En 1952, les premières recherches de phosphate au TOGO
aboutirent à la découverte d’un gisement sédimentaire étendu,
relativement important et d’une qualité exceptionnelle. La production
annuelle en phosphate marchand est passée de 119 500 tonnes en 1961 à 2
932 800 tonnes en 1980 et à 3 280 000 tonnes et 3 390 000 tonnes
respectivement en 1988 et en 1989. La capacité des installations dont
disposait l’Office Togolais des Phosphates (OTP), aurait dû permettre
une production annuelle moyenne en phosphate marchand, voisine de 3 300
000 tonnes. Fer de lance de l’économie togolaise dans les années 1970,
les phosphates sont passés dans la zone rouge depuis la fin des années
1980 et n’en sont jamais sortis. En témoigne il y a quelques années, les
déclarations du Ministre Dammipi devant l’Assemblée Nationale Togolaise
mentionnant que, l’OTP ne tenait plus de comptabilité depuis une
dizaine d’année.
Lire aussi:Salaire mensuels des DG: 8 millions pour le DG de SNPT
Rappelons que l’extraction du phosphate togolais et sa
commercialisation ont commencé en 1957 par la Compagnie Togolaise des
Mines du Bénin (CTMB). La CTMB, dont l’État togolais détenait 35% du
capital, sera nationalisée en 1974 avec la création de l’Office Togolais
des Phosphates (OTP). En 2002, l’OTP deviendra l’International
Fertilizer Group, (IFG-Togo) avec la participation des partenaires
tunisiens au capital dont la dotation a été porté à 9 milliards de FCFA.
Le 14 mai 2007, le gouvernement togolais va dissoudre IFG-TOGO et créer la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT).
Evolution de la production et des exportations 2003-2013.
Le recul de la production du phosphate était déjà acté depuis des
années, lorsqu’en 2003 la société enregistre une production de 1 471 000
tonnes et une exportation de 1 356 000 tonnes. La part du phosphate qui
avoisinait dans les années 70-80 20% du PIB est passée à 10% voire 5%
en 2003. On est loin des 3 390 000 tonnes enregistrés en 1989. Cette
chute de la production est essentiellement due, selon les rapports de la
banque de France, je cite : « au retard constaté dans le renouvellement
de l’outil de production consécutive à la mauvaise gouvernance de la
société. Les revenus engrangés sur les 20 ans (1970- 1990) n’ont pas été
convenablement gérés afin d’anticiper le vieillissement de l’outil de
production, la baisse des cours mondiaux et l’insuffisance de l’énergie
indispensable au bon fonctionnement de l’industrie du phosphate », fin
de citation.
ENTRE 2003 ET 2013, LE TOGO A PRODUIT 10 976 400 TONNES DE PHOSPHATES SOIT PLUS DE 670 MILLIARDS DE FCFA EN MOYENNE DE
REVENUS POTENTIELS.
Lire aussi:Scandale à l’OTR: Philippe Tchodiè et les 500 millions de Moov-Togo
Les phosphates vont devenir une ressource critique dans un contexte de démographie et de besoins alimentaires en forte croissance. La Chine et le Maroc produisent les 2/3 de la production mondiale et cela va s’accentuer. Selon les experts, au rythme d’extraction actuel, il n’y aura plus de gisement de phosphates dans 90 ans, vers 2100. Pourtant, la demande et l’utilisation des phosphates vont continuer à croître.
L’agriculture n’est pas prête de se passer des engrais
(phosphates, potasse et azote) et des spécialistes australiens ont
prédit que les engrais vont voir leur prix exploser de 500 à 1000% dans
les 20 à 30 prochaines années.
Production
C’est à partir de 2002 que la saga de la restructuration du secteur a
commencé pour se terminer avec la création de la SNPT en 2007. C’est
également en cette année 2007 que la production est passée sous la barre
symbolique de 1 millions de tonnes. Pendant qu’une guerre du contrôle
du secteur sévissait au cœur du pouvoir, la production connait une
baisse de 36% alors que le cours mondial gagnait environ 59% en moyenne
sur les années 2006 et 2007.
Il faut relever que c’est en cette année 2007 que les autorités
togolaises se sont rendu compte que l’usine des phosphates avait besoin
d’énergie électrique pour fonctionner à plein régime. Aucune
anticipation tendant à résoudre ce problème pendant les années de vache
grasse n’a été fait. Un accord de financement de 30 milliards FCFA a été
signé en 2007 avec la Banque Islamique de Développement (BID). Une
légère reprise a été constatée en 2008 avec une production de 842 500
tonnes. En cette même année 2008, un audit stratégique a été lancé par
les autorités du Togo afin de résoudre les difficultés qui se posent à
la société.
Le double investissement de plus de 12 milliards FCFA (18,3 millions
d’euros) et 76 milliards de FCFA (116 millions d’euros) opéré entre 2007
et 2008 n’ont pas permis au secteur de redémarrer. La production en
2009 connait une nouvelle baisse de 14% passant à 725 500 tonnes. Cette
tendance baissière va d’ailleurs se confirmer en 2010 avec un recul de
4% pour une production de 695 200 tonnes.
C’est finalement en 2010 que la production est repartie à la hausse
avec des progressions respectives de 24%, 28% et 9% en 2011, 2012 et
2013. La production est donc passée de 862 100 en 2011 à 1 110 400 en
2012 et 1 213 700 en 2013. En définitive, sur les dix dernières années,
la production du phosphate est passée de
1 471 000 tonnes en 2003 à 1 214 000 tonnes en 2013, soit un recul de 17,47%.
La production totale est estimée sur ces dix ans à 10 976 400 tonnes.
Lorsque nous considérons, la valeur mensuelle moyenne des cours
mondiaux du phosphate sur ces 10 ans (2003-2013), nous avons des
recettes potentielles de 670 milliards de FCFA pour la société.
Lire aussi:Détournement de 17 milliards à l’OTR: les vrais voleurs courent toujours
Exportation
C’est au cours de nos investigations, que nous nous sommes rendu
compte à travers les rapports de la Banque de France, qu’à côté de la
production, existait des chiffres sur les exportations. En réalité, ce
sont ces exportations qui représentent les ventes annuelles de la
société. Ce que nous avons constaté, c’est que les chiffres publiés sur
les exportations ont disparu des rapports de la Banque de France à
partir de 2009.
Ces exportations ont baissé de 49% passant de 1 356 000 tonnes
enregistrés en 2003 à 686 500 tonnes enregistrés en 2008. Les
exportations ont parfois dépassé la production au cours de la même
année. Ceci est peut-être dû au fait que les stocks invendus de l’année
n-1 ont été vendus avec la production de l’année.
Production / PIB & Budget
En 1989, la production du phosphate au Togo qui tournait autour de
20% du PIB, a atteint 3 390 000 tonnes pour environ 59 325 000 0001 de
FCFA. Depuis, la production a considérablement chuté et ne représente en
2013 que 4,18% du PIB, 12,94% du budget avec un cours moyen de 148$ la
tonne et une valeur d’environ 89,8 milliards de FCFA. Nous voulons
mentionner ici, que les négociations de vente de matières premières
notamment du phosphate sur le marché mondial, se fait par le biais de
contrats à terme. Par conséquent, il se peut que le prix de négociation
du gouvernement togolais en 2013, soit supérieur ou inférieur à 148 $
us.
Dans l’un des documents de cadrage du gouvernement (Stratégie de
Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi), des projections ont
été avancées pour revenir au niveau de production de 1989. Cette annonce
a d’ailleurs été faite depuis 2009 avec la restructuration de la
société que nous avons décrite plus haut. Il faut souligner que malgré
les restructurations, ce niveau de production de 1989 tarde à se
concrétiser.
En 2012, le rapport de la Banque de France, mentionne je cite : « La
deuxième phase de ce programme consiste à retenir un investisseur pour
l’exploitation du phosphate carbonaté et à industrialiser la filière par
la construction d’une usine d’acide phosphorique ou d’engrais. L’appel
d’offres pour l’exploitation du phosphate carbonaté, lancé en avril 2011
et relancé en novembre 2012, a rencontré l’intérêt de plusieurs grandes
entreprises minières internationales ».
À ce jour, rien de façon officielle ne démontre que ces annonces ont été concrétisées.
Contribution de la SNPT au budget de l’état
Penchons-nous à présent sur la contribution de la SNPT au budget de
l’Etat en termes de recettes fiscales et non fiscales. Il faut
mentionner que normalement, c’est la loi de règlement qui devrait
retracer avec précision et transparence la contribution de la SNPT au
budget de l’Etat, aussi bien en termes de recettes fiscales que non
fiscales. Soulignons par ailleurs, que l’Etat togolais est actionnaire
de la SNPT à 100% et que cette actionnariat est l’un des secrets les
mieux gardés de la république, bien plus que certains hommes d’Etat du
pays. A défaut d’avoir les informations de la loi de règlement, nous
avons examiné le budget 2014 et 2015 pour retracer les montants versés
par la SNPT en guise de recettes fiscales et non fiscales pour le compte
des exercices 2013, 2014 et 2015.
Cas des recettes fiscales
Au niveau des recettes fiscales, la SNPT a procédé au titre de
l’Impôt sur les sociétés (IS) plusieurs versements à l’état togolais
comme l’indique le tableau 2. On constate une progression de 38% en 2015
par rapport à 2013. Le gouvernement prévoit donc en 2015 percevoir un
IS d’une valeur de 1 035 000 000 FCFA contre 750 000 000 FCFA perçus en
2013. Il faut juste mentionner que ces recettes sont nettement moins
importantes que celles des autres entreprises d’Etat telles que la
Lire aussi:OTR: 5 agents condamnés pour avoir détourné près 20 milliards
LONATO, TOGOCELLUAIRE ou TOGOTELECOM.
Nous avons considéré une valeur moyenne de 35$ la tonne ; 1$ correspond à 500 FCFA.
Valeur en FCFA Rapport Production 2013. 89 813 800 000 Budget 2013 694 000 000 000 12,94% PIB 2013 2 151 000 000 000 4,18%
Cas des recettes non fiscales
Au titre des recettes non fiscales, la société a versé des dividendes
à l’Etat pour les exercices 2013, 2014 et 2015. Contrairement à ce qui
se passe au niveau des recettes fiscales, le gouvernement prévoit des
dividendes en baisse de 40% en 2015 par rapport à 2013. Les dividendes
passent ainsi de 5 milliards de FCFA en 2013 à 3 milliards de FCFA en
2015. A ce niveau également, force est de constater avec surprise que
les dividendes versés par une société telle que TOGOTELECOM sont
largement supérieurs à ceux de la SNPT qui est considérée comme l’une
des plus grandes entreprises du pays.
Evolution du cours mondial et des recettes potentielles de la SNPT entre 2003 et 2013.
Nous ne pouvons pas passer sous silence dans ce document, l’évolution
du cours mondial du phosphate sur les 20 dernières années d’autant plus
qu’une analyse de l’évolution des recettes potentielles de la SNPT
entre 203 et 2013 sera effectuée dans le paragraphe suivant.
Evolution du cours mondial du phosphate
Sur les 20 dernières années (1995-2015), l’évolution du cours mondial
du phosphate s’est déroulée en quatre grandes étapes. La première
période qui est comprise entre 1995 à 2007, enregistre une moyenne des
cours qui est restée inférieure à 50 $ us la tonne. La seconde période
qui couvre les années 2007-2008, verra une envolée des cours avec un pic
à plus de 400 $ us la tonne. Le niveau des cours va redescendre lors de
la troisième période, entre 2009 et 2010 avec une moyenne qui va
fluctuer autour de 120 $ us la tonne. Le cours va connaitre une deuxième
phase de croissance à partir de 2011 avec des pics à plus de 200 $ us
la tonne. En définitive, le cours enregistre une moyenne de 89,22$ la
tonne sur les 20 dernières années et une moyenne de 122,19$ us la tonne
entre 2003 et 2013.
Evolution des recettes potentielles de la SNPT
Naturellement, les recettes potentielles2 évaluées annuellement grâce
aux cours moyen annuels, suivent l’évolution des cours mondiaux. Les
recettes estimées passent ainsi de 28 milliards de FCFA en 2003, à 145
milliards de FCFA en 2008 pour finir en 2013 à environ 90 milliards de
FCFA. Il est clair qu’une mesure de la corrélation entre les vrais
revenus de la société et l’évolution du cours moyen mondial aurait pu
nous permettre de savoir s’il existe un écart entre ce qui est vendu et
ce qui est perçu. Il est clair qu’aucun chiffre n’est disponible sur les
revenus réels engrangés par la SNPT.
Les rapports annuels, les rapports d’activité ou les états financiers
de la société ne sont disponibles. Aucun de ces documents ne figure sur
le site internet de la SNPT.
Comment tirer profit de notre phosphate ? L’industrie de phosphate
devrait être en principe le fer de lance de notre économie. Le modèle de
croissance que le Togo devrait bâtir pour construire un secteur
secondaire, devrait normalement se baser sur notre secteur de phosphate
et cela pour deux raisons principales.
Le plus grand gisement minier du Togo
Selon les investigations de l’United of States Bureau of mine (2001),
les réserves du Togo sont estimées à 60 000 000 de tonnes. Cela fait du
phosphate, le gisement du Togo le plus exploitable dans la durée.
L’expérience dans l’ingénierie du phosphate
Parmi tous les gisements en exploitation actuellement dans le pays,
celui du phosphate est celui pour lequel nous pouvons estimer qu’il n’y a
plus d’investissement à opérer pour la formation des ingénieurs,
techniciens ou ouvriers. L’exploitation du gisement date de 1957. A ce
titre, le Togo devrait nécessairement faire partie des pays producteurs
les mieux expérimenté et aguerri face à la volatilité du marché.
Rappelons que le rapport 2013 de la Banque de France classe le Togo à la
quatrième place mondiale. De notre point de vue, après 57 ans
d’exploitation des gisements de phosphate, le Togo ne devrait plus
rechercher des capitaux extérieurs pour développer les autres gisements
de notre pays. Toute l’industrie minière devrait se développer grâce aux
ressources provenant de l’industrie du phosphate qui au demeurant
aurait déjà du être totalement industrialisée.
Le niveau de production requis
Il est clair aujourd’hui que le Togo aurait déjà dû retourner au
niveau de production des années 80, soit plus de 3 millions de tonnes
par an. Il est vrai que cette capacité de production est fonction de la
qualité de l’outil de production. Cependant, un montage financier
adéquat aurait pu permettre de disposer d’outils nécessaires suffisants
pour optimiser la production. Nous espérons que contrairement aux
prévisions de la SCAPE, ce niveau de production sera très rapidement
atteint.
D’autre part notre souhait, est que des experts togolais puissent
disposer des rapports annuels sur l’exploitation du phosphate afin de
pouvoir apporter leurs idées à l’amélioration de la productivité de
notre industrie de phosphate.
La nécessité d’adosser des industries de transformations à notre phosphate
Le Togo a pour ambition de construire une économie émergente à
l’horizon 2030. Ce que nous avons jugé quasiment impossible dans les
conditions actuelles (confère article du 17 février 2015). Cependant,
cette émergence, si elle devait s’opérer, doit nécessairement passer par
la construction d’un secteur secondaire dynamique. Aussi, nous estimons
que très rapidement, avec des capitaux togolais, deux industries de
transformations soient adossées à notre phosphate. Nous voulons parler
d’une industrie de fabrication d’’acide phosphorique et d’une industrie
pour la fabrication d’engrais. Cela résoudrait durablement nos problèmes
d’approvisionnement en engrais. C’est le véritable chemin de création
d’emploi.
Pour conclure, nous dirons qu’avec une transparence totale, une
amélioration de la gestion de notre industrie de phosphate et l’adoption
d’un modèle de croissance adéquat, le Togo peut rapidement à partir de
l’exploitation de ce gisement, construire un secteur secondaire capable
de porter la croissance de notre économie et nous conduire à l’émergence
tant souhaité.
Source : Togoweb.net