Des compétences, ça ne manque pas au Togo. Seulement, une nébuleuse avec des ramifications partout dans l’administration arrive par des moyens détournés à promouvoir des médiocres au détriment des compétents. Ce réseau opère souvent par le biais des concours nationaux.
Les résultats des concours nationaux ne reflètent pas souvent la réalité. Parmi les retenus, des mystérieux noms apparaissent, au grand désarroi de ceux qui ont dépensé de l’argent pour des photocopies, légalisations, payements de quittance, frais de dossier, pour participer à ces sélections nationales. Il y a ceux qui ne prennent pas part aux examens; mais par enchantement, leurs noms se retrouvent sur la liste des retenus. A y voir de près, c’est un réseau qui est en activité depuis des années et qui arrive à glisser les noms par des moyens frauduleux, compromettant ainsi les concours nationaux.
Au Togo, l’homme qu’il faut n’est pas toujours à la place qu’il faut. La nébuleuse a ses hommes ou femmes médiocres. Une pratique qui ankylose l’administration. Le concours des agents de la communication a révélé des anomalies à l’époque où Arthème Seleagodji Ahoomey-Zunu était reconduit Premier ministre. A Radio Lomé, après la publication des résultats, il y a eu grincement de dents. Il y a eu des magouilles. Le réseau avait réussi à placer ses hommes au détriment de certains. Aucun des jeunes de l’émission « Fréquence-Jeunes » n’a été retenu, au grand dam de leurs encadreurs. Ces derniers avaient incité les jeunes dont certains faisaient plus de six ans à Radio Lomé, à postuler. Point n’est besoin ici d’étaler ce que cela a engagé en termes de coûts pour les jeunes animateurs de radio. L’espoir qu’ils nourrissaient de faire partie de la Fonction publique s’est transformée en peau de chagrin.
Un cas avait particulièrement énervé à l’issue du concours. Il se rapportait à l’époque qu’un chef de la boîte a réussi à placer un de ses proches qui ne s’est jamais essayé à la pratique radio. Aussi ce concours a-t-il consacré le parti pris par le réseau à un membre d’un célèbre groupe d’humoristes. A l’issue des examens, l’un qui s’affiche partout avec couleur bleue UNIR a curieusement réussi. L’autre a échoué, mais a quand même pris la sage décision de s’inscrire à l’Institut des sciences de l’information, de la communication (ISICA) à l’Université de Lomé.
C’est également par le biais de ce concours qu’un ancien directeur de cabinet du ministère de la Communication a régularisé sa situation. Ces exemples sont quelques faces visibles de l’iceberg.
L’administration togolaise est truffée de ces pratiques. Des fonctionnaires n’ayant pas de qualification requise sont de véritables problèmes. Mais ces pratiques ont malheureusement des jours devant. Tout récemment à l’Office togolais des recettes (OTR), 26 recalés se sont ajoutés à la longue liste de la nébuleuse à l’issue du concours de recrutement de juillet 2017.
A la suite des épreuves écrites, 136 candidats ont été déclarés admissibles pour l’option Douane. Le 03 septembre 2018, ils ont été convoqués au siège de l’Office togolais des recettes pour le contrôle des admissions. Tout semblait aller bien pour ces futurs douaniers puisqu’ils ont signé une fiche de prise de service. Aussi leur est-il demandé des documents complémentaires afin d’être intégrés dans la liste du personnel de l’Office. Des comptes bancaires ont été ouverts aux nouvelles recrues. Elles ont même perçu leur premier salaire. Mais ce que ces jeunes ne savaient pas encore, le réseau s’activait dans l’ombre pour tronquer les résultats.
C’est ainsi qu’il leur a été notifié le 05 octobre que 26 étaient recalés. Une magouille que les ajournés dénoncent surtout qu’ils ont participé à des formations et à des séances de sports. « Nous sommes en train de vous mettre dans le bain. C’est la même formation qui vous sera donnée au Centre national d’instruction (CNI) », leur disaient leurs formateurs à des heures de séance d’exercice physique. Donc l’argument selon lequel ils sont déclarés inaptes à la formation militaire est irrecevable à leurs yeux. Aussi le Directeur des ressources humaines les a-t-il rassurés. « Nous avons rencontré le DRH qui nous a dit que même si nous sommes déclarés inaptes pour la formation militaire, cela ne nous rend pas incapables de travailler à l’OTR. Il nous a rassurés et nous a dit de ne pas nous inquiéter », disent les recalés. De quoi nourrir des espoirs.
Mais ce que ces recalés ne savaient pas, ils avaient été remplacés à leur insu. Ils l’apprendront sur le tard. « Nous avons remarqué que d’autres candidats, 22 plus précisément, ont été contactés et convoyés eux aussi au CNI à Kara. Ce sont ceux qui ont échoué aux épreuves écrites auxquelles nous avons réussi. Certains n’étaient même pas candidats dans l’option douane comme nous. Un autre groupe s’y est ajouté et ils étaient 149 à avoir suivi la formation militaire », ont-ils révélé devant la presse le mercredi 15 mai 2019. Les 26 recalés ne se voient pas baisser les bras. Ils comptent crier, porter plus haut l’injustice dont ils sont victimes. Déjà, les ajournés ont saisi le Mouvement Martin Luther King (MMLK) qui a, plusieurs fois, demandé des audiences (sans succès) à Kodzo Adedze, l’ancien Commissaire Général de l’OTR. Le nouveau Commissaire Philipe Tchodié connaît bien cette affaire. A l’époque, il était le Directeur des ressources humaines.
Ces actes entachent une sélection nationale rigoureuse basée sur la compétence. La lutte contre la corruption devrait passer par là aussi afin de démanteler ce réseau avec ces pratiques nuisibles.
Source : L’Alternative No.799 du 21 mai 2019
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