Les « vuvuzelas » du parti au pouvoir tentent déjà de distiller dans l’opinion la candidature de leur « champion » à la prochaine présidentielle au Togo. Une manière de voir la réaction des Togolais qui ne veulent pas entendre parler du quatrième mandat de Faure Gnassingbé, en fin du troisième qui n’a rien de différent des deux autres. Du coup, aux portes de 2020, le fils à papa, comme on le lui connaît, engage une sorte d’opération de charme qui le conduit dans des localités abandonnées depuis des années par son régime.
Tout a commencé avec un gouvernement Klassou II qu’on a formé à la hussarde, avec une déclaration de la politique générale (des redites en fait), un séminaire gouvernemental, etc. Tout est fait pour donner l’impression qu’on veut travailler pour les Togolais. Mais qui ne connaît pas ce régime dont les clans qui le composent cherchent d’abord leurs intérêts ? Aujourd’hui, on veut faire croire aux Togolais que le régime est capable de faire en quelques mois seulement, ce qu’il n’a pu réaliser pendant bientôt 15 ans. Le comble, c’est que le régime verse encore dans des promesses aux populations qu’il a laissées dans le dénuement total pendant des décennies.
Le folklore de Tabligbo…
Quand on évoque cette ville, la mémoire des Togolais fait appel au drame du 30 juin 2015 dans lequel ont péri les fils et filles de ce milieu, déjà pris en otage par une misère qui ne dit pas son nom. Tabligbo est une ville sinistrée, et cela, tout le monde le sait. Pourtant, c’est la localité où on extrait le clinker pour la fabrication du ciment et sont installées des usines pour ce faire. Mais les infrastructures dont dispose cette ville sont à compter au bout des doigts. Ce sont les expatriés, propriétaires de ces usines, qui font la loi dans la ville, faisant des autochtones leur marchepied. Les gens du milieu recrutés dans ces usines de cimenterie n’ont pas le droit de protester contre les conditions précaires de vie et de travail dans lesquelles ils vivent. La question est un tabou dans le milieu, de peur de susciter la colère de ces néocolons qui font la pluie et le beau temps à Tabligbo.
C’est cette ville où chaque pas d’une tortue soulève des tonnes de poussière que Faure Gnassingbé et son gouvernement ont choisie pour la tenue d’un Conseil des ministres la semaine dernière. Au-delà du supplice que cela constitue pour le contribuable togolais, l’on peut voir derrière le souci de reconquérir ces populations de Yoto aussi victimes de 50 ans de règne comme les autres préfectures du Togo.
L’exercice reste difficile pour le pouvoir. Malgré l’import-export et la lettre de mobilisation du préfet de la localité, Faure Gnassingbé a difficilement eu ce bain de foule qu’il affectionne. Quelques personnes seulement ont sacrifié à cette tradition dans laquelle le Prince a affiché un sourire forcé dans un nuage de poussière. Quant à la population de Yoto elle-même, tout semble indiquer qu’elle a compris le jeu. Elle n’est visiblement pas prête à faire du bruit autour de cette pré-campagne de ceux qui l’ont maintenue pendant des décennies dans la misère. Il est difficile pour une population affamée et opprimée de se précipiter pour applaudir, chanter et danser sous le chaud soleil. Surtout que ces dirigeants qui la sollicitent ne font rien pour rappeler à l’ordre les expatriés qui exploitent ses terres, mais lui refusent de tirer profit des fruits.
Un hôpital de référence à Agoè
Agoè, c’est l’autre localité qui paie le prix de son refus d’accorder un pouvoir à vie au régime des Gnassingbé. Durant ces deux dernières années, cette localité a vu beaucoup de ses filles et fils tomber sous les balles assassines du régime qui n’hésite pas à avoir recours aux armes pour faire taire ceux qui se dressent contre lui. Inutile de revenir ici sur les exactions des militaires et autres forces de l’ordre dans les quartiers d’Agoè depuis le 19 août 2017. Un grand nombre de jeunes ont déserté cette préfecture aujourd’hui. D’autres trainent encore les séquelles causées par la répression sauvage. Nombreuses sont ces familles qui pleurent toujours leurs morts.
Après avoir réussi à faire taire ces populations avec des armes, on n’y annonce la construction d’un hôpital de référence. Après le bâton, la carotte ? Sauf qu’ici, des citoyens restent toujours dubitatifs de ce qui va être fait, malgré le tapage médiatique autour de cet hôpital dit moderne. C’est d’ailleurs pour cause.
Faure Gnassingbé, par le passé, a posé de nombreuses pierres qui ont finalement disparu sous les herbes. Cela se fait d’habitude à la veille des élections présidentielles. Tout porte à croire que la supercherie va reprendre. Où en est-on aujourd’hui avec la construction de la ferme avicole dont la première pierre a été posée par Faure Gnassingbé en mars 2015 à Badja ? Il y a beaucoup d’autres projets qui sont laissés en suspens, après des cérémonies pompeuses présidées par le Prince lui-même. On ne peut les énumérer, tellement cet article ne peut les contenir.
Selon les informations, Faure Gnassingbé a promis, la semaine dernière, aux populations de Yoto l’aménagement d’une route dans la localité. D’ailleurs, ce n’est pas une première. Cette promesse a été déjà faite. Mais rien par la suite. On revient encore à la veille d’une autre élection présidentielle.
Aux populations de comprendre les dessous d’une telle agitation. Quant à l’hôpital de référence qui est devenu la nouvelle chanson aujourd’hui, les Togolais attendent de voir pour croire. En attendant, les mouroirs peuvent continuer de compter les cadavres des pauvres Togolais.
Source : L’Alternative No.777 du 22 février 2019
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