Juriste et Anthropologue, Adepte de Cheick Anta Diop ; « Diopiste jusque dans la moelle » comme il aime se définir, Tikpi Salifou Atchadam, le Président du Parti National Panafricain (PNP) devrait paraître aujourd’hui comme une étoile montante de la sphère politique togolaise, sinon symboliser le nouveau venu sur le terrain politique au Togo. Mais l’homme tient à lever l’équivoque : « Les gens ont tendance à confondre l’âge de notre parti et notre âge politique. Moi, je suis debout depuis 1987. Politiquement, je n’ai pas l’âge du PNP ».
Excellent orateur, harangueur de foules avec une éloquence politique assurée, une rhétorique bien maîtrisée, Tikpi Atchadam bouscule tous les codes préétablis et redistribue les cartes. Peut-être un anti-conformiste, il ne fait pas la même lecture politique que ses pairs de l’opposition : « Nous ne parlons plus de réformes, mais nous exigeons le retour à la Constitution de 1992 et le vote de la diaspora ou bien le départ de la minorité au pouvoir. Voilà notre position et elle est claire ». Voici l’interview !
Indépendant Express : Tikpi Atchadam, Bonjour, le PNP semble s’inscrire dans une ligne dure contre le régime togolais. Vous appelez souvent à s’affranchir de la peur pour se libérer du pouvoir en place. « Qu’on soit dans cette situation, oui ils sont responsables. Mais qu’on y reste pendant longtemps alors c’est nous qui sommes responsables », dites-vous lors d’un meeting. M. ATCHADAM, quelle alternative pour sortir le pays de la situation que vous dénoncez ?
Tikpi Atchadam : Merci pour l’opportunité que vous me donnez. Votre question m’amène à faire connaître ou à rappeler la position du PNP. Pour le Parti National Panafricain, après avoir lutté pour obtenir les réformes, après avoir exigé les réformes, et comme aujourd’hui le pouvoir ne parle plus de réformes, et parle de la 5e République, pour le PNP, il ne s’agit plus de réformes. Nous ne parlons donc plus de réformes, mais nous exigeons le retour à la Constitution de 1992 et le vote de la diaspora ou bien le départ de la minorité au pouvoir. Voilà notre position et elle est claire.
Mais depuis quelques jours, des débats ont été ouverts l’Assemblée Nationale sur la question des réformes. Est-ce à dire que le PNP ne croit pas à tout ce qui se fait au Parlement ?
Nous n’avons jamais cru à ça. Jamais ! Vous savez, le RPT/UNIR n’a jamais changé de fonctionnement. Car, je connais le système depuis longtemps et je sais comment il fonctionne. Quand on veut faire avancer les choses, le RPT oppose un non catégorique. Et quand il a des difficultés, il crée une commission. Quand il a des difficultés avec la commission, il demande un dialogue. Quand vous arrivez au dialogue, il fait tout pour bloquer le consensus. S’il ne peut pas bloquer le consensus, de guerre lasse, il accepte l’accord qu’il signe mais qu’il ne va jamais respecter. Il revient en ce moment au non catégorique. Alors quand on comprend ça, on ne peut pas rester assis quelque part et tendre l’oreille à l’Assemblée Nationale. Nous n’avons jamais cru à ce débat à l’Assemblée Nationale et nous ne sommes pas surpris des résultats. Qu’est-ce que les gens attendaient ? Par quelle magie veulent-ils obtenir les réformes à l’Assemblée Nationale alors que le RPT/UNIR compte sur sa majorité mécanique ? En tout cas, le PNP n’a jamais cru à cela.
Sans les réformes, vous exigez le départ de la minorité au pouvoir ?
Je dis qu’on ne parle plus de réformes. Nous exigeons le retour à la Constitution de 1992, le vote de la diaspora ou bien le départ de Faure (Faure Gnassingbé, ndlr) du pouvoir.
Avez-vous les moyens pour faire partir Faure Gnassingbé ?
Les moyens pour faire partir un dictateur, c’est la rue, c’est les manifestations publiques pacifiques. Nous avons commencé par mobiliser et j’espère que vous suivez ce que le PNP est en train de faire. Nous avançons, nous évoluons, et on verra ce que ça va donner. Mais nous sommes confiants par rapport à ce que nous sommes en train de faire.
Au micro d’un de nos confrères, vous déclariez : « Ce n’est pas parce que la rue n’a pas réussi en 2005, qu’elle ne peut pas réussir en 2017. Nous pensons que le peuple togolais peut refaire la même chose, parce que qui a pu, peut ». Or pour Gilchrist Olympio, le combat politique ne doit plus s’exprimer dans la rue.
Gilchrist Olympio, nous ne le considérons pas comme un expert politique. Parce que Gilchrist n’est plus capable de mobiliser, il dit qu’il ne faut pas passer par la rue, c’est aussi simple que ça. Du moment où Gilchrist OLYMPIO mobilisait la rue, il disait la rue, c’était le moyen. Nous respectons sa pensée, sa façon de voir les choses, mais cela n’engage pas le PNP.
Que pensez-vous alors du débat sur la décentralisation ?
Nous parlons de la Constitution de 1992. Tout cela emporte des questions relatives au mode de scrutin, le découpage électoral, le fichier électoral…, il y a beaucoup de problèmes en suspens à régler quand on va revenir à la Constitution de 1992 qui règle de manière fondamentale la question. C’est pour cela que nous exigeons le retour à la Constitution de 1992, vote de la diaspora ou bien le départ de Faure Gnassingbé. Vous allez aux locales ou aux législatives avec quelles règles du jeu ? Le jeu n’est pas loyal. L’opposition a toujours gagné les élections, mais le processus étant tel qu’il est, verrouillé, vicié, l’opposition n’a pas pris le pouvoir. Il faut changer de stratégie et mettre le doigt là où il faut, c’est-à-dire le retour à la Constitution de 1992, le vote de la diaspora ou bien, on se mobilise pour les faire partir. Qu’est-ce qui nous oblige à rester enchaîner ? Il faut couper les chaînes.
Pour l’instant, Faure Gnassingbé est encore au pouvoir, et en 2020, il bouclera son 3e mandat. Quelle sera l’attitude du PNP s’il reste dans la compétition pour un 4e mandat ?
Je vous parle de 2017, et vous me parlez de 2020. Il faut en finir en 2017.
Donc Faure Gnassingbé partira en 2017 ?
Le résultat de la gouvernance Faure n’est pas positif, au contraire ; c’est un échec total. Les Togolais plongent chaque jour dans la misère. Qu’il ramène la Constitution de 1992 et après, on verra. Nous ne parlons pas de 2020. Nous disons que s’il n’accepte pas la revendication populaire selon laquelle, il doit ramener la Constitution de 1992, il faudra se soulever et l’obliger à partir, et vous me parlez de 2020 ?
Tikpi Atchadam, le PNP est financé par le pouvoir RPT/UNIR ?
Parce que le PNP marche très bien, parce que nous mobilisons des foules, on cherche à savoir qui nous finance. Si c’est l’argent qui fait la mobilisation, les autres partis sont plus riches que nous, pourquoi ils ne mobilisent pas. Le RPT est plus riche que tous les partis politiques, si c’est l’argent qui mobilise…vous savez, le PNP à des militants qui ne sont pas venus par l’argent. Ils sont venus par leur cœur, ils sont venus par leur conscience, par leur réflexion parce qu’ils écoutent et ils adhèrent à la position du PNP. Ce que le parti pense et veut du Togo. Ce sont eux plutôt qui contribuent au PNP. Il y en a qui disent que c’est les Barrons qui nous financent.
Les gens ont tendance à confondre l’âge de notre parti et notre âge politique. Moi, je suis debout depuis 1987. Politiquement, je n’ai pas l’âge du PNP. On ne va pas me dire aujourd’hui que je vais chercher de l’argent chez Faure ou UNIR alors que je ne l’ai pas fait du temps d’Eyadéma où on donnait des cartons. J’ai toujours répété aux gens que je suis venu à Lomé pour chercher de l’argent, mais je ne suis pas venu sur terre pour l’argent. Si c’est l’argent qui compte, les autres sont plus riches que nous, alors, qu’ils mobilisent. Le RPT financerait-il une structure contre ses propres intérêts ?
Le stade municipal de Sokodé a fait le plein le 13 mai dernier lors de votre meeting. Quel sentiment vous anime aujourd’hui quand vous revoyez les images de ce meeting ?
Ça nous donne encore espoir. Ça nous donne espoir que les Togolais peuvent encore se mettre debout ; c’est-à-dire qu’on sent que les Togolais, au moment où, les gens disent qu’ils sont fatigués, ils ont montré qu’ils sont capables de rebondir. Ceci démontre aussi qu’ils ont confiance au PNP et cela nous permet de redoubler d’efforts.
Mais il faut aussi souligner que ce meeting a été tenu à Sokodé, et l’engouement autour de vous fait dire que le PNP est un parti régional
Si vous êtes venus vers moi, c’est pour que je parle. Et pour connaître quelqu’un, il faut l’écouter. Le PNP parle et vous l’écoutez. Mais, au lieu d’évaluer le PNP sur ce qu’il dit, on essaie de chercher mon origine. D’où vient-il ? Au lieu de m’écouter, les gens regardent mes signes distinctifs. Le terrain sur lequel nous attendons les autres partis, c’est de discuter de ce que nous disons. Nous disons retour à la Constitution de 1992 ou le départ de Faure Gnassingbé, nous disons mobilisation et il faut que chaque parti travaille, qu’il fasse une démonstration de sa capacité à mobiliser avant qu’on se mette ensemble pour chasser ce régime. C’est sur ce terrain que nous attendons les contradicteurs éventuels. Maintenant, en termes de meetings, il y a eu neuf (9) à Lomé, à Sokodé, on était au 3e meeting.
Mais Sokodé est quand même votre ville d’origine et donc vous aurez une meilleure implantation dans cette ville, pour ne pas dire, votre fief, le fief du PNP
Je rappelle que Sokodé a été une ville de multipartisme, disons la région centrale en général. Même aujourd’hui, l’ANC a un député à Bafilo et à Sokodé. UNIR à un député. Donc, c’est des villes où vous avez des députés élus de différents partis politiques. Vous n’avez pas le même schéma à Vogan ou à Tabligbo. Vous n’avez pas le même schéma à Aného. Ils ont porté Djobo BOUKARI, ils ont porté Gilchrist OLYMPIO, ils ont porté Me AGBOYIBO, c’est pour cela aussi que AGBOYIBO était majoritaire à l’Assemblée Nationale (législatives de 1994, ndlr). Ils ont porté tous les autres partis de l’opposition. Et quand Zarifou AYEVA a changé de position, ils l’ont lâché. Il y a d’autres partis politiques dirigés par des Tem comme moi et qu’ils n’ont pas supportés. Les gens ne me supportent pas parce que je suis de Sokodé. Dans mon discours, est-ce que je me tiens sur le podium pour dire : « Je suis Tem, suivez-moi » ? Non ! Je produis un discours politique. Donc, je pense que ce que nous attendons de nos contradicteurs, c’est de nous attaquer sur nos propositions, sur nos idées. C’est à partir des idées qu’il faut apprécier les gens. De grâce, que les gens m’écoutent au lieu de regarder mes signes distinctifs.
Le PNP de Atchadam est le sosie politique de l’ANC de Fabre?
C’est quoi « sosie de » ? Nous n’avons rien à avoir avec l’ANC. « Sosie de » ? C’est parce que c’est Jean-Pierre Fabre qui m’a formé politiquement ? Parce que je suis issu de l’ANC ou de l’UFC ? Je n’ai jamais fait partie de l’UFC. Jean-Pierre Fabre est un produit de l’UFC. Je n’ai jamais travaillé à l’UFC. C’est des rapprochements qui ne tiennent pas. C’est un habillage trop forcé.
Quelles sont aujourd’hui vos relations avec le Chef de file de l’opposition ?
Nous l’avons approché avant les élections de 2015. Nous lui ont avons apporté nos propositions. Il n’a pas accédé à nos propositions. Nous lui avons écrit une lettre dans laquelle, nous l’avons désigné comme Leader de l’opposition avant qu’on le reconnaissance officiellement, Leader de l’opposition. Il a répondu de façon lapidaire à notre lettre. Nous avons compris que pour Jean-Pierre Fabre, il fallait être patient et puis aller régulièrement le voir, discuter avec lui, prendre le temps de le convaincre. Le PNP n’a pas été créé en soutien à un autre parti. Il est créé pour accéder au pouvoir et l’exercer en tant que parti politique. Le PNP n’est pas une association. A partir du moment où nous lui avons apporté nos propositions, nous, nous continuons notre travail.
Avril dernier, vous aviez effectué une tournée européenne. Quel était le message pour la diaspora togolaise ?
Le bilan de gouvernance au Togo au triple plan politique, économique et social et la position du PNP. C’est ce que nous avons rapporté à la diaspora togolaise. Nous avons rencontré une diaspora debout, une diaspora oreille ouverte et, nous pensons l’avoir convaincue, parce qu’au moment où nous voulons que les gens se mettent debout, dehors dans le cadre d’une manifestation bien organisée, respectueuse des lois, il faut que la diaspora aussi se mette debout partout où les Togolais se trouvent. On a échangé avec eux, je crois qu’on s’est compris.
Panafricaniste avisé, Tikpi Atchadam, que pensez-vous du franc CFA ?
Le franc CFA n’est pas une monnaie pour le développement de l’Afrique. De mémoire d’homme, aucun État ne s’est développé sur la base d’une monnaie étrangère. Nous dépensons une monnaie qui est frappée dans un village en France. Quel État accepte une monnaie frappée ailleurs ? Quand on devient souverain, vous avez votre hymne, votre drapeau, la première des choses qu’il faut avoir, c’est la monnaie. Le Maghreb s’est battu, même militairement, il y a eu des morts. C’est pourquoi le Maghreb est différent. Le franc CFA n’est pas une monnaie de développement.
Pour finir, un mot sur la situation économique du pays.
Catastrophe ! C’est un fiasco total. C’est honteux. Chômage endémique, pauvreté endémique, les gens continuent de quitter le pays. Vous êtes le seul pays où les citoyens de l’extérieur sont plus nombreux que les citoyens à l’intérieur. C’est scandaleux. Un fiasco total de la gouvernance RPT/UNIR depuis plus de 50 ans.
Tikpi Salifou Atchadam, Merci
C’est moi qui vous remercie
Interview Réalisée par Sylvestre K. Beni
Source : L’Independant Express
27Avril.com