Mardi, des affectations de certains magistrats ont eu lieu. Même si c’est suite à une affaire mettant en cause un petit nombre que d’autres ont été touchés, on s’étonne que parmi les « derniers dinosaures », aucun n’ait été concerné. Pour combien de temps encore se souderont-ils à leur poste quand on sait que leur « durabilité » est synonyme d’accointances avec les justiciables ?
Par décret n°2022-032/PR portant nomination des magistrats, Bignang Koffi Ernest, président de la chambre d’accusation à la Cour d’appel de Lomé, est nommé conseiller à la chambre judiciaire de la cour suprême.
Nayo Karenkou Awoulmère, précédemment conseiller à la Cour d’appel, garde le même titre, mais à la chambre administrative de la Cour suprême. Polo Séla y est nommé comme Avocat général alors qu’il était conseiller à la Cour d’appel.
Ibrahim Awal qui était conseiller à la Cour d’appel, est propulsé au rang de vice-président de ladite cour.
La chambre d’accusation a désormais un nouveau président en la personne de Ali Essodon, précédemment substitut du Procureur général de la Cour d’appel.
D’Almeida Kodjo, juge d’instruction au tribunal de Lomé, est nommé conseiller à la Cour d’appel de Lomé.
Kuévidjin Ekué, conseiller à la Cour d’appel, est désormais premier substitut général.
Ayim Palamwè, conseiller à la Cour d’appel de Lomé, est nommé substitut général.
Au tribunal de Lomé, le désormais ancien doyen des juges d’instruction Adjoli Awi s’est vu créer un poste de vice-président du tribunal de Lomé. Il est remplacé au poste de doyen des juges par Poutouli Awi, précédemment juge au tribunal de Lomé.
Le substitut du procureur de la République, Bagna Aboudal-Raouf, est nommé juge d’instruction au tribunal de Lomé.
Adenka Adewale Kouakou, anciennement juge, est nommé premier substitut du procureur de la République.
Au tribunal de Kara, l’ancien président du tribunal de Mandouri, Mama Ibourahim y est nommé comme simple juge. Et à Mandouri, c’est Abotchi Koffi Ayassounon, juge au tribunal de Kara qui prend les rênes ce tribunal.
Qu’inspirent ces mini-mouvements ?
La magistrature togolaise est telle que, pour un écart de comportement constaté chez un magistrat et qui nécessite son affectation en guise de sanction, il faut porter atteinte à d’autres magistrats pour combler le vide qui sera laissé par le fautif.
Dans le cas d’espèce, sans prétendre maitriser tous les contours des mouvements intervenus mardi, il existe, selon les analyses d’un juge, des devoirs de consultation effectués par le ministre et le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) auprès de magistrats qui ne se sont rendu coupables d’aucune faute, mais sont pressentis pour remplacer d’autres magistrats indélicats. Ces derniers sont parachutés à d’autres postes sans consultation.
Parmi les fautifs, des bruits courent qu’une liberté provisoire accordée récemment par une instance supérieure alors que, par deux fois, le juge d’instruction sur le dossier aurait refusé d’accorder cette liberté provisoire au prévenu, pour des motifs que celui-ci trouve justifiés. Même si les premiers responsables n’auraient pas trouvé de preuve tangible attestant que celui qui a prononcé la relaxe provisoire aurait été « mouillé », la décision ayant acté la libération provisoire serait considérée comme une faute professionnelle.
Pour les autres cas ayant nécessité des mouvements, on retient juste qu’il n’y a jamais de fumée sans feu. Mais il paraît curieux que le ministre et le CSM se basent simplement sur des fautes pour procéder à des affectations. La directive du CSM est formelle sur la durée que peut faire un magistrat à son poste.
Une directive édictée pour prévenir les actes de corruption et les promiscuités incestueuses des magistrats avec les justiciables est en vigueur depuis 2017 et qui fixe à 4 ans maximum, la durée d’un magistrat à un poste. Mais à quoi assiste-t-on à ce jour ?
Des dinosaures inamovibles
Quid des magistrats à l’intérieur du pays qui sont soit devenus indésirables aux yeux des populations, soit très amis avec les justiciables, des situations qui rendent le travail difficile à être accompli ? La plupart font déjà 6 ans alors que la directive parle de 4 ans au maximum.
Mais comparés à ceux qui sont dans leur 9ème année à l’instar du président du tribunal de Tsévié, il y a matière à redire.
A Lomé, on compte encore au moins deux magistrats qui donnent l’impression d’être vissés à leur poste. C’est le cas par exemple de la directrice du sceau, de la nationalité et de l’identité civile, Kobauyah Tchamdja-Kpatcha, une cumularde, et du directeur de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion, Akibou Idrissou. A l’heure des affectations, c’est à croire qu’ils savent se faire oublier et ne sont jamais inquiétés.
Mais il existe le sommet de l’incongruité en la personne du président du tribunal du travail, Sanoka Tchiakoura. Ce magistrat est le seul rescapé des membres du CSM. Bien qu’il ait épongé les deux mandats réglementaires qui sont arrivés à expiration en 2019, il siège toujours au CSM et résiste aux affectations. Par laxisme ou par oubli ? Toujours est-il qu’il est l’épouvantail qui reste des anciens membres du CSM.
Quand on se rappelle que l’actuel ministre Pius Agbetomey a l’habitude de claironner que le magistrat n’a pas de plan de carrière, on s’interroge sur cette exception incarnée par le président du tribunal du travail.
Que des magistrats soient dégagés de leur poste pour avoir pris des libertés avec l’éthique et la déontologie, est chose normale. Sauf que ceux qui ont dépassé la durée prescrite par la directive du CSM à un seul poste, doivent également aller voir ailleurs. Si l’exercice de la fonction semble doux dans les tribunaux de grande affluence, pourquoi les magistrats envoyés dans les tribunaux de petit calibre ne goûteraient pas aussi aux « délices » des grands tribunaux, au nom de la justice sociale ?
Godson K.
Source : Liberté / libertogo.info
Source : 27Avril.com