Le groupe djihadiste Boko Haram est actif dans le nord-est du Nigeria depuis plus d’une décennie.
Le président nigérian, Muhammadu Buhari, déclare que, grâce à son gouvernement, les djihadistes ne contrôlent plus des localités dans le pays.
Mais ses adversaires politiques ne partagent pas son avis. Ils estiment que la situation sécuritaire s’est récemment détériorée à cause des attaques et des enlèvements commis par Boko Haram.
A quelques jours des élections du 16 février au Nigeria, BBC Reality Check, le service de fact-checking de la BBC, a examiné les déclarations – celles du pouvoir et de l’opposition – concernant la situation sécuritaire du Nigeria.
Qu’est-ce que Boko Haram ?
Créé vers 2002 en tant qu’organisation « non violente », dans le but de purifier l’islam dans le nord du Nigeria, Boko Haram s’est lentement radicalisé. Il a ensuite adopté des tactiques militaires pour poursuivre ses objectifs.
Il a été actif non seulement au Nigeria, mais aussi dans les pays voisins, le Tchad, le Niger et le Cameroun.
Des dizaines de milliers de civils ont été tués, et plus de deux millions de personnes ont été déplacées au cours de la dernière décennie, à cause de Boko Haram.
Le groupe s’est rendu célèbre avec les enlèvements menés dans les établissements scolaires. Il a attiré l’attention des médias du monde entier en 2014, lorsque ses combattants ont enlevé près de 300 filles dans un lycée de la ville de Chibok, à Borno, l’État où il est le plus actif.
Selon l’Institute for Economics and Peace, basé à Sydney, en Australie, Boko Haram a été le groupe terroriste le plus meurtrier du monde en 2015. Ses militants restent actifs dans la région et défient les tentatives de l’armée nigériane visant à mettre fin à l’insurrection.
En 2018, plus de 100 écolières ont été enlevées dans la ville de Dapchi, située dans le nord du pays. La plupart d’entre elles ont été ensuite libérées.
Atiku a finalement signé le pacte nigérian
L’ancien président nigérian, Olusegun Obasanjo, qui soutient le principal candidat de l’opposition, Atiku Abubakar, a vivement critiqué le bilan du président Muhammadu Buhari concernant la lutte contre Boko Haram.
« La situation en matière de sécurité s’est détériorée, avec des enlèvements partout », a déclaré M. Obasanjo en janvier dernier.
Mais le président Buhari voit les choses autrement. Il déclare que les djihadistes ont été « neutralisés ».
Quelles sont les données disponibles sur les attaques et les enlèvements de Boko Haram ?
Plus de deux millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays à cause des exactions commises par Boko Haram, selon les Nations unies
Les attaques de Boko Haram ont-elles baissé ?
L’insécurité et le manque de moyens de communication dans les zones rurales rendent l’évaluation particulièrement difficile, tant pour le gouvernement que pour les organisations indépendantes.
Il faut noter que de nombreux incidents dans lesquels le groupe djihadiste est impliqué ne sont pas signalés et passent inaperçus.
Le Bureau national des statistiques du Nigeria fournit au public des données à caractère économique, social et sécuritaire recueillies au Nigeria. Mais une source proche de cet organisme a déclaré à la BBC qu’il ne dispose pas de données sur les activités de Boko Haram.
Toutefois, des recherches menées ça et là permettent de suivre l’information sur les enlèvements au Nigeria, avec un monitoring des médias locaux et d’autres sources d’information.
Les conflits communautaires plus meurtriers que Boko Haram
Après un record de plus de 5.000 morts en 2015, le nombre de décès causés par Boko Haram a chuté de manière significative, s’élevant à moins de mille par an, au cours des trois dernières années.
Cette baisse a été enregistrée à la suite d’une campagne militaire lancée contre Boko Haram en 2015 par le gouvernement nigérian, avec le soutien de la communauté internationale.
De vastes étendues de territoire contrôlées par le groupe djihadiste ont été reprises par l’armée nigériane au cours de cette offensive.
La question de Boko Haram est l’un des principaux thèmes à aborder par les quelque 70 candidats à l’élection présidentielle, notamment Muhammadu Buhari et Atiku Abubakar.
Le président Buhari a raison de dire que les assassinats commis par les djihadistes ont considérablement baissé depuis son arrivée au pouvoir en 2015.
Mais les attaques n’ont pas été complètement éradiquées, et il y en a eu plusieurs au cours des premières semaines de 2019.
« En ce qui concerne la situation actuelle, je pense que la tendance actuelle est assez dangereuse, et les [djihadistes] sont loin d’être vaincus », déclare Alex Thurston, professeur de science politique à l’Université de Miami (Etats-Unis).
Et les enlèvements ?
Le Nigeria Security Tracker, utilisé par le Council of Foreign Relations (CFR) de Washington, procède à un monitoring des enlèvements, par le biais des médias locaux.
L’ancienne ministre Obiageli Ezekwesili, à la pointe du mouvement pour la libération des lycéennes enlevées à Chibok en 2014, a retiré sa candidature à l’élection présidentielle du 16 février.
Ces chiffres indiquent un record du nombre d’enlèvements en 2014 et 2015, lorsque Boko Haram en était à son apogée militaire.
Toutefois, malgré une chute spectaculaire du nombre d’enlèvements signalés en 2016, les prises d’otage ne cessent d’augmenter, avec 310 personnes enlevées en 2018.
L’une des explications données de cette augmentation, c’est que, au fur et à mesure que Boko Haram perd du terrain et de l’influence militaire, il se détourne de la confrontation directe avec les forces de sécurité.
Les djihadistes visent les cibles faciles, notamment les écoles et les villages, où ils prennent des otages.
M. Obasanjo a raison, sur cette base, de dire que « la situation sécuritaire s’est détériorée avec les enlèvements commis partout ». Il a raison en ce sens que le nombre d’enlèvements est en hausse. Il a raison aussi dans la mesure où il y a eu des enlèvements de masse, comme celui de plus de 100 écolières à Dapchi, en 2018.
Au Nigeria, la mainmise des « parrains » sur le jeu politique
L’ampleur des exactions est d’autant plus importante que Boko Haram utilise des enfants comme kamikazes. Pour 2017 et 2018, il y a eu respectivement 77 et 26 enfants utilisés de cette façon par les djihadistes. En 2016, neuf enfants ont été utilisés comme kamikazes, selon l’Unicef.
Existe-t-il des enlèvements « partout » ?
Il n’y a manifestement pas d’enlèvements partout au Nigeria, dans la mesure où Boko Haram opère presque exclusivement dans le nord-est du pays.
Des enlèvements ont été régulièrement signalés dans la région du delta du Niger, riche en pétrole, mais ils ne sont pas le fait de Boko Haram.
La cartographie des enlèvements démontre que les rapts ne sont pas commis « partout » dans le pays, comme le laisse croire M. Obasanjo.
L’analyse des activités de Boko Haram dans le nord-est du Nigeria montre que l’activité militaire du groupe est en perte de vitesse. Mais ce constat se double d’une récente hausse des enlèvements…
Source : www.cameroonweb.com