@L’Alternative
Décédé le 26 septembre dernier à l’âge de 86 ans suite à une longue maladie, l’ancien président français, Jacques Chirac, a été inhumé ce lundi 30 septembre au cimetière de Montparnasse après un hommage populaire aux Invalides et une messe en l’Eglise Saint Sulpice de Paris. Environ 69 chefs d’Etat et de gouvernement et d’anciens présidents se sont rendus à Paris pour rendre hommage à celui qui aura marqué pendant 40 ans la politique française et 12 ans à la tête du pays.
Jacques Chirac, malgré les affaires, est resté populaire auprès de ses compatriotes. En revanche, en Afrique francophone où il était sur tous les fronts pour imposer les dictateurs à la tête des pays, parfois au prix de milliers de morts, comme au Togo, au Congo Brazzaville, en Côte d’Ivoire etc. il est décrit comme l’un des plus grands fossoyeurs de la démocratie. C’est aussi l’un des grands piliers de la France-Afrique qui vient de s’éteindre.
J a c qu e s Ch ir a c – Gnassingbé Eyadéma unis pour la vie
Parmi les 69 chefs d’Etat qui se sont rendus en France, on a identifié quelques Africains, particulièrement Faure Gnassingbé du Togo, Sassou N’Guesso du Congo, Obiang N’Guema Mbassogo de la Guinée équatoriale. Des dirigeants qui doivent leur pouvoir à l’ancien chef de l’Etat français, d’où la raison de leur présence à Paris. Pour la première fois, la majorité des chefs d’Etat africains qui ne doivent rien à Jacques Chirac sont restés à la maison. Et c’est tant mieux pour les maigres sous des contribuables. Si en France l’hommage à l’ancien président a été populaire, en Afrique dont on dit qu’il était proche, ce sont beaucoup plus certains chefs d’Etat qui en ont rendu au disparu. Pour les Africains ordinaires, Jacques Chirac reste un ami des dirigeants autocrates et un grand fossoyeur de la démocratie naissante sous les tropiques. Les Togolais en lutte pour la démocratie ne sont pas du tout tendres envers l’ancien chef d’Etat français qui a tout fait pour maintenir celui qu’il nommait son ‘’ami personnel’’ , Gnassingbé Eyadema au pouvoir, et pire, imposer son fils Faure dans un bain de sang jamais vu au Togo. Il est de notoriété publique que l’ensemble des politiques français, pour contourner les lois de leurs pays, viennent chercher les financements pour leurs campagnes électorales en Afrique. Les sous-préfets illégitimes sous les tropiques ne se font pas prier pour vider les caisses au profit de leurs patrons de la métropole. « La République des Mallettes » de Pierre Pean nous en dit long sur les méandres de ces financements occultes. Gnassingbé Eyadema n’était pas du reste, même si ses actions curieusement passaient sous les radars des médias français beaucoup plus orientés vers les Sassou, Bongo, Biya et autres. Déjà en 1981, le Togo avait contribué à la campagne électorale de François Mitterrand. Mais c’est beaucoup plus avec Jacques Chirac que Gnassingbé Eyadema aura réussi à construire une amitié particulière. Une amitié basée certainement sur les intérêts occultes et particulièrement l’argent, comme les milliards convoyés en 1995 à Paris à bord de l’avion présidentiel alors que le bénéficiaire encore à la mairie de Paris s’apprêtait à se lancer dans la campagne électorale pour la présidentielle. Une fois parvenu à l’Elysée, après avoir éliminé son principal adversaire de la droite Edouard Balladur, Jacques Chirac ses mis à renvoyer l’ascenseur à se amis dictateurs sous les tropiques. En juin 1998, Gnassingbé Eyadema perd la présidentielle face à Gilchrist Olympio. Face à l’ampleur de sa défaite, un coup de force est organisé avec un scénario rocambolesque, poussant la présidente de la CENI à prendre la poudre d’escampette, créant ainsi une crise artificielle qui permet au ministre de l’Intérieur de proclamer des résultats tronqués le donnant Eyadéma vainqueur à 52, 13%. Une crise politique s’installe, conduisant les acteurs politiques au dialogue et à la signature de l’Accord Cadre de Lomé. En juillet 1999, quelques mois après la signature de l’ACL qui commençait déjà à battre de l’aile, comme tous les autres accords, Jacques Chirac s’amène à Lomé pour voler au secours de son ami Gnassingbé Eyadema. Ce dernier, en présence de Jacques Chirac et devant les médias du monde, déclare qu’il ne modifiera pas la constitution pour se présenter à la prochaine présidentielle et qu’il donnait sa parole de militaire comme une garantie. En 2002 à la surprise générale, Gnassingbé Eyadema renonce à sa parole de militaire et modifie la Constitution, avec le soutien de Jacques Chirac, pour se maintenir au pouvoir jusqu’à son décès en février 2005.
O lu se gu n O ba sa nj o un virage spectaculaire suite aux promesses de Jacques Chirac
Lorsque Gnassingbé Eyadema meurt en 2005, c’est naturellement Jacques Chirac qui s’invite dans les médias et déclare « avoir perdu un ami personnel ». Il s’ensuit un tour de passe-passe jamais vu en Afrique pour imposer Faure Gnassingbé. Les acteurs de ce complot sont Olusegun Obasanjo, alors président de Union Africaine, Mamadou Tandja, président de la CEDEAO, Mohamed Ibn Chambas, président de la Commission de la CEDEAO, Aïchatou Mindaoudou, ministre des Affaires étrangères du Niger, une femme aux mœurs très légères, Adrienne Diop, haut fonctionnaire de la CEDEAO, Omar Bongo, Blaise Compaoré et Jacques Chirac. L’allégeance de la hiérarchie militaire à Faure quelques heures après le décès de son père et en violation des dispositions de la Constitution, avait provoqué une colère du président nigérian, alors président en exercice de l’Union Africaine. Face à la furie du président du Nigeria, une mission d’explication de la prise du pouvoir par Faure Gnassingbé a été dépêchée au Nigeria. La mission conduite par le Général Assani Tidjani, a passé un moment d’enfer devant Olusegun Obasanjo qui exigeait le débarquement de Faure de la présidence, au risque d’un blocus des côtes togolaises. La mission envoyée chez Mamadou Tandja a été aussi proprement rudoyée. C’est en ce moment que Jacques Chirac entre en jeu pour retourner la situation en faveur des putschistes, c’est-à-dire Faure Gnassingbé qui accepte de quitter la présidence, mais va revenir en force par un holp-up électoral avec l’appui de ses généraux.
Si les dirigeants francophones à l’instar de Mamadou Tandja se sont rapidement mis dans les rangs, c’est-à-dire s’alignés sur la position de Paris, il a fallu par contre d’énormes promesses de Chirac à Obasanjo pour que ce dernier retourne de façon spectaculaire sa veste dans le dossier togolais. Plus précisément, Jacques Chirac a promis que la France soutiendra le Nigeria pour une place au Conseil de Sécurité de l’ONU et une remise de la dette du géant ouest africain. La première promesse n’à pu être tenue parce que le choix d’un pays africain pour intégrer le Conseil de Sécurité ne dépendait pas uniquement de la France. En revanche, la France, un des plus grands investisseurs, a considérablement réduit la dette du Nigeria. Plus tard après le rapport Doudou Dieng de l’ONU sur manœuvré auprès de Koffi Annan pour que les auteurs ne soient pas poursuivi devant la CPI.
La crise togolaise en 2005 a été juteuse pour plusieurs acteurs et chefs d’Etat. Mamadou Tandja s’en est vraiment tiré pas mal avec en bonus une résidence cossue à Niamey construite par une entreprise togolaise. Sa ministre des Affaires étrangères n’a pas été non plus laissée sur le carreau. Elle en a profité pour tisser des relations bizarres et suspectes avec le régime. Mohamed Ibn Chambas s’en aussi bien tiré. Il continue d’ailleurs d’en profiter. Le Togo est devenu une proie pour les étrangers et suscite en même temps la jalousie de ses voisins qui ne veulent pas le voir décoller. Alors lorsqu’on aperçoit Olusegun Obasanjo aux obsèques de Jacques Chirac, on comprend que cette présence symbolise la nature des relations qui existaient entre les deux hommes. Les médias français ne se sont pas fait prier pour rappeler sur un ton moqueur les dérives de ces invités qualifiés d’infréquentables.
Lorsqu’il y a mort d’homme, les passions se taisent, mais on ne saurait pour autant occulter l’histoire. A l’annonce de la mort de Jacques Chirac, un acteur politique a eu cette raison : « Le chrétien que je suis, prie Dieu d’accueillir Chirac. Mais le citoyen togolais ne pourra jamais oublier le rôle décisif et négatif du Président de la République française Jacques Chirac dans les évènements de février et d’avril 2005. Je déteste la liberté que ces gens prennent avec nos pays en imposant, en suggérant des choses qu’ils ne feront jamais chez eux». Un avis que nous partageons à juste titre.
Source : www.icilome.com