Jadis imbus de tous les pouvoirs, les chefs de villages et de cantons sont aujourd’hui objets de toutes les difficultés vis-à-vis de leurs administrés et surtout de l’opinion. Hier, ils avaient tout et étaient respectés par tous. Aujourd’hui, ils n’ont pratiquement rien d’autres que la couronne, puis le nom.
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Le Chef, la puissance
L’Afrique avait connu quoiqu’on dise des noms emblématiques que gardera à jamais l’histoire. Au plus haut, ils sont là ces Rois du bien et de la terreur. Samori Touré, Ba-Bemba, Kanka Moussa, Kanté Soumangourou, Prempeh, Béhanzin, sans passer sous silence, Chaka Zoulou. Au bas niveau, on pourra si l’on veut prendre la mesure de la chefferie, revenir au pays pour parler au sens vrai du terme de ce qu’elle représenta hier dans nos communautés.
De Lomé à Dapaong, il fut des chefs qui ont marqué leur temps dans le respect et la dignité de tous. Jamais ces derniers ne sont défiés par qui que ce soit. C’étaient des chefs de tous les honneurs et de toutes les dignités. La richesse aussi était au rendez-vous dans les cours. Aucun n’osait tenir tête ni défier le chef. La raison était toute simple. Le chef à l’époque était l’incarnation de tous les pouvoirs.
On savait qu’avec la colonisation, l’Etat normatif n’était pas encore installé. Du coup, le chef avait à l’époque à lui seul, tous les pouvoirs de décision. Le pouvoir exécutif, judiciaire, la police, l’armée, la gendarmerie et même le pouvoir coutumier appartenaient au chef. Lorsqu’un citoyen venait à commettre un crime, un forfait ou quoi que ce soit, c’est le chef qui décidait de façon souveraine de son sort.
Pour même lancer des assauts contre un village voisin c’est lui également qui devrait prendre l’ultime décision. Quand plus rien ne va dans la cité et qu’il faille passer à la tradition, c’est le chef qui oriente les prêtres et attend ainsi la décision des dieux. Là encore, il avait parfois le pouvoir de ramer contre la décision des dieux ou de s’y aligner. Les terres étaient nettement gérées par le chef qui cédait comme bon lui semble aux collectivités suivant leur poids et leur représentativité dans le village.
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Ainsi donc, c’est à lui que revenait le règlement des litiges fonciers. Sous réserves de son Supérieur dans le temps, les décisions du chef sont irrévocables et s’imposent à tous les administrés. Les chefs avaient donc, le pouvoir législatif et prenaient parfois par quartier, village ou Canton selon la dimension de leur territoire, des lois imposables à tous.
Toutes les affaires de la cité étaient devant la cour du chef y compris les petits pépins dans les foyers. Les renseignements traditionnels également étaient à leur disposition ce qui fait qu’à chaque instant, le chef a le film de ce qui se passe au quotidien dans le village. Avec tous ces pouvoirs à sa disposition et surtout ceux de la police, de la gendarmerie et de la justice, sans oublier toutes les richesses qui étaient à sa guise, il n’a pas de raison que le chef, ses conseillers, notables et entourages ne soient que des hommes riches, craints et respectés.
Pour faire rejaillir ce bien-être, c’est dans la cours du chef qu’on retrouve tout ce qui a trait aux métaux précieux. D’ailleurs, les Chefs affichaient leur degré d’aisance, par la tenue, les perles, la couronne et même, le trône en or, en diamant….. Mais les années passent, tissent et bâtissent avec le temps l’évolution normale d’un Etat qui devient une réalité avec ses compartiments et démembrements.
Pourquoi le chef a-t-il perdu son hégémonie d’antan? Beaucoup pensent que la perte de pouvoir par les chefs est une question liée aux pouvoirs. Certains politiciens à tort accusent les dirigeants de dictateurs qui pour leur règne dénudent le chef de ses prérogatives ou de ses pouvoirs. Une vision erronée, parce que la situation actuelle du chef n’a rien à voir avec un pouvoir quelconque. Elle n’est que l’évolution normale des choses.
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En effet la perte de pouvoir par nos chefs n’a aucun lien avec le régime. En prenant le cas de notre pays, il faut distinguer les époques comme cité plus haut. Le pays revient comme bon nombre de pays africains de très loin. Ayant hier à lui seul tous les pouvoirs, il est clair que l’évolution normale des choses qui imposent la démocratie avec toutes ses réalités dépouillent le chef.
Aujourd’hui, les pays ont chacun pour son compte, un exécutif, un législatif, un judiciaire, une armée régalienne, une police et une gendarmerie. Comme citoyen, le chef qui jadis embrassait tous ces pouvoirs doit s’y soumettre. Personne ne traite aucune affaire de foyer, de terrain, de vol, de meurtre, d’attaque de toute sorte près du chef. Il y a pour la cause la police, la gendarmerie, la justice.
Le contrôle des richesses minières également les échappe aujourd’hui. Rien ne passe sans justice et en cas de besoin, les chefs sont parfois contraints de répondre devant les juridictions. Ce qui se gère aujourd’hui chez le chef est beaucoup plus les problèmes de sorcellerie. Même les questions spirituelles se débattent dans les mosquées et églises.
Ayant désormais à la faveur de l’Etat moderne tout perdu, le chef quoiqu’on dise n’a plus que sa couronne et peut avoir pour certain un honneur à défendre. La discipline sociale a disparu par la force des choses et non du fait d’un dirigeant, ni d’un ministre. Au demeurant, chaque communauté doit travailler à ce que ses fils se raffermissent autour de l’essentiel de leur tradition en apprenant aux plus petits les normes de discipline et surtout respect envers toute autorité. Les chefs doivent tirer au plus vite la conclusion, puis s’éviter de tomber dans des travers.
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Beaucoup pensent encore possible de vivre hier et se prêtent à des comporte ments qui ne les honorent tels, la vente illicite de terrain, l’implication dans des affaires pourries. …. A ce prix, on pourra davantage construire une nation modèle où, le respect de nos mœurs et coutumes, ainsi que les personnes qui les incarnent seront de mises.
Nouvelle Opinion No 707
Source : Togoweb.net