Secteur des télécommunications : Les pesanteurs de la révolution numérique au Togo

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Cina Lwason et les nouveaux maitres de Togocom

L’avènement des applications de communications suffit-il à mettre sous éteignoir la vérité selon laquelle au Togo, les coûts de communications sont prohibitifs ? Bien qu’il existe des espaces aux seins desquels on vante la libre circulation des personnes et des biens, bien qu’une opération tendant à standardiser les coûts de communications inter-opérateurs d’un pays à un autre, les faits indiquent que le Togo a encore du chemin à parcourir, surtout en comparaison du Sénégal.

Deux pays de l’espace UEMOA et en même temps de la CEDEAO. Dans un article du journal Le Monde du 3 octobre 2019, on apprend qu’au Sénégal, où de nombreux habitants possèdent deux, voire trois téléphones avec des opérateurs différents, afin de bénéficier des offres exclusives de chacun, le taux de pénétration du mobile atteignait 106 %, en 2018, selon l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes.

Justement, parlant de bénéfice d’offres exclusives, nous sommes tombés sur une publicité qui nous rendu nostalgique et triste. Forfait FREE mois ; 4.900 FCFA valable 30 jours avec 1000 minutes d’appels tous réseaux, 1000 SMS tous réseaux, 15 Go d’internet et 1Go de whatsapp chat. Et c’est l’opérateur EXPRESSO PLUS KEUR CHEIKH MOURTALLA qui est l’initiateur de la promotion. Nous avons joint un confrère à Dakar qui confirme. Alors on s’est intéressé aux opérateurs existants et à leur nombre. Pour découvrir qu’au Sénégal, il y a six opérateurs de téléphonie mobile : EXPRESSO PLUS MBC ELECTRONIC, EXPRESSO PLUS SYSTEME PLUS, GROUPE SONATEL (SOCIETE NATIONALE DES TELECOMMUNICATIONS DE SENEGAL), ORANGE, SENTEL GSM – TIGO en plus du premier cité.

Au Togo, il existe une « ministre numérique » indéboulonnable qui fait déjà dix ans dans les différents gouvernements. Sa longévité, au lieu de constituer un bonus pour le secteur au grand bonheur des consommateurs, constitue aujourd’hui un boulet. Le secteur semble sclérosé. Il fut un temps où l’expression phare de ladite ministre était « e-gouv », ensuite e-learning, e-commerce et que sait-on encore.

Parlant de e-commerce, les besoins sont bien là, mais du fait du verrouillage du secteur limité à deux opérateurs de téléphonie mobile, les populations tardent à profiter du tout numérique. C’est ainsi par exemple que nombre d’opérations sont facturées alors que le panier de la ménagère n’est pas si haussier. Lors du lancement du projet Novissi qui a permis à des couches défavorisées de bénéficier de transferts monétaires, la ministre Cina Lawson expliquait que l’objectif poursuivi était que les bénéficiaires ne manipulent pas les espèces, mais fassent leurs opérations d’achats via des transfert. Soit, mais comment s’en sortir lorsque par exemple pour une opération d’achat de 1.000 FCFA, le fournisseur ou vendeur réclament qu’on ajoute les 150 FCFA de frais de transferts ? Imaginez lorsque la pauvre femme ayant reçu 6.250 FCFA devrait effectuer trois ou quatre opérations d’achat. Le somme des frais de transfert n’est plus négligeable. La pauvre préfèrera alors retirer l’intégralité de ses fonds pour faire ses opérations main à main, sans frais supplémentaire.

La situation est la même auprès d’un des deux opérateurs de téléphonie pour le payement des factures d’électricité communément appelées « cash power ». Certains ménages n’ont pas les moyens de payer un crédit de consommation de courant qui leur couvre tout le mois ; ainsi, ils peuvent acheter le crédit pour le courant 3 voir 4 fois dans le mois, mais à chaque achat de crédit, 200 FCFA de frais supplémentaires leur sont facturés. Décourageant à la fin !

Et que dire des forfaits internet des deux opérateurs ? Non seulement ils sont prohibitifs, mais surtout hors de portée pour le Togolais lambda. Pour l’un par exemple, il y a Free de 200 Mo à 100 FCFA, Cool de 60Mo à 200 FCFA, Wik de 500 Mo à 1300 FCFA, Relax de 300 Mo à 500 FCFA, Kif de 100 Mo à 300 FCFA et Social de 12 Mo à 50 FCFA. Pour l’autre, il y a 12 Mo à 50 FCFA, 70 Mo à 200 FCFA, 130 Mo à 350 FCFA, 300 Mo à 600 FCFA et d’autres options pour les nantis. Comme par exemple 1,7Go à 2.500 FCFA, 3,6 Go à 4.500 FCFA, ou encore 6 Go à 15.000 FCFA et 12 Go à 30.000 FCFA !

Il existe de rares périodes de promotions, mais dont les offres frisent la moquerie ou la condescendance des opérateurs. Surtout comparées à la promotion de l’opérateur EXPRESSO PLUS KEUR CHEIKH MOURTALLA du Sénégal.

Il apparaît que l’un des freins qui puissent agir sur la cherté du numérique est le nombre d’opérateurs de téléphonie mobile. Au Togo, on a longtemps fait miroiter le rêve d’un 3ème opérateur. Mais entre le rêve et la réalité, le lien n’a jamais été établi. Deux strapontins d’opérateurs ont été cooptés, mais ils ne sont pas dans la téléphonie mobile.

Un gouvernement remplacera celui en cours. Mais rien ne prédit que la « ministre numérique » laissera la place pour un autre. Il y a là-bas des pesanteurs qui participent à son maintien, mais dont il vaut mieux ne pas parler. Soit dit en passant, elle est dans sa 10ème année au gouvernement, mais le Togo demeure scotché à deux opérateurs de téléphonie mobile. Hier, on a parlé des ministres « avec Eyadema ». Bientôt, on parlera des ministres « avec Faure ».

Godson K.

Source : Liberté

Source : 27Avril.com