détérioration du climat social durant ces deux jours de manifestations de l’opposition. Car après « le jour de colère » du 5 octobre et les actes de vandalisme perpétrés, le pouvoir était « décidé à reprendre la main ».

De fait, il a été décidé une interdiction des marches les jours ouvrables. En lieu et place, le parti au pouvoir et l’opposition pouvaient organiser des meetings en des lieux déterminés. Une « restriction de la liberté de manifester » que l’opposition n’entendait pas respecter.

Une opposition qui continue de refuser tout dialogue qui ne porterait pas sur « la négociation des conditions du départ du chef de l’État ».

« Ces derniers jours, la dialectique de certains activistes de l’opposition était clairement guerrière et il fallait s’attendre à ce que nous aussi nous nous décidions à défendre notre président », avait confié à Jeune Afrique un militant d’Union pour la République (Unir), le parti au pouvoir. Et comme il fallait s’y attendre, ces derniers étaient dans les rues de certains quartiers réputés acquis au pouvoir pour « riposter à toute provocation ».

Appels à l’apaisement

Face à la psychose qui s’installe petit à petit dans le pays, des voix s’élèvent pour appeler les deux parties à la retenue. Dans un communiqué, Michaëlle Jean, Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a déploré l’escalade de la violence.

« Il est primordial d’encourager toutes les actions de nature à contribuer à la résolution de cette crise et au retour à un climat apaisé, indique Michaëlle Jean. Toute la Francophonie s’inquiète et se mobilise face à cette situation qu’il faut à tout prix résoudre ». Le Togo doit d’ailleurs accueillir du 24 au 26 novembre prochain la 34e session de la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF).

« Ceux qui ont commis l’erreur de penser que le régime est déjà à terre peuvent se mordre aujourd’hui les doigts, estime un analyste politique qui a souhaité garder l’anonymat. Il dispose d’un large soutien au sein de la population et de l’appareil sécuritaire du pays, ce qui rend la négociation indispensable pour sortir de la crise actuelle ».

L’opposition a annoncé le maintien des manifestations d’aujourd’hui. Se dirige-t-on vers un « jeudi noir » ? Dans plusieurs zones du pays, on signale des déplacements de populations, notamment dans la région centrale.

« De ces morts provoquées par l’intransigeance et l’extrémisme, il faut que les acteurs politiques se ressaisissent », a pour sa part indiqué le ministre de la Sécurité, Damehane Yark. Une mise en garde qui sonne comme un avertissement aux va-t-en-guerre des deux camps.

Jeune Afrique