Sexe, drogue, alcool, ces nouveaux vices préférés des jeunes de Lomé

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L’instabilité politique au Togo qui déteint sur la situation
économique chaotique du pays, contraint la jeunesse togolaise à
embrasser les vices de la société. Du sexe pour se sauver de la
précarité, la paupérisation de la population conduit de nombreuses
filles à se livrer à la prostitution pour de l’argent et donc, pour leur
pain quotidien. Pendant ce temps, de jeunes garçons, entre quelques
messages whatsap et le séjour régulier dans les débits de boisson pour,
disent-ils, noyer leur souci, de leur fréquentation dangereuse, la
plupart finissent par toucher à la drogue. Ce tableau non reluisant,
plonge naturellement le Togo dans une situation inquiétante où la relève
conscience n’existera plus. L’heure est grave !

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Laissées tristement sur le carreau et abandonnées à leur sort, ce
sont des millions de jeunes togolaises dont la majeure partie sont sans
emploi et sans aucun revenu qui, la nuit, arpentent les grandes avenues
de la capitale à la recherche des hommes, surtout des grotos,
c’est-à-dire, ces hommes mariés et friqués, pour leur proposer leur
corps, donc du sexe contre de l’argent.

De jeunes filles pour la plupart, mais également des mineures et de
jeunes mères célibataires, des scènes obscènes sont souvent observées à
la nuit tombante dans plusieurs quartiers de Lomé, entre autres Déckon,
Atikoumé et aujourd’hui, Carrefour Avédji, où des filles à visage
découvert se proposent pour une partie de jambes en l’air pour une heure
ou deux, ou encore pour toute la soirée. La dernière option étant
réservée à ceux qui sortent de gros chèques.

Mais derrière ces filles de joie, des filles de belles présences, se
cachent parfois des histoires malheureuses. D’un air déprimé, et parfois
en larmes, certaines n’hésitent pas à raconter des situations
déplorables poussant à la rue. C’est le cas de la jeune étudiante Aïcha
(nom prêté).

Dans une position osée, seule, assise dans un bar de la capitale,
Aïcha, bachelière depuis deux ans, étudiante dans l’une des facultés à
l’Université de Lomé, m’a accueilli gentiment. Finies les civilités, je
lui proposai une bière ? Non, « du Chill pour moi, » dit-elle dans un
style de langue acceptable. Sûrement qu’elle pensait avoir un client
mais, mes premières plaisanteries lui ont peut-être donné une autre
idée. Aussi mon abord facile a-t-elle pesé dans la confiance qui m’est
tout de suite accordée. D’ailleurs, nos échanges ont été bâtis sur la
confiance et le respect mutuels.

Aïcha a rejoint la capitale pour ses études universitaires. Musulmane
mais, « je ne suis pas très pratiquante de la religion » reconnaît-elle
et, sur un ton larmoyant, cette étudiante de très grande taille,
corpulence mince, coiffée d’une perruque artificielle (c’était sa
révélation), une belle poitrine à peine couverte par son petit gilet
rose sur le décolleté blanc du bas, elle raconte visiblement marquée, sa
mésaventure qui la contraint « quelques rares fois », précise-t-elle à
se chercher dans la rue : « Je suis arrivée à Lomé il y a 2 ans. Avant,
j’étais avec mon oncle, petit frère consanguin de ma mère. Avec sa femme
et ses 3 enfants, il a loué deux chambres salon à Lomé. Donc j’étais
avec eux, et je dormais au salon. La femme tenant une boutique
d’alimentation générale qui n’est pas trop loin de l’Université et
chaque soir, au sortir du cours, je venais la relayer dans la boutique
afin qu’elle aille préparer le repas du soir. Tout allait bien entre
elle et moi, elle me prenait comme sa propre sœur. Mais, nos relations
vont se détériorer le jour où…, » et subitement, une panique s’est
emparée d’Aïcha. « Ils viennent ici, » se demandait-elle, pâle d’effroi.
En fait, deux policiers dont l’un est armé, visiblement en patrouille,
venaient en direction du bar qui se vidait progressivement à cause de
l’heure trop avancée. Mais plus de peur que de mal, les deux policiers
étaient juste venus y chercher de la cigarette et repartis aussitôt.

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Sa panique est expliquée par le fait que cette nuit, Aïcha n’avait
pas sur elle sa carte nationale d’identité. Au-delà, d’après ses
commentaires, les forces de l’ordre faisaient des descentes inopinées et
procéder à des interpellations. « Des filles sont souvent arrêtées et
gardées jusqu’au petit matin » révèle-t-elle. « Toi, c’était quand ta
dernière interpellation », « Dieu me protège », a-t-elle répondu. Puis,
Aïcha a repris son récit : « …mes relations avec elle (la femme de
l’oncle, ndlr), se sont détériorées quand, à cause du changement de mes
heures de cours, je revenais tardivement à la maison et n’allais plus
l’assister comme avant à la boutique. Mais pour elle, je faisais plutôt
ma vie après les cours et refusais de rentrer tôt. Plusieurs fois, mon
oncle m’a invectivé. Il ne croit lui qu’à sa femme et n’écoute que tout
ce qu’elle dit…tout s’est écroulé le jour où j’ai reçu la visite d’un
ami de la fac à la maison ; c’était le comble. C’était la totale
humiliation. Mon oncle me mettra quelques semaines plus tard à la
porte…une amie m’a accueilli ». La suite de son histoire révèle les
périples et péripéties de sa vie, et Aïcha se retrouvera « quelques
rares fois » dans la rue et dans le plus vieux métier du monde pour
chercher de quoi se nourrir, se vêtir et assurer ses études, selon ses
explications.

Vers la fin de près deux heures d’horloge d’échanges entrecoupées de
bla-bla-bla, un moment de silence régnait entre nous et on se regardait
fixement dans les yeux comme des tourtereaux. Puis-je avoir ton « numéro
» ? Elle sourit d’un coin et d’un air calme, elle dit : « Lomé n’est
pas grand », puis en quittant, elle me rappela de ne pas oublier de
payer pour la « conso ».

Même si l’histoire d’Aïcha semble être particulière, moins alarmante
avec une jeune fille qui ne fait pas de la prostitution, une belle
profession, puisqu’elle n’est présente dans la rue que « quelques rares
fois », d’autres par contre dont des mineures, ne vivent uniquement que
de ce métier. Selon les services officiels du Togo, 27.000 prostituées
travaillent dans le grand Lomé et 31% d’entre elles ont moins de 18 ans.
Une vie de prostitution ajoutée à d’autres vices comme une totale
addition à l’alcool et à la drogue. Puis ces filles finissent le plus
souvent leur vie dans la déprime, très miséreuse et solitaire. Dans ces
circonstances, celles qui n’ont pas assez de soutiens, trépassent dans
le vice.

Aussi faut-il ajouter qu’à côté des jeunes filles qui font de la
prostitution pour se sauver, c’est-à-dire se fuir de la précarité au
Togo où le chômage a établi son siège et la misère sa maison de
retraite, l’on retrouve de jeunes garçons totalement perdus dans leur
présence sur terre et qui baignent dans une inconscience avérée, de
jeunes vicieux endurcis qui se bénissent 7 jour sur 7 par la mousse des
boissons.

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Un dimanche à Lomé, il sonne 21 heures au carrefour Avédji. De la voie qui mène à l’autre grand carrefour, celui d’Adidogomé,
s’aligne un chapelet de bars avec de la belle ambiance. Si au Togo, la
crise économique est terriblement ressentie dans plusieurs foyers de la
majorité délaissée, les fils des nouveaux riches, quant à eux, s’en
foutent éperdument du quand dira-t-on. Attablés avec de jolies nanas,
d’autres jeunes vicieuses très capricieuses, obnubilées par le gain
facile, tous arrivent à boire depuis la nuit jusqu’au matin du Lundi,
premier jour ouvré. Même à 7 heures, alors que de jeunes conscients
accrochés à leur travail de misère au salaire dérisoire, s’activent pour
rejoindre leur poste, ces jeunes perdus sont encore perçus, assis au
milieu des casiers de boissons. D’aucuns y resteront jusqu’à la
mi-journée. Tristesse ! Tandis que d’autres se battent pour la réussite
du PND, Plan national de développement, les partisans de moindre effort
se tuent quant à eux pour décrocher le prix du meilleur buveur de la
soirée.

La réalité, c’est que demain s’annonce périlleux. Car, sur le Togo
pèse désormais le grand risque d’une relève inconsciente. Quel type de
dirigeant aura le Togo de demain lorsque les grands défis du
développement s’imposeront à tous ? Tout pays est à l’image de son
dirigeant, dit-on souvent. Alors, s’il y a quelque chose à faire pour
juguler le mal, que l’on se lève tôt. Parce que là, la jeunesse
togolaise se noie dangereusement dans le vice et curieusement, devant le
silence de l’État.

Sylvestre BENI, Lomé, De retour d’une virée nocturne

Source : La Manchette No.081 du 2 octobre 2019

Source : Togoweb.net