Sokodé-Bafilo, purges et expéditions punitives pour taire la contestation : Des tueurs à gage reculent les populations en exil et dans les brousses

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Image prise le 18 octobre dernier

Lentement mais surement, notre pays a touché le fond. Pour sauver son pouvoir, le chef de l’Etat ne fait économie d’aucune méthode. Aucun crime n’est trop lait pour garder un régime qui a déjà pourtant montré ses limites. En pleine zone de turbulence, Monsieur Faure Gnassingbé s’accroche à tout même si certaines bouées de sauvetage peuvent lui être fatales.

Après donc 38 années de règne, le fils a remplacé le père grâce à une machine politique surveillée comme du lait sur le feu par une armée partisane. Le père meurt donc et le fils le remplace dans des conditions des plus rocambolesques au prix de 811 morts selon un rapport onusien. L’héritier est contesté de toute part devant un pouvoir qui brûlait à la main en 2005. Le jeune s’engage dans les coulisses à ne faire que 5 ans, le temps de gérer une sorte de transition politique et assurer les arrières pour esquiver les représailles possibles après le long règne du père. En bon fils de son père, la première ‘’vertu’’ que Faure aurait le plus assimilé sera le non-respect de ses engagements politiques. Tout le peuple en a assez. Lomé, Atakpamé, Sokodé, Bafilo, Mango, Kara, pour se limiter juste à quelques villes, sont unanimes pour dire ça suffit à 50 ans d’un règne sans partage. Pour étouffer la nouvelle dynamique, la répression s’est déchainée, toutefois avec des moyens civilisés. Pendant ce temps, le prince croyait encore aux jeux de couloir. Il pensait qu’il était possible de s’en sortir avec les anciennes cartes : négociations sans lendemain, corruption, intimidations et divisions du camp d’en face. Mais ces méthodes ne semblent plus trouver preneur. Du coup, Faure Gnassingbé a lâché ses chiens et aucune méthode n’est trop violente pour conserver le pouvoir. Les gaz lacrymogènes de la police n’ayant pu faire reculer les contestations, c’est l’armée qui est mises à contribution avec les méthodes de guerre. Retour sur les pratiques antiques d’une armée.

La hideuse carte militaire d’un régime

Déjà avec la police et la gendarmerie qui sont les forces régaliennes pour mettre de l’ordre dans les manifestations publiques, la répression était disproportionnée avec des bastonnades sauvages, arrestations musclées et violation de domiciles y compris des jets de gaz à tour de bras. Comme si cela ne suffisait pas, l’armée, principalement les bérets rouges, sont invités dans le désordre. C’est par la ville de Mango qu’elle est rentrée dans la danse. Alors que l’opposition y avait programmé une marche et informer l’autorité, les thuriféraires de la localité, à commencer par l’inaltérable Natchamba, organisent leur contremarche. Le toiletteur du régime met la pression sur quelques cadres, entre autres des anciens douaniers et anciens ambassadeurs. Tous sont contraints de se contenter de quelques billets de banque tendus par le professeur de droit afin qu’ils se rendent à Mango pour une contremarche risquée. Dans une ville qui garde les stigmates des violences de 2015, la tension devient vite incontrôlable et les casses s’en suivent avec mort d’homme par balles militaires, l’adolescent Abdoulaye de 11 ans. Certains cadres organisateurs de la marches sont pris pour cible, des maisons des proches de UNIR saccagées. Si cette brusque montée de violence suivie de chasse à l’homme est condamnable, la répression qui s’en est suivi jette un doute sur les vrais motifs de la contremarche. On dirait qu’il existait pour cette ville, un plan qui n’attendait qu’un élément déclencheur.

S’il n’avait pas existé le projet Natchamba de la contremarche, la ville aurait pu faire économie de cette violence. Ce ne sont plus les policiers et gendarmes, mais ce sont les militaires qui ont procédé à la rafle, aux bastonnades, au nettoyage de maison en maison, violant les domiciles privés pour en découdre avec tout ce qui bouge. Les magasins et boutiques saccagés s’ils ne sont pas brûlés par des hommes en treillis devant des femmes et enfants impuissants. Les hommes, principalement, les jeunes sont contraints de prendre la clé des champs. Devant les rafles répétées, des familles finiront par suivre les pères de familles dans le maquis, d’où au moins 500 Togolais se retrouvent dans le Ghana voisin sans oublier ceux qui ont préféré le Bénin. Mango est vidée de sa population, une partie s’est réfugiée, une autre est admise dans les localités voisines et le troisième groupe dans la brousse. Une peur panique s’est emparée des populations qui n’ont exprimé qu’un droit constitutionnel. Quel objectif vise l’organisateur de cette contremarche improvisée à Mango ? Le Sieur Natchamba avait-il des comptes à régler à cette population en utilisant ce canal qu’il sait bien porteur de risques ? Le temps est le meilleur investigateur, la seule certitude, Natchamba est le cerveau de ce qui s’est abattu sur cette ville.

Bafilo et Sokodé, le génocide des temps modernes

La hiérarchie militaire qui a conçu ce qui ressemble à une purge depuis les évènements du 19 août s’est rendue compte que l’usage des grenades offensives et des balles réelles fait couler du sang. Les photos ensanglantées des citoyens togolais en lutte pour l’alternance démolissent l’image déjà écornée de la dictature. Ce n’est pas pour rien que notre dernière édition nous a valu une convocation à l’OTM qui disait s’être autosaisie pour attirer notre attention sur le caractère choquant de nos illustrations. Alors, on pense à deux autres méthodes pour éviter « les images choquantes ». La branche dure du RPT-UNIR avait un plan dans le tuyau, il faut bien l’enclencher.

Si à Mango c’est le «toiletteur» de la République qui est l’élément déclencheur de la violence, à Sokodé, c’est l’arrestation de l’imam Al-Hassan Mollah qui en sera la goutte d’eau qui fait déborder la vase.

Bafilo-Sokodé, tout porte à croire que ces villes sont reparties en zones sur une carte de guerre par l’armée. D’un quartier à l’autre, les bérets rouges, dépêchés de Kara, passent de maison en maison pour molester. Mango a servi de ville cobaye pour expérimenter cette stratégie. La sauvagerie militaire qui s’est emparée de cette ville a permis d’avoir une zone de contestation de moins. A l’heure où les frontières sont stabilisées, les guerres de conquête n’existant plus, notre armée a apparemment décidé de verser, sur les citoyens, les méthodes de guerres longtemps apprises. Pourvu que ça marche. Depuis le vent du 19 Août, chaque jour compte ses morts, le prince s’accroche à son héritage. Ces habitudes ont marché en 2005. Elles reviennent avec une physionomie plus hideuse en 2017. D’abord, quand les tentatives d’intimidations d’Atchadam et son entourage ont échoué, les jeux de couloir aussi n’ayant pas marché, la politique de la carotte ayant montré ses limites, c’est la politique du bâton qui est en vogue. Un schéma macabre est en exécution contre la capitale et les villes rebelles, Sokodé, Bafilo et Mango, pour se limiter aux plus touchées. Mais puisqu’ « il n’existe pas de crime parfait », la méthode déroulée contre l’emblématique ville de Mango a laissé des traces qui peuvent rattraper les auteurs.

A Bafilo et Sokodé, tout en poursuivant les mêmes fins, vider la ville de ses populations et imposer la discipline par la terreur, l’armée a changé de fusil d’épaule. On ne tire plus forcément à balle réelles et avec les grenades offensives pour tuer, mais pour terroriser. Les employés de Faure Gnassingbé, ministre de la défense, ne veulent plus laisser l’opinion voir du sang couler. On peut obtenir le même résultat sans blaiser. Désormais, les corps habillés tuent en silence, avec la bastonnade et la privation. Un schéma semble avoir été prévu à cette fin. Pour mettre à exécution un tel schéma, il faut bien trouver un déclencheur solide. Voilà la raison pour laquelle, l’on a décidé d’enlever un des hommes les plus populaires de la ville, Alfa Hassan Mollah, à l’heure où l’on s’attendait le moins. Le régime se justifie en le présentant comme quelqu’un qui prêche la violence. Les Américains, pour leur part, l’appellent « un éminent Imam » dans la réaction du département d’Etat. Lomé II est confus. Cet imam fait partie des hommes les plus écoutés de la localité. Sokodé est en transe, les enleveurs de l’imam ont l’effet escompté. Gaz lacrymogènes, grenades offensives, balles réelles contre colère d’une population à main nue. Dans la foulée, des maisons sont mises à sac et brûlées. Au niveau de Lomé, le siège national du PNP est mis à sac, les habitants de la maison violentés et obligés de chercher refuge ailleurs. Il se dit que ce sont les jeunes de Sokodé qui en sont les auteurs. Difficile de confirmer ou d’infirmer. Nous avons vu aussi des maisons qui ont été vandalisées par des hommes en uniformes. La maison du général Memene à Koma, par exemple, n’a pas été saccagée par les jeunes de Sokodé. On recense un jeune tombé par balle militaire, deux valeureux hommes en faction qui ne jouaient que leur devoir Républicain au domicile de l’inaltérable Agadazi, sont tués. Aucune lumière n’est faite sur les auteurs de cette tuerie. La seule vérité mise en circulation est celle du controversé ministre de la sécurité. A vouloir porter la toge pour le diable, ce valeureux officier a noyé dans le doute sa probité et ses compétences professionnelles qui ont fait de lui un des hommes du dernier cercle malgré une race. Du coup, il est difficile, au stade actuel, de savoir qui est l’auteur des casses et de la mort des militaires à Sokodé. Le ministre de la sécurité s’est tellement contredit et embourbé dans une série de contrevérités que personne ne croit plus en ses sorties médiatiques. La seule certitude est que la nuit du 16 octobre qui a vu l’arrestation de l’imam n’a pas été du tout repos. Le lendemain, le ratissage a commencé. Dans les rues, c’est à visage découvert que les militaires cassent, renversent, brulent les étalages et hangars des bonnes femmes, exactement ce qui s’est produit à Mango. Ceci n’était qu’une reconnaissance de terrain.

Après, ils ont quitté la rue pour violer les domiciles. Entre deux coups de feu, les bérets rouges mettent tous ce qui bouge au garde-à-vous puis molestent ceux qui n’ont pas encore eu la chance de rentrer en brousse. De quartier en quartier, de maison en maison, de mosquée en mosquée, rien n’a été épargné. A Salimdè, même le chef traditionnel n’a sera servi par ces méthodes d’un autre siècle. En tout cas, à travers ce qui est arrivé à ce chef traditionnel, c’est le temps qui nous donne raison. Aphones depuis des mois d’un Etat de siège imposé sur Sokodé, nos différentes interpellations n’ont pu sortir ni nos chefs traditionnels moins encore nos fameux cadres, s’ils existent, de leur lâche silence face à ce que subit leur population. Ça n’arrive pas qu’aux autres et on se demande si face à ce que le chef a subi, il faut rire ou pleurer. En tout cas, les bérets rouges de Kara, surtout quand ils sont en mission pour un prince, Faure Gnassingbé, qui joue sa survie, ne font rien à moitié. Ils violent les domiciles, ramassent ce qu’ils peuvent prendre, cassent ce qu’ils ne peuvent emporter, les petites économies des familles ne sont pas épargnées. Entre coups de feu, bastonnades et saccages, la ville est vidée de ses habitants. Une bonne partie est rentrée dans les brousses, forêts et fermes agricoles périphériques où elle vit sous des abris de fortune en attendant l’accalmie. Là, elle survit entre deux tubercules d’igname, de manioc ou tout autre chose que l’estomac peut supporter. La nuit, du feu entretenu par le bois sauvage, en abondance, éclaire les camps. En ville, ceux qui n’ont pas eu le temps de quitter à temps sont obligés de se terrer dans les coins et recoins en attendant une visite musclée. Entre la crainte de l’agresseur et la faim, les gens mouraient à petit feu; ceux qui se sont déplacés en brousse étaient à un moment donné enviables. Eux au moins se débrouillent dans la nature. Ceux qui ont reçu des descentes punitives, après leur passage à tabac, ne pouvaient même pas être transportés au centre de santé. Ceux qui y sont parvenus, ne sont pas sûrs d’un séjour médical tranquille sans visite militaire.

Aucun environnement, aucune couche sociale n’est taboue

Quand la purge est en cours, rien n’est épargné, à tout moment, un petit rassemblement peut dégénérer en séance de bastonnades, de tirs à balles réelles et de rafles des jeunes. Ce samedi, la délégation de l’opposition conduite par Jean Pierre Fabre, chef de fil de l’opposition, a touché la réalité du doigt quand, après que sa délégation aient été empêché d’accéder à la ville de Kara, elle sera obligé d’arrêter une séance d’entretien avec les populations pour savoir ce qu’elles vivent. Au-delà du casernement forcé dans les domiciles à la merci de la faim, la méthode la plus utilisée est la bastonnade. Deux enseignants mourront de leurs coups et blessures. Quand la famille de l’un d’eux a approché le ministre de l’administration territoriale pour se plaindre des militaires, il leur a demandé d’apporter la preuve que ce sont les militaires qui ont tué leur fils. La pauvre famille est obligée d’enterrer son fils enseignant comme un vulgaire délinquant lynché par une population en colère. Les blessés étaient dans les maisons ou dans la rue sans secours médical car personne n’osaient pointer le nez dehors. Le risque plane partout où passent les preneurs d’otage. Comme en territoire ennemi après une conquête militaire, l’armée togolaise a gardé le siège sur Sokodé et Bafilo pendant des jours. Elle a fini par se retirer ces derniers jours laissant derrière elle la désolation.

L’information du retrait des soldats se repend sur les villes avec un grain de prudence : « ils sont repartis à Kara ». L’accalmie revient timidement, on peut respirer la paix de Faure Gnassingbé, mais quelle paix, une paix entrecoupée de rafles.

L’objectif est atteint on a pu terroriser les populations qui sauront retenir la leçon. Dans certaines sommités, nous apprenons que les gens se sont réjouis, du champagne aurait même coulé. L’on a pu imposer la peur panique, le reste du boulot sera un toilettage.

Une race de jeunes et de meneurs de l’opposition sont donc présentement ciblés dans toutes les villes. Il faut forcer leurs portes pour les cueillir de nuit ou de jour. C’est de ça qu’est fait le quotidien dans ces villes. Les forces Républicaines habillées et équipées par les deniers publics sont devenues une hantise publique.

Voilà la méthode choisie pour taire les contestations contre le règne cinquantenaire. Les méthodes civilisées n’ayant pas pu servir, Faure Gnassingbé et sa « minorité » ont fait appel aux pratiques de guerre, sinon des pratiques pires. Inutile de rappeler que, même en temps de guerre, il y a une catégorie de personnes et des environnements sacrés que l’ennemie ne touche pas : les lieux de soins et leurs occupants, les femmes enceintes, les enfants, les blessés, les personnes de troisième âge, les lieux de culte, pour citer quelques-uns. Mais afin de conserver son pouvoir, le ministre togolais de la défense, Faure Gnassingbé, utilise son entreprise familiale, l’armée, pour faire feu de tout bois. Jusqu’à l’heure où nous mettons ces informations sous presse, les enlèvements et arrestations de jeunes meneurs de la mobilisation et des leaders d’opinions, surtout proches de l’opposition, sont en cours. Après les partis radicaux, la race la plus visée à Lomé est le mouvement NUBUEKE et ses membres. Leur crime est qu’ils sont, depuis un moment, dans différentes activités citoyennes pour booster l’alternance. Au Togo, c’est un crime d’être activiste. Les membres tel que Mensenth Kokodoko, Joseph Eza et Fiacre, sont déjà détenus au SRI après enlèvement. Ils y sont détenus dans des conditions alarmantes sans visite. Dans les appartements souterrains de l’ANR, agence national de renseignent, ils sont aussi nombreux à être présentement détenus en toute clandestinité. Ils sont arrêtés çà et là à Lomé surtout dans les manifestations. Sur un mur d’un camp militaire de la capitale, il nous revient que des listes des personnes à arrêter sont affichées.

Advienne que pourra le jour où les voix autorisées se lèveront contre les crimes militaires à Sokodé, les professionnels payés à la tâche, vont publier leurs communiqués pour démentir. Pour Faure Gnassingbé, dans la conservation d’un pouvoir, l’argent peut tout. Et quand l’argent échoue, aucune méthode n’est trop laide, on peut tout violer sans même porter de gangs. 50 ans après une gestion villageoise, le régime n’est plus défendable, il est irrécupérable dans ses méthodes et choix politiques. Il se dit que monsieur Faure Gnassingbé est élu en 2015 à 58, 77%. Ce n’est pas un score négligeable. Où est cette population alors pour que Faure Gnassingbé cherche en vain les marcheurs professionnels?

Jadis, quand le régime est en difficulté, il sort les billets de banque et loue les services des citoyens pour marcher. Une partie participe par conviction, une partie marche comme une corvée, une autre, un service payant. Mais depuis les derniers évènements, le RPT-UNIR a tout perdu. Les marcheurs payés à la tâche ont de plus en plus honte de battre les pavés contre deux ou cinq mille qu’ils encaissent souvent après des pugilats. Les agents de l’administration publique sont restés le seul capital sûr pour faire les marches du RPT-UNIR, les colmatages ne répondent plus. L’opposition mobilise dans toutes les villes et la diaspora. Le RPT-UNIR peine à satisfaire la rue dans Lomé seul. Puisqu’un camp politique n’a plus de quoi remplir la rue, le régime interdit les marches. Des villes résistent, le chef utilise des méthodes voyous pour vider ces villes de leurs populations afin de taire les contestations. Toutefois, l’humiliation est allée trop loin, la cicatrice est désormais trop ouverte pour finir avec ces pratiques.

Et si Yark D. n’avait pas ordonné l’arrestation de l’Imam ?

A voir le fil des évènements, même s’il sera utilisé pour justifier la forfaiture, on peut se demander si le ministre de la sécurité, n’était pas mis devant le fait accompli par rapport à l’arrestation de Hassan Mollah. Des jeux de couloir étaient en effet en cours à deux niveaux entre l’opposition et Faure Gnassingbé quand l’Imam est arrêté manu militari à son domicile sans aucun mandat. Contrairement aux propos avancés par le ministre en charge des dossiers avariés, Yark Damhane, c’est à 18H 30 que, alors qu’il est à peine rentré de la prière de Maghrib pour attendre celle de Insha, la porte du domicile de l’Imam Al-Hassan a été fracassée par une horde de gendarmes et militaires habitués des coups de force. Il est enlevé et amené à une destination inconnue. Bastonné aux premiers moments de son enlèvement, d’après nos informations, il est présentement détenu à la prison civile de Kara et son quotidien ne serait pas alarmant.

D’un côté, il faut dire que, quelques semaines avant cet enlèvement, une dame du nom de Judith en compagnie d’un certain Mamoudou Ghana, très connu à Sokodé dans l’environnement des barons, se sont introduits chez l’Imam. Ils étaient porteurs d’un message : « Faure Gnassingbé souhaite rencontrer l’Imam Al-Hassan ». Le refus de l’Imam a rencontré la persévérance d’une dame qui a continué par faire les pieds et les mains pour convaincre l’intéressé. L’Imam finit par accepter la demande tout en demandant de le laisser choisir le moment qu’il jugerait opportun. Dans son dernier sermon avant son arrestation, il en a parlé sans détail. Faure Gnassingbé était donc dans l’attente de rencontrer l’Imam.

De l’autre côté, il vous souvient que le même Faure Gnassingbé a entre-temps rendu visite au président guinéen, Alpha Kondé, président en exercice de l’UA, Union Africaine. Après cette rencontre, le Guinéen s’est invité dans la crise togolaise. Le président de l’UA formule le vœu de voir l’opposition lui rendre visite à toute fin utile. Si pour le passé teinté de parti pris, mouillé de billets de banque, les sulfureuses délégations de la CEDEAO et de l’OIF ont été boudées par l’opposition, la démarche du président Kondé semblait la bienvenue même si la visite préalable de Faure en Guinée était assez pour justifier une certaine méfiance. Tikpi Atchadam, Jean Pierre Fabre et les autres acceptent donc la rencontre à condition que l’initiateur fasse le déplacement de Lomé. N’est-ce pas vrai que pour éteindre un feu, il faut se rendre là où il brûle ? Kondé ne voulait pas l’entendre de cette oreille et envoie son consul, basé à Accra, pour convaincre les invités à qui un avion spécial est même envoyé. Coup de théâtre, le consul était en conciliabules avec les leaders de l’opposition quand est survenu l’enlèvement de l’Imam. Avec le soutien de toute l’opposition, Atchadam quitte la table et fait de la libération de son homme la condition pour y revenir. Kondé, alerté, promet de peser de tout son poids pour faire libérer l’Imam et donner la chance à la mission en Guinée. Mais il a beau être le président en exercice de l’UA, il n’a pu faire céder le président en exercice de la CEDEAO. Coup de fil sur coup de fil, Faure Gnassingbé refuse de libérer l’Imam. In fine, le Guinéen appel et le Togolais ne décroche plus. Kondé découvre le vrai visage de Faure et tourne le dos au dossier togolais. Précédemment, Faure pensait y avoir trouvé un allié pour apprivoiser son opposition. Inutile de rappeler que, à 82 ans, le Guinéen compte sur une modification des textes pour se faire du sang politique neuf. Lomé croyait s’en servir pour gérer la zone de turbulence en attendant que l’allié Kagamé du Rwanda prenne la tête de l’UA en 2018. Les jeux de couloir qui pointaient ont ainsi fait place à la manière forte. Voici autant de raisons qui nous poussent à nous demander si l’arrestation de ce leader d’opinion, très populaire, au plus mauvais moment n’était pas un schéma de ceux qui ont intérêt à précipiter la chute du prince.
L’Etat qui « parraine des milices »

Signe des temps, le pouvoir est à terre. Plus la crise avance, plus Faure Gnassingbé affiche des comportements qui rendent sa politique irrécupérable. Si au Nord et dans le centre c’est l’armée qui fait usage des comportements d’une race lointaine pour faire taire les populations dans leur légitime quête de changement, à Lomé, ce sont les milices organisées qui opèrent à visage découvert avec la couverture de la police et de la gendarmerie. Au départ, dès que toutes les options se sont avérées incapables de sauver le pouvoir, il semble avoir été dit quelque part « que chacun fasse ce qu’il peut ». Il n’en faut pas plus pour signer un chèque en blanc au noyau dur du pouvoir. Des hommes et des femmes se sont donc organisés pour financer et entretenir les milices armées. Entre autres, une femme et un homme, anciens responsables de régie financières font partie des financiers. Pistolets silencieux, machettes, fouets en câbles, gourdins cloutés et coupe-coupe sont leurs outils de travail. Au départ, les milices étaient même reconnaissables à une tenue conçue pour la circonstance, un tricot noir et une casquette de même couleur. Le terrain de SAZOF et ses environs étaient leur lieu de ralliement avant toute opération. On les faisait passer pour des vigiles chargées de la sécurité des meetings du pouvoir et c’est à ce titre qu’ils sont habillés. Sauf que les vigiles n’opèrent pas avec le matériel cité plus haut.

Vous avez d’ailleurs suivi le député Christoph Tchaou soutenir sur une radio internationale : « ceux que vous appelez milices, ce sont nos jeunes », un autre ministre d’avancer que ce sont « des groupes d’auto-défense ». Inutile de rappeler cette bourde d’un zélé de la monarchie, Christian Trimua, qui pétait les plombs sur France 24 demandant à l’opposition de s’armer si elle veut le pouvoir. Aujourd’hui, depuis que le département d’Etat américain a tapé du poing sur la table, voici la même race qui renie ses « jeunes ». La paix a toujours été ventée comme l’acquis le plus précieux du régime cinquantenaire. Et l’armée est présentée comme le socle de cette paix ! Où est la fameuse armée qui a la magie de la paix pour que les populations soient obligées de s’organiser en groupe d’autodéfense ? Pire, l’armée appartient au régime en place, c’est ce qu’on peut lire dans les comportements de tous les jours. Le régime en fait usage au gré des besoins. Si malgré cette armée Faure est obligée de faire appel aux miliciens, c’est que les méthodes proposées pour venir à bout des contestations ne sont pas partagées par tout le monde dans les différents Etat-major. Alors on emprunte les passerelles, les milices, pour jouer le rôle que l’armée refuse d’assumer. Ceci était prévisible quand on déploie la police et la gendarmerie pour faire le maintien d’ordre pour les manifestations le jour pendant qu’un autre bataillon, cette fois-ci militaire, vraisemblablement entretenue par un commandement parallèle, réprime sauvagement les nuits. Faure Gnassingbé et sa clique ont mangé leur totem. Ceux qui passent pour le chantre de la paix sont devenus une menace publique. Les miliciens ont tiré à balles réelles sur des populations, souvent avec des pistolets ou armes silencieuses. Elles ont blaisés des manifestants avec les armes blanches, semé une peur panique depuis que les contestations politiques sont devenues critique à Faure. Dans toutes les rues de la capitale, des citoyens en sont morts, d’autres sont blessés et plus loin, des traumatismes. Le vin est tiré, il faut le boire. La politique c’est un choix, Faure Gnassingbé et ses hommes ont fait un choix et ils doivent pouvoir l’assumer.

Une chose le matin et son contraire le soir

Pour qui connait les méthodes de ces Messieurs au sommet, on peut supposer ceci : deux ministres, Yark et Boukpessi, ont été poussés devant la scène à « prendre leur responsabilité ». Donc initier et soutenir l’insoutenable. Entre-temps, les méthodes se révèlent trop viles pour le 21e siècle, le RPT-UNIR se retrouve dos au mur. Après avoir légitimé les milices, il faut se rebiffer, se dédouaner. L’on a forgé, à la va-vite, dans certains milieux, un communiqués truffés de fautes pour renier les groupes d’autodéfense des deux ministres. En tout état de cause, les informations en notre possession autorisent à se demander si Yark était vraiment absent quand Boukpessi, encore faut-il que ce soit signé de celui-ci, signait le fameux communiqué. Si nos interrogations se confirment, nous sommes donc devant des méthodes de voyous au sommet d’une République. Quand un Etat arrive à ce stade dans ses discours et modes opératoires, c’est le pouvoir qui est à terre.

Que reste-il alors à monsieur Faure Gnassingbé ?

Une équipe soudée par une certaine solidarité dans le mal, une armée en désaccord sur les modes opératoires, un cercle de confiance assis sur une peur partagée de rendre compte, une conviction politique nourrie de billets de banque, avec au sommet un président qui croit que avec la force militaire et l’argent tout est possible. En tout cas, le comportement du prince porte à croire qu’aucune volonté de changement ne résiste au canon, qu’aucun engagement citoyen ne tient tête au charme des billets de banque. Aujourd’hui, quand les Cow-Boys ont menacé, l’on renie le parrainage des milices qui ont pourtant opérées au vu et au su de tout le monde main dans la main avec l’armée. Demains quand les Français s’inviteront, l’Etat majors de l’armée dira, à son tour, qu’il n’a envoyé aucun béret rouge commettre quel que exaction que ce soit à Bafilo, Sokodé ou à Mango.

‘’Ethnicide’’ et peur-panique pour étouffer les zones rebelles

Même les non-voyants savent désormais que, comme un fauve loin de son logis, le RPT-UNIR est atteint dans sa zone sensible. Il cherche tout de même à trainer le sang jusqu’à son abris, 2018. D’ici là, les méthodes déjà en cours (enlèvements, bastonnades et meurtres, destruction ciblées), auront permis à Faure de se débarrasser des petits dérangeurs, des journalistes trop regardant, des Imams qui sortent du cadre de leur mosquée, les membres du clergé qui n’obéissent pas au Messie de la République, ou autres leaders d’opinion soient-ils politiques ou de la société civile. Juste un toilettage et une petite purge qui permettra de reprendre la main. Heureusement que, plus la crise s’enlise, plus l’héritier national épuise ses cartouches et les méthodes en pratiques divisent sa minorité, plus la minorité se divise dans ses approches de sortie de crise, plus l’opinion internationale découvre ce que les Togolais ont enduré depuis 5 décades. Aucune population aussi humiliée, aucune opinion aussi avertie, aucun environnement diplomatique aussi enfariné par des « promesses de Gascon » d’un président qui ne croit qu’en la diplomatie des mallettes, ne peut accepter un tel dirigeant au sommet d’une République. Toutefois, un changement sur la base des règlements de compte ne stabilise un pays, l’opposition doit savoir avaler les rancœurs pour que le bourreau sache qu’une seconde vie est possible. S’il est donc vrai qu’à ce stade la fin est inévitable, il n’est pas moins vrai qu’il est encore permis à Faure Gnassingbé de se choisir une fin. La seule façon donc de sauver le soldat Faure, c’est de l’aider à bien finir, à bien vider le plancher au risque pour lui de glisser sur son propre podium. ‘’A bon entendeur, une petite oreille’’.

ABI-ALFA/journal Le Rendez-Vous

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