« Les idées qui bouleversent le monde arrivent à pas feutrés de colombe »
Georg Wilhelm Friedrich Hegel
TIKPI ATCHADAM : LE TIERS ALTERNANT ?
Du long tunnel noir du paysage politique togolais semble poindre une lueur. Va-t-elle se concrétiser en lumière ? Elle semble néanmoins porteuse d’espoir pour le renouveau de la contestation politique au Togo. Elle se nomme Tikpi Atchadam du Parti National Panafricain (PNP) .
Meeting après meeting, le PNP et son président s’imposent comme une alternative crédible susceptible de rompre le face à face sclérosant et pour tout dire délétère entre un pouvoir dictatorial cinquantenaire usé jusqu’à la corde et une opposition divisée, sectaire, compromise de maintes façons qui a perdu la confiance du peuple togolais.
Loin de considérer le phénomène Atchadam comme une simple météorite qui, le temps d’un hivernage, aura zébré le ciel politique togolais, il convient d’analyser ce qui désormais apparaît comme une manifestation dotée d’une consistance propre.
Ce phénomène tient tout à la fois de l’originalité et de la profondeur de la proposition politique et de l’équation personnelle de celui qui la porte.
PNP : UNE DEMARCHE ORIGINALE ET CONSTRUCTIVE
D’abord et s’agissant du discours et de la vision programmatique, le PNP s’inscrit résolument dans une approche holistique de l’action politique. Résolument attaché aux réformes institutionnelles et à la nécessité d’une réelle alternance à la tête de l’État, le discours de ce parti a néanmoins le mérite d’aller beaucoup plus loin que le mantra obsessionnel du changement comme paradigme indépassable. S’impose ainsi une subtile vulgate qui propose au peuple, redevenu de plus en plus concerné, la voie de sortie de la double prise en otage que le pouvoir et l’opposition en place exercent sur lui.
Le deuxième axe du discours du PNP réside dans la capacité de ce parti à poser les bonnes questions avec la bonne profondeur et hauteur de vision dans un environnement panafricain. La prise en compte du Togo dans un espace africain et mondial du XXI°, les enjeux d’une réelle autonomie d’action et de décision, le souci de se libérer « enfin » de l’hydre coloniale, les moyens de l’appropriation des attributs réels de la souveraineté : la monnaie, une armée véritablement républicaine, une politique étrangère indépendante dans un environnement africain et panafricain repensé constituent l’arrière-fond d’un discours structuré que le peuple entend très bien du bout du cœur et de la pensée.
Un autre ressort de compréhension d’une véritable construction programmatique de fond réside dans la nature même du parti. Il s’agit d’un parti de masse qui jamais n’apparaît comme un parti de notables. Le reproche de parti tribal que certains observateurs et adversaires de mauvaise foi semble lui adresser ressemble plus à l’hommage du vice à la vertu et indique la compréhensible jalousie du compétiteur distancé. Il n’en demeure pas moins une voie dangereuse et sans issue. Le PNP a une base électorale et un ancrage régional. C’est le cas de tous les partis politiques au monde. Le succès grandissant de son audience et l’affluence grandissante aux meetings finiront par étouffer ces arguties intellectuellement irrecevables et politiquement irresponsables
Enfin, le PNP semble avoir pris la mesure des enjeux qui doivent structurer toute proposition politique et sociétale audible aujourd’hui. Ce parti fonctionne tout à la fois comme un acteur politique dans son rôle de participation à l’expression de la volonté populaire mais aussi et surtout comme un think-thank dans sa vision stratégique de conquête et d’exercice du pouvoir.
L’époque pose des questions essentielles ( géostratégie, armée, monnaie, intelligence économique..) qui engagent la survie même de nos jeunes nations. Des processus puissants sont en cours pour faire abandonner, par ignorance ou par pure indigence, tout le reste de nos traditions et coutumes qui constituent le substrat et la base de notre force. Céder sur ce front c’est accepter volontairement la perpétuation de l’exploitation et l’amorce de la recolonisation programmée de l’Afrique.
Le PNP semble avoir pris conscience de ces enjeux vitaux et tente de rompre avec la perpétuation de la polarisation délétère de la vie politique togolaise entre une dictature autoritaire et une opposition incompétente.
TIKPI ATCHADAM : VERS UN LEADERSHIP NATIONAL
Ensuite et s’agissant de l’incarnation, la figure de M. Atchadam est sans aucun doute un des ingrédients essentiels de la mayonnaise qui est en train de prendre. Tikpi Atchadam n’est certes pas un novice sur la scène politique togolaise qu’il accompagne depuis les années 90. Il paraît pourtant surprenamment « jeune » et d’une fraîcheur angélique. La raison en est simple : ce leader a accepté de se remettre en cause. Il a embrassé le chemin de l’humilité et a cessé, comme le font encore tant de leaders politiques togolais, d’« adorer la cause des conséquences qu’on déplore »(Bossuet). Et ces causes ont pour nom arrogance et compromission.
M. Atchadam ne commet pas l’erreur de prendre l’arène politique comme le lieu du salut et à ce titre ne vise pas l’avènement d’un homme providentiel et ne se considère pas comme tel. Ceci lui donne une force et lui fait éviter le rêve récurrent de l’homme politique de s’approprier des vertus démiurgiques capables de faire advenir le salut pour le peuple en privatisant le sacré en tout ou partie.
M. Atchadam ne dit jamais au peuple : «Prenez le pouvoir par l’insurrection et remettez-le-moi. Je ferai ce qu’il faut pour votre salut ». Son discours s’entend de façon très inclusive : « Prenons ensemble le pouvoir et construisons ensemble une nation prospère ». Cela fait une sacrée différence avec les discours des notabilités locales et emporte l’adhésion de ce peuple qu’on juge si léthargique et par certains aspects « lâche ».
M. Atchadam inscrit son action et son discours dans le champ du panafricanisme. Ce qui lui donne la profondeur et la hauteur de vue idoines. Comment aujourd’hui dans le monde mondialisé des réseaux sociaux et des échanges accélérées des personnes, d’idées, de biens, de services, articuler encore un discours exclusivement Togo-togolais, enfermé dans l’étroitesse des 56 milles km² du pays. Plus encore qu’une erreur, c’est une faute. M. Atchadam semble l’éviter. Il pense et appréhende le monde dans sa globalité et envisage la place et la survie du Togo dans ce monde. C’est méritoire.
Enfin, le discours du leader du PNP laisse entendre une prise en compte des préoccupations des citoyens et des pans entiers de la pensée collective laissés en déshérence. La formation idéologique du citoyen et une meilleure appréhension de son histoire comme leviers de tout développement. Le respect des traditions et mécanismes traditionnels de règlement des conflits ainsi que les expressions des religions et croyances nationales colorent son discours. Et cela fait mouche.
Cette prise en compte de l’homme et de tout l’homme togolais dans ses aspects sociétaux donnent une force et une cohérence au discours de M. Atchadam et le rapproche du peuple qui l’entend de plus en plus distinctement.
Le succès grandissant du PNP et de son leader n’est ni une émergence par défaut ni le fruit du hasard. Il s’agit sans doute de l’amorce d’une véritable rencontre entre un homme et un peuple. Cela s’appelle l’histoire en marche. Une véritable lame de fond ?
Espérons que l’espoir s’élargisse enfin pour le Togo et que la nouveauté s’impose, tant il est vrai que « ce n’est pas avec ceux qui ont créé les problèmes qu’il faut espérer les résoudre » (Einstein).
Jean-Baptiste K.
www.icilome.com