Togo / Administration publique: Les drôles de leçons de Gilbert Bawara

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Il y a quelques jours, dans une sortie médiatisée, Gilbert Bawara, ministre de la Réforme du Service Public, du Travail et du Dialogue Social, se faisant passer pour un chevalier blanc, donne des leçons de morale aux fonctionnaires. Oubliant, au passage, des faits le concernant. Et que l’impunité est savamment entretenue depuis plusieurs décennies par le régime qu’il sert et défend « unguibus et rostro ».

La semaine dernière, lors du comité de concertation État-secteur privé qui s’est tenu le mercredi 4 décembre 2024, le vertueux Gilbert Bawara a affiché sa volonté de construire une administration au service du développement. Pour ce faire, il compte mettre en pratique un nouveau système contenu dans une nouvelle loi adoptée récemment par le gouvernement et qui attend son vote à l’Assemblée Nationale.

Gilbert Bawara, le moralisateur

« Nous nous sommes dotés, il y a de cela quelques mois, d’un nouveau statut général de la fonction publique. Ce nouveau statut a été adopté par le gouvernement et il sera examiné prochainement par l’Assemblée Nationale. (…) Le principe de ce nouveau statut est simple : mettre en place une administration et des services publics de mission ; sortir de la logique des statuts et des carrières », a déclaré », le ministre de la Réforme du Service Public.

« Souvent, les administrations et les agents de ces services publics ne se posent pas la question de leur rôle par rapport au développement du pays, de leur rôle par rapport aux acteurs de l’économie. Et donc, le but fondamental de cette réforme, c’est de sortir de cette logique-là et de bâtir une administration et des services publics avec des femmes et des hommes qui savent qu’ils constituent un maillon dans la chaîne du développement du pays », a-t-il explicité.

Pour illustrer ses propos, Gilbert Bawara a relevé un cas d’extorsion de fonds qu’il a géré lui-même. « Il y a quelques semaines, j’ai reçu une dame de nationalité étrangère qui avait été mariée à un Togolais et qui était en train de procéder à des formalités pour obtenir ses pièces togolaises. Elle m’a écrit. Je ne la connaissais pas, mais compte tenu de la pertinence du message, j’ai décidé de la recevoir. Elle m’a expliqué qu’elle était allée dans un service pour les papiers de nationalité où elle a rencontré une personne qui lui a demandé une somme d’argent pour lui faciliter la tâche. Depuis le mois de mai jusqu’au mois de novembre, la dame n’est même pas entrée en possession de ses documents. C’est une extorsion, un abus de pouvoir. Cet agent utilise l’administration à des fins personnelles, mais en plus, il ne rend même pas le service. Voilà le genre de comportement que nous devons combattre. Il faut que les mentalités changent. Il faut que l’éthique et la déontologie du service public soient pleinement appliquées et respectées », a-t-il expliqué.
Selon le ministre Bawara, cet exemple illustrateur motive la réforme de l’administration qu’il porte. Il va de soi. Le hic est que le ministre qui s’en prend aux fonctionnaires carriéristes a visiblement besoin qu’on lui rappelle le contexte, et surtout qu’il a oublié de faire le ménage chez lui.

Une administration à l’image de la gouvernance du pays

Tout d’abord, les faits dénoncés par le ministre de la Réforme du Service Public se sont déroulés au service de nationalité. Si le ministre prenait le temps d’écouter les usagers du service public ,il aurait su qu’au service de nationalité, c’est la croix et la bannière pour les usagers. Pour introduire la demande de nationalité, des compatriotes doivent se réveiller à 3 heures du matin, passent des heures et parfois même une journée entière dans les files Parfois sans réussir à déposer une simple demande de nationalité.Ensuite, ils doivent attendre très souvent au-delà d’un mois règlementaire, à cause de la lenteur administrative instituée en règlement intérieur dans de nombreux services, pour ceux qui ont un peu de chance de récupérer leur document. Sans alternatives, certains usagers se tournent vers des fonctionnaires véreux pour avoir le document. Ces faits sont dénoncés au quotidien et plusieurs voix s’élèvent pour demander des réformes dans ce secteur en l’occurrence la décentralisation de ce service dans les 117 Communes pour faciliter le travail comme au Bénin voisin.Mais que nenni !

Les cas d’extorsion sont légion et si c’est à travers cette dame que lui Bawara l’a su, cela montre combien de fois il n’est pas au service de ses concitoyens.Et pour celui qui cumule 17 ans au sein du gouvernement, c’est bien suffocant.

Bien plus, le ministre Gilbert Bawara semble s’étonner du fait que nombre de fonctionnaires ne se mettent au service du développement du pays. Peut-être doit-on rappeler justement au ministre que la majorité des fonctionnaires ne sont pas au service des populations, mais du régime et de ses tenants. En effet, la question se pose de savoir comment certains fonctionnaires sont recrutés ? Il nous souvient que le ministre Issa Tchede , toujours au gouvernement d’ailleurs, a relevé publiquement les stratagèmes qu’ils (ils sont nombreux) pour faire recruter « leurs frères » lors du lancement des concours censés retenir les meilleurs. Comment des gens recrutés par affinités politiques sur fond de régionalisme peuvent se mettre au service du développement du pays ? Au Togo, il est rentré dans les habitudes qu’à une période de l’année, les bureaux de l’administration se vident pendant plusieurs jours de leurs occupants qui se rendent à une fête traditionnelle au nord du pays. Ces fonctionnaires ne sont nullement inquiétés. D’autant plus que, ceux qui ne s’y rendent pas sont très mal vus.
En dernier lieu, il faut questionner le contexte. Aujourd’hui, l’impunité règne en maitre. Il suffit de revendiquer d’appartenance au régime pour profiter de nombreux passe-droits. Les exemples sont légion. En effet, le manque d’alternance au sommet de l’Etat est devenu une garantie d’impunité pour certaines personnes qui font voir de toutes les couleurs à leurs concitoyens. Sur ce point, le ministre Bawara est loin d’être un exemple. Il a oublié qu’il est les arcanes du gouvernement depuis plus de 17 ans. Et cette longévité, il ne la doit qu’au Chef de l’Etat qui lui-même bouclera bientôt vingt ans au pouvoir. Combien de fois le ministre Bawara n’a pas renvoyé aux Togolais l’image d’un homme au service d’un régime plutôt qu’un Etat par conséquent des citoyens?

Le problème de l’administration doit être réglé à la source en instaurant une transparence dans le système de recrutement. Une bonne gouvernance, soutenue par le bon fonctionnement de l’administration publique, est la pierre angulaire du développement.

Lemy Egblongbéli

Source: lecorrecteur.tg

Source : 27Avril.com

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