L’année 2024 n’aura pas changé grand-chose pour la majorité des Togolais. Tout au long de cette année, les tensions politiques et sociales ont été particulièrement exacerbées. Nombre de Togolais sont au bout du rouleau. Mais cela ne semble guère ébranler la volonté de Faure Gnassingbé et de la minorité qui se sont tracés la voie pour rester ad vitam æternam au pouvoir et continuer d’étendre leur mainmise sur les richesses du pays pendant que leurs concitoyens tirent le diable par la queue.
Au Togo, l’année 2024 a été riche en évènements sociopolitiques. Il faut dire que c’est une année charnière qui aurait vu Faure Gnassingbé au pouvoir depuis 2005, candidater ou non pour ce qui serait son dernier mandat. De la politique à l’économie en passant par le front social, cette année aura été marquée d’un sceau particulier par le régime togolais. Un régime qui affiche désormais sa volonté de rester indéfiniment à la tête du pays, montrant aux Togolais qu’ils ont été dupés durant des années écoulées. Ce faisant, le régime presque soixantenaire ménopausé n’hésite pas à ressortir ces méthodes d’une autre époque basées sur la violence politique et le maintien des populations dans la vulnérabilité. 2024 aura montré l’un des visages les plus sarcastiques d’un régime qui conduit le Togo droit dans le mur.
Climat politique délétère
C’était sans aucun doute une prémonition de ce qui attendait les Togolais en cette année 2024. En effet, l’année a commencé par l’annonce du décès, début janvier, de Monseigneur Philippe Fanoko Kpodzro, archevêque émérite de Lomé et l’une des figures de l’opposition togolaise, en Suède où il s’était exilé depuis 2020. Le prélat parti à 93 ans, aura consacré une bonne partie sa vie à la lutte pour l’alternance au Togo. Une alternance souhaitée ardemment et dont il ne sera pas témoin. « C’est une consternation et aussi un coup de tonnerre. C’est très douloureux. Nous sommes très affligés, surtout qu’il n’est pas au pays », a déclaré père Mélésoussou.
Quelques semaines plus tard, une autre mauvaise nouvelle est annoncée. Celle de la mort en exil de l’ancien premier ministre Agbeyomé Kodjo, obligé de quitter le pays après sa défaite lors de la présidentielle de 2020. Il était soutenu par Monseigneur Philippe Kpodzro. Les couleurs d’une année difficile sont annoncées.
Pendant que les Togolais cherchaient à apaiser leur douleur à la suite du décès de ces deux figures de la scène politique, ils seront poignardés dans le dos par le régime de Faure Gnassingbé qui a décidé de n’offrir aucun hommage aux illustres disparus.
Alors que le mandat des députés était arrivé à terme depuis décembre 2023, le régime a décidé de leur laisser quelques jours pour mettre en exécution leur plan savamment préparé. Ce que certains politiques ont qualifié de « coup d’État constitutionnel ». En effet, le 25 mars dans la nuit, les députés ont opéré un braquage constitutionnel, basculant, au travers d’une réforme, le pays qui était jusque-là dans un régime semi-présidentiel dans un régime parlementaire atypique. Un changement de la constitution ouvrant la voie à ce que le Chef de l’Etat, au pouvoir depuis 2005, se maintienne au pouvoir. Face à la polémique, une deuxième lecture du texte va être soumise aux députés. Mais cela n’a rien changé ou presque. Malgré la montée au créneau de l’opposition, le texte sera promulgué le 6 mai par Faure Gnassingbé.
Entre temps, les élections législatives et régionales ont été organisées. Comme à l’accoutumée, le parti au pouvoir s’est octroyé la majorité, laissant des miettes à l’opposition qui s’est retrouvée en tout et pour tout avec 5 sièges contre 108 à l’Union pour la République. Le vin est tiré. Mais une partie de l’opposition va refuser de le boire. L’ANC de Jean-Pierre Fabre et les FDR de Me Apevon Dodji, qui ont chacun un siège, ont décidé de ne pas aller à l’Assemblée nationale.
La conséquence de cette élection est la décision du premier ministre et de son gouvernement. Après plusieurs semaines d’attente, le premier ministre Victoire Dogbé sera reconduit avec une bonne partie de ses ministres pour conduire ce que les apparatchiks du régime appellent « une transition ». Un gouvernement chargé de baliser la voie pour le démarrage d’un nouveau pouvoir de Faure Gnassingbé visiblement décidé à battre le record de longévité au pouvoir de son défunt père.
Face à cette situation politique délétère, les classes opposantes ont essayé de contester la voie sans issue empruntée par le régime. Mais que nenni! Les tentatives de manifestations ont été étouffées dans l’œuf par la soldatesque et ses nervis à la solde du régime. Ils ont poussé le bouchon bien loin en s’attaquant violemment au député sénégalais et de la Cedeao Guy Marius Sagna qui séjournait à Lomé dans le cadre d’une session du Parlement de la Cedeao. Face au tollé, la police et le gouvernement se sont confondus dans un récit des faits à dormir debout.
Il faut dire que le régime togolais n’a cure des droits de l’homme. En 2024, ces derniers n’ont connu aucune évolution, selon un rapport du département d’État des États-Unis. Il note qu’« il n’y a pas eu de changement notable dans la situation des droits de l’homme au Togo ». Ce rapport a également mentionné des cas de tortures et de détentions arbitraires en complicité avec une justice corrompue souffrant d’une dépendance chronique vis-à-vis du pouvoir politique.
Une vie socioéconomique inquiétante
Sur le plan socioéconomique, les Togolais ne connaissent pas un meilleur sort. Malgré les déclarations enthousiastes des autorités togolaises et les chiffres tambourinés, sur le terrain, la situation économique est exsangue. Des grands acteurs économiques aux petits revendeurs en passant par les citoyens lambdas, tout le monde ressent les conséquences des choix économiques désastreux du régime qui affaiblissent l’économie et placent le pays sur la voie de la récession. Ce n’est donc pas étonnant que de nombreux Togolais voient leur pouvoir d’achat diminuer et le nombre de chômeurs s’accroitre. « Le chômage reste faible, notamment parce qu’une grande partie de la population n’a pas d’autre choix que de travailler pour subvenir à ses besoins », a indiqué la Banque mondiale dans un rapport sur l’emploi au Togo publié en juin 2024 avant d’ajouter que « de nombreux emplois sont peu productifs et peu rémunérateurs ».
C’est ainsi que de nombreux Togolais se retrouvent dans une vulnérabilité indicible. Certains sont obligés de faire recours aux dépotoirs pour se nourrir. En octobre dernier, les vidéos montrant les femmes et les hommes en train de ramasser le riz avarié sur un dépotoir intermédiaire à Agoe -Legbassito ont choqué l’opinion. Mais ces images sont révélatrices de la situation socio-économique du pays. Aujourd’hui, beaucoup de Togolais ont du mal à trouver un repas quotidien pendant que la minorité qui accapare les richesses du pays est dans l’opulence.
En juin, les inondations ont mis à nu la gouvernance atypique du pouvoir de Lomé. Sans nourriture et sans abris, les Togolais ont été laissés pour compte. Leur sort est confié à la providence dans un pays qui ne manque pourtant pas de moyens. Les nombreux prêts effectués sur le dos des contribuables n’ont pas été entièrement servis pour construire les infrastructures adéquates pour répondre aux besoins des populations. Elles se retrouvent donc livrer à elles-mêmes.
Mais les Togolais ne sont pas au bout de leur peine. Cette année aura été aussi marquée par des coupures d’électricité. Des ménages et des sociétés ont été privés d’électricité pendant plusieurs jours, engendrant des pertes économiques importantes. Le Nigeria, fournisseur du Togo, réclame au pays de Faure Gnassingbé des impayés.
Face à ces situations, de nombreux Togolais y ont laissé la vie. L’état des routes et les infrastructures, mélangés à la nervosité des usagers, ont été à l’origine de nombreux accidents. L’un des plus effroyables est l’effondrement, vendredi 13 décembre , de la passerelle d’Agoé-Zongo. Construit, il y a moins d’un an, l’édifice s’est écroulé comme un château de cartes à la suite d’une percussion d’un camion. Le bilan provisoire fait état de 08 morts et de 03 blessés graves. Des vies brisées et des familles marquées à jamais. Même si une enquête est ouverte, les conclusions semblent déjà écrites au regard des communiqués publiés par le gouvernement.
Sous la gouvernance de Faure Gnassingbé, les Togolais n’ont pas connu un meilleur sort en 2024. Les choses semblent se compliquer davantage pour bon nombre de nos concitoyens, étouffés par un régime obnubilé par sa volonté de rester indéfiniment à la tête du pays.
Lemy Egblongbéli
Source: lecorrecteur.tg
Source : 27Avril.com