Arrêté la semaine dernière, le journaliste d’investigation Ferdinand Ayité est accusé de diffamation et d’outrage contre l’autorité, suite à des plaintes de deux ministres. Mais, pour Samari Tchadjobo, une autre personnalité du haut sommet de l’Etat se cacherait derrière les malheurs du confrère.
Lire aussi : Dernière minute : ça chauffe à l’audition de Ferdinand Ayité
Ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays du point de vue de la persécution de tous ceux qui pensent autrement que ceux qui prétendent nous diriger, ressemble plutôt à de la panique. L’impression que tout observateur lucide pourrait avoir sur cette façon de montrer ses muscles de façon disproportionnée et désordonnée de la part du pouvoir togolais, est bien sûr le manque d’assurance au sein de l’autorité dirigeante.
On ne dirige pas un pays en allant quotidiennement contre ce que le citoyen a de plus cher en lui: sa liberté, sa sécurité et surtout sa vie. Depuis quelques années ce sont plusieurs dizaines de Togolais et de Togolaises qui croupissent en prison pour des raisons politiques et qu’on refuse de libérer. Le propre demi-frère du président togolais fait partie de ces embastillés dont la majorité sont arrêtés ou plutôt enlevés dans des conditions rocambolesques sans raison apparente.
Lire aussi : Secret de Palais : Faure Gnassingbé aurait-il abandonné Reckya Madougou ?
Le 04 novembre dernier c’était notre compatriote de la diaspora suisse Jean-Paul Omolou, en séjour au pays, qui fut enlevé par une horde d’hommes en treillis armés jusqu’aux dents. jeudi 09 décembre 2021 nous apprenions la convocation des directeurs de publication des journaux « L’Alternative » et « Fraternité, Ferdinand Ayité et Joël EGAH à la Brigade de Recherches et d’Investigation de la police nationale (BRI). Aux dernières nouvelles les deux journalistes sont placés sous mandat de dépôt et incarcérés. Le rédacteur en chef de « L’Alternative » et présentateur de « L’autre journal » Isidore Kouwonou s’en est sorti avec un placement sous contrôle judiciaire. Aujourd’hui c’est au tour de l’activiste Fovi Katakou d’être kidnappé à son domicile à Lomé, tout d’abord pour une destination inconnue. Le fait qu’il soit obligé de se déplacer à l’aide d’une chaise roulante à cause de son handicap physique ne les a pas du tout dissuadés de l’embarquer sans ménagement, peu importe ce qu’on pourrait lui reprocher. Peut-on aller aussi loin dans la négation de la dignité humaine?
Dans tous ces kidnappings ou enlèvements d’opposants au régime togolais la méthode et le scenario semblent être les mêmes: des militaires ou gendarmes lourdement armés surgissent dans le quartier, font peur à tout le monde, avant d’investir la maison de leur cible du jour. Ne leur demandez surtout pas d’après un mandat d’emmener; ils n’en ont pas et ils n’en ont cure. Ici c’est la force qui parle; la raison du plus fort. Messieurs et Dames qui voudraient parler de ce qui est écrit noir sur blanc dans le code pénal ne sont pas les bienvenus ici. Revenons au malheureux ou à la malheureuse du jour qu’ils ont embarqué pour une destination inconnue en laissant derrière des parents en larmes. C’est maintenant que commence le parcours du combattant pour la famille pour retrouver leur frère ou sœur. Commence alors le va-et- vient entre commissariats et gendarmeries, et même la visite des camps militaires n’est pas exclue; car au Togo tout est possible; tout dépend de celui ou ceux qui ont envoyé chercher l’opposant qui ne veut pas se tenir tranquille. En dehors du stress et de l’incertitude, s’ajoute pour la famille la peur de ne pas savoir dans quel état elle retrouvera son parent arrêté ou plutôt enlevé il y a quelques heures. Tout ceci n’a-t-il pas les caractéristiques d’un état qui ne se respecte pas et ne respecte surtout pas ses citoyens?
Lire aussi : Togo : voici le nouveau nom de la BTCI
Les opposants ou les journalistes les « plus chanceux » sont ceux qui ne sont pas brutalisés avant d’être jetés en prison. C’est ceux-là qui sont convoqués au SCRIC ou à la BRI pour être écoutés même si leur sort est déjà scellé quel que soit ce qu’eux-mêmes ou leurs avocats pourraient opposer comme arguments juridiques. N’est-ce pas aujourd’hui le cas de Ferdinand Ayité et de son collègue de « Fraternité » Joël EGAH? Seuls les naïfs ne savaient pas que cette liberté de parole et d’écriture que se sont donnée Ferdinand Ayité et ses collègues à « L’Alternative » gênait au plus haut niveau du régime togolais. Surtout ces émissions télévisées-« L’autre Journal »- diffusées sur les réseaux sociaux faites de critiques et de dénonciations au vitriol donnent beaucoup d’insomnies aux profiteurs de la dictature qui auraient souhaité que leurs abus de toutes sortes et leurs crimes ne soient sus par personne et qu’ils continuent à jouir de l’impunité totale.
Nous apprenons, au moment où nous écrivons ces lignes que les directeurs de publication de « L’Alternative » et de « Fraternité » Ferdinand Ayité et Joël EGAH sont placé sous mandat de dépôt par le juge d’instruction. Pourtant vendredi dans la journée l’avocat Me Elom Kpadé de Ferdinand Ayité évoquait dans un message-audio diffusé sur les réseaux sociaux le caractère vide du dossier et l’impossibilité pour le commandant de la BRI (Brigade de Recherches et d’Investigation de la police nationale) de lui montrer les supposées plaintes des deux ministres, parce que tout simplement il n’y en avait pas. Malgré l’absence de délit reproché au journaliste, le responsable des lieux décide de le placer en détention. Et par un tour de passe-passe digne des républiques bananières Ferdinand Ayité et Joël EGAH, entre-temps convoqué à son tour à la BRI, se retrouvent devant le juge d’instruction qui les place sous mandat de dépôt; en d’autres termes ils doivent restés en prison. Quant au rédacteur en chef de « L’Alternative » Isidore Kouwonou, il est placé sous contrôle judiciaire.
Lire aussi : Echos du Conseil des Ministres : Faure Gnassingbé veut mettre de l’ordre dans les locations de maisons
Tout ce qui précède semble avoir un air de déjà-vu. Les Togolais ne sont-ils pas habitués depuis longtemps à ces arrestations, enlèvements ou kidnappings de paisibles citoyens qui, pour la plupart ont eu la malchance d’être au mauvais endroit au mauvais moment? Les dizaines de prisonniers politiques, enlevés manu-militari et qu’on laisse mourir un à un, ne sont-ils pas un exemple édifiant à cet effet? Nous sommes convaincus qu’il existe des personnages obscurs dans le sérail, au sein du pôle de décision autour de Faure Gnassingbé qui se croient tout permis en concentrant les pouvoirs militaire, judiciaire.. etc entre leurs mains. C’est eux qui tirent les ficelles; c’est eux qui décident qui il faut arrêter, et de quelle manière; c’est eux qui décident quelle peine il faut leur coller pour qu’ils ne soient plus en liberté pour « déranger ». Une fois emprisonnés, c’est toujours eux qui décident quand il faut les libérer. Tout ces scenari auprès du commandant de la BRI qui n’arrive pas à prouver ce que lui-même avance, ce cinéma auprès du procureur de la république ou du juge d’instruction ne sont que des formalités pour trouver un habillage juridique à la mascarade décidée depuis le haut-lieu.
Lire aussi : Sommet sur la Démocratie : comprendre pourquoi Joe Biden a exclu le Togo
Et les dernières informations qui nous arrivent de Lomé au moment nous finissons cet article sont de nature à nous conforter malheureusement dans notre conviction que les raisons des ennuis actuels de Ferdinand Ayité et de son collègue Joël EGAH sont tout autres que judiciaires. Les deux ministres-pasteurs Adédzé Kodjo et Pius Agbétomey se seraient certes plaints auprès du Premier Ministre, mais n’auraient pas souhaité l’allure qu’a prise cette affaire qu’il convient désormais d’appeler Affaire Ferdinand Ayité. Le chef du gouvernement togolais Victoire Tomégah Dogbé serait bel et bien l’initiatrice des déboires du directeur de publication de « L’Alternative » et de ses collègues. Très inquiétant et très dangereux quand les éléments qui mettent à mal l’indépendance de la justice viennent du sommet de l’état.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : Togoweb.net