L’affaire des élèves mis en prison au cours de la dernière grève des enseignants n’en finit pas de défrayer la chronique. Après la libération de ces élèves suite aux diverses pressions, les autorités locales ont jeté leur dévolu sur cinq personnes jetées en prison depuis plusieurs semaines. Tout a l’air d’un règlement de compte que l’on tente d’habiller par des motifs fallacieux.
Gbansar Nibtang, Douti Kadjlin, Dankour Limong-Yo, Dankour Kanatin et Kombaté Seydou croupissent en prison depuis des semaines, par la volonté du Préfet, du juge et du chef du village de Yembour. Leur crime, avoir demandé aux parents d’élèves, devant le chef, de refuser de payer les frais des dégâts sans un engagement écrit du préfet. Mais l’affaire ne se limite pas uniquement à ce refus.
Kombaté Seydou, présenté comme le cerveau des meneurs, livre son témoignage de l’affaire : « Bonjour, je suis Kombaté Barimbité Seydou. J’ai quitté Lomé le 27 mars 2017 dans l’après-midi. Je suis arrivé au village le 28 à 4h du matin. J’ai appris qu’il y avait une réunion des parents d’élèves qui devait se tenir le même jour suite aux trois élèves qu’on avait arrêtés. Je me suis dit que je vais assister à cette réunion. Arrivé à 9 h, les parents d’élève et le chef étaient présents. Le chef a pris la parole, affirmant que la libération des élèves était promise par le préfet et le juge contre une somme de 1 600 000 francs CFA de frais de dégâts que les élèves devaient payer. Cette somme devait être payée au plus tard le 9 avril. Après cette déclaration du chef, il y a eu quatre personnes qui ont pris la parole avant moi. Ces parents ont affirmé que s’ils doivent payer la somme, il leur faut une note écrite et signée du préfet et du juge. En plus, ils ajoutent que les élèves n’ont pas été libérés par le préfet et le juge, mais par un inconnu qui leur a remis chacun 10 mille francs pour leur transport. C’est en ce moment que j’ai demandé la parole et j’ai dit au chef d’écouter ses administrés, c’est-à-dire de transmettre les préoccupations des parents d’élèves au préfet et au juge. Le chef reprend la parole et me demande si c’est pour cela que je suis venu. Je lui ait dit non, mais que c’est mon point de vue. Il m’accuse alors d’être celui qui excite les parents d’élèves à refuser de payer.
La réunion a failli dégénérer, et moi j’ai quitté les lieux pour éviter des problèmes, parce que je suis arrivé au village, non pas pour le problème des élèves, mais pour un problème de terrain que je devais régler. Le lendemain jeudi 29 mars, je m’étais rendu sur le terrain avec mon oncle. Sur les lieux, j’ai constaté que le préfet avait ordonné de borner le terrain qui nous appartenait et qu’il y avait déjà deux maisons construites sur le lieu et habitées. J’ai pensé à un avocat pour nous défendre parce que le terrain n’était pas une réserve administrative.
Le lundi 3 avril, je devais retourner à Lomé en début d’après-midi. A quelques heures de mon départ, on m’appelle sur mon portable que Douti Kandjome et son enfant ont eu une convocation du préfet et qu’ils devaient se présenter le mardi 4 avril. Je leur ai dit de ne pas s’inquieter et que je vais annuler mon voyage. Je me rends chez eux et je reçois aussi un appel du chef du village qui cherchait à savoir où je suis. Je lui ai répondu que j’étais avec mon frère et son fils qui venaient d’avoir une convocation du préfet dans l’affaire de terrain. Le chef envoie ensuite un émissaire vers moi qui me tend une convocation. Le lendemain, on se rend à la convocation du préfet. Arrivés sur les lieux, le préfet très en colère, nous fait savoir que le terrain est une réserve administrative. J’ai alors pris la parole pour lui dire que non, que nous sommes les propriétaires du terrain et que l’Etat ne nous a jamais signifié avoir pris ce domaine. Je lui ai ensuite demandé s’il avait les preuves que l’Etat est propriétaire. Il se met de nouveau en colère et me traite de hautin, que je suis devant une autorité. Je lui aie répondu que c’est à cause de nous que les autorités sont là. C’est là qu’il appelle le lieutenant de la gendarmerie de Bombouaka en me disant que c’est fini pour moi, qu’il va m’enfermer et que je ne sortirai pas de la prison. Arrivé, le lieutenant me demande si c’est moi Seydou, je réponds oui, et il me dit qu’on me cherchait depuis et que je suis tombé dans leur piège. Il appelle l’agent de venir me chercher. Il m’informe que c’est l’agent qui s’occupera personnellement de mon procès-verbal et me demande si à mon arrivée au village, je me suis rendu à la réunion des parents d’élèves. J’ai répondu oui, et il me demande ce que j’avais dit à la réunion. Je lui ai relaté ma position. Il me demande si c’est pour la question des élèves que je suis rentré au village, et j’ai répondu que non, c’est pour l’affaire de terrain que je suis là. Il me fait alors savoir que dans leur enquête, des gens ont monté les élèves depuis Lomé et j’en suis l’auteur. Je lui demande alors si c’est moi qui suis aussi l’auteur de la grève des enseignants ou de tout ce qui se passe dans le pays. Arrivé à la gendarmerie, on me demande encore ce qui m’a fait venir au village. Je réponds que c’est l’affaire de terrain, et les gendarmes de dire non, que c’est l’affaire des élèves. Ils insistent et je leur réponds que si c’est l’affaire des élèves, alors que fait le vieux et son enfant à la gendarmerie. Sont-ils aussi impliqués dans l’affaire des élèves ? Embarrassés, ils me demandent si c’est mon problème. Le lieutenant demande aux agents de libérer le vieux et son enfant. Après deux heures de temps, je suis déféré à la prison».
Voilà comment le sieur Kombaté Seydou s’est retrouvé en prison, accusé avec d’autres d’avoir incité les parents d’élèves à exiger un engagement écrit et signé du préfet et du juge avant le remboursement des 1 600 000 F CFA. Leur procès est prévu pour le 26 mai prochain. Tout porte à croire que c’est un règlement de comptes dont les auteurs ne sont autres que le chef du village qui n’a pas apprécié l’intervention de Kombate Seydou lors de la réunion et le préfet qui estime que son autorité a été défiée par ce dernier.
On le voit bien, au Togo pays dit démocratique, un préfet peut se permettre d’envoyer un citoyen croupir en prison sur la base de ses humeurs. Les cinq personnes sont détenues à la prison de Dapaong depuis plus d’un mois déjà, sans assistance de leurs parents restés à Tandjouaré.
En rappel, la région des Savanes avait connu des mouvements d’humeurs des élèves lors de la grève des enseignants et des élèves du village de Yembour avaient été appréhendés suite à des violences suivies de dégradations des biens publics. Jetés en prison, ils ont été libérés des semaines plus tard suite à des pressions des ONG. C’est donc le coût de ces dégâts que les autorités locales veulent faire payer aux parents.
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