Après avoir obtenu, après une très longue attente, l’autorisation de déployer le 3 G au Togo, Moov Togo devra désormais faire avec les caprices de l’Etat togolais. On craint même une remise en cause du cahier de charges signé en début d’année 2016 entre le gouvernement togolais et la société de téléphonie mobile.
Dur, dur d’être en concurrence avec les boîteuses sociétés publiques au Togo. Moov en fait l’amère expérience, depuis bien des années et son calvaire n’est pas près de finir. Leur dernière emmerde est liée au déploiement de la fibre optique. Après avoir obtenu la licence en début 2016 pour le déploiement de la 3G, Moov Togo a entrepris les démarches pour la construction d’un réseau de fibre optique de Lomé jusqu’à Kara dénommé « backbone ». Mais le hic, les travaux de démarrage de la construction de ce réseau butent contre des caprices des agents de l’Etat qui mettent tout en œuvre pour dissuader le seul opérateur concurrent privé dans le secteur Telecom au Togo, de mettre en œuvre son chantier. Tout porte à croire que les autorités togolaises poussent Moov à abandonner son investissement dans lesdites infrastructures au profit de la location de celles de Togo Telecom.
Au départ, le délai trop court accordé à Moov Togo avait semblé suspect aux analystes. Pour échapper au piège de délai, la société s’est empressée de solliciter l’entreprise chinoise Huawei qui a déjà une expertise certaine en la matière, la même qui a déployé la fibre optique pour Togo Telecom de Lomé à Atakpamé via Kpalimé. Mais son élan pour achever le chantier des 450 kilomètres de mise en place de la fibre optique avant fin juin 2017 est ralenti. Ce que l’on commence à redouter est que Moov soit obligée de continuer à exploiter le réseau de fibre optique de Togo Télécom, son réseau actuel de transmission de faisceau n’étant pas en même d’assurer un niveau acceptable de services.
Et ce n’est pas un secret pour personne que le réseau de fibre optique de Togo Telecom, lui non plus n’est pas fiable pour la transmission des données, alors que sa location risque à long terme de grever le budget de Moov. Naturellement, en continuant à devoir passer par les installations de Togo Telecom, la concurrence en matière prix n’existera que de nom dans le secteur des Telecom au Togo. Puisqu’il suffira à Togo telecoms qui est dirigée par le Directeur de Cabinet du ministère de tutelle, de réguler les niveaux de prix pratiqués en jouant sur les coûts des prestations qu’elle offre à Moov Togo.
Refuser de permettre à Moov Togo de construire son réseau de fibre optique, c’est refuser le strict minimum en termes de concurrence dans les télécoms au Togo. Et c’est refuser le droit aux citoyens togolais d’avoir le choix entre diverses qualités de produits et un éventail de prix. « En échange de cette autorisation, Moov s’engage à réaliser des investissements importants, à couvrir les zones grises et à créer des emplois. Pour le gouvernement, cette décision présente plusieurs avantages. Elle crée une dynamique et une saine concurrence entre les deux opérateurs mobiles, elle permet également de faire passer le haut débit Internet de produit de luxe à celui de grande consommation », avait écrit pourtant le site de propagande du pouvoir, republicoftogo, en janvier dernier, à la suite du décret pris en Conseil des ministres d’autoriser Moov à déployer la 3G.
Seulement au Togo, entre le dire et le faire, il y a bien souvent un gouffre. Les nombreux harcèlements à l’égard de Moov Togo, la médiocrité des interventions de la ministre en charge de l’Economie numérique au sujet de la qualité des services de télécom au Togo, ne sont d’ailleurs que le reflet de l’incompétence dans laquelle baignent les décideurs du secteur des telecoms au Togo. Les explications devenues célèbres de Cina Lawson pour justifier leur refus de concéder l’arrivée d’un troisième opérateur sur le marché sont proportionnelles au niveau de réflexion des premières autorités togolaises du secteur numérique. En avançant la petitesse de la taille de la population, elle s’est exposée, sans le savoir, à la risée des webactivistes qui ont même lancé la campagne « pour un troisième opérateur, multipliez-vous ». La ministre qui, dit-on, a fait Havard, a ainsi prouvé, une énième fois, qu’elle est tout sauf en phase avec les préoccupations des usagers des services de télécoms au Togo. Par ailleurs, la Gambie et le Gabon, avec une taille de leurs populations de loin moins importante que le Togo, ont un nombre d’opérateurs plus grand que celui du Togo.
S’ils devraient avoir un niveau d’ambition similaire à celui de notre ministre de l’Economie numérique, peut-être qu’ils devraient se contenter, eux, d’une seule société publique en situation de monopole. Plus ridicule, en décembre dernier, la même ministre publiait sur twitter ceci : « Pourquoi pas le 3e opérateur ? Parce qu’à ce jour ce qui intéresse c’est Whatsapp et Viber. Le marché togolais n’était pas assez intéressant pour un troisième opérateur, et les besoins ont changé. Ce qui est nécessaire maintenant : un Internet de qualité pour assurer des communications à moindre coût avec Skype, Whatsapp». Comme quoi, pour la ministre qu’on présente comme un fin connaisseur de son secteur, ce qui est plus important pour les Togolais, c’est Whatsapp et Skype. Quand même !
Ces genres de raisonnements de bas niveau sont révélateurs du degré d’ambition de ceux qui sont censés tirer le pays vers le haut, mais qui, visiblement, résument les besoins au niveau de Whatsapp. A un moment où des voix s’élèvent pour plaider pour une densification des contenus togolais sur le web par exemple ou une meilleure capacité pour des transmissions rapides de données de grandes capacités, Mme la ministre, elle, ne pense qu’à Viber. Et c’est avec Viber qu’elle croit révolutionner le monde numérique au Togo et en Afrique. « L’Afrique est malade de ses hommes politiques », a écrit un de ses collègues du gouvernement. On devra aussi écrire « Les telecoms au Togo sont malades de leurs décideurs »…
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