« Notre liberté dépend de la liberté de la presse, et elle ne saurait être limitée sans être perdue » (Thomas Jefferson)
Le ciel s’obscurcit en ce début d’année pour les médias indépendants au Togo. Presque tous les journaux jugés critiques vis-à-vis du régime de Faure Gnassingbé sont dans l’œil du cyclone. La liberté de presse est ainsi mise à rude épreuve. Les déboires ont commencé début février quand la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a pris une double décision de suspension du quotidien privé « Liberté » et du bimensuel « Tampa Express » pour trois mois chacun.
Si le quotidien « Liberté » a vu sa suspension annulée un mois plus tard, le 2 mars 2023, par une décision de justice, notamment de la Chambre administrative de la Cour suprême de Lomé, une décision qui n’était pas du goût de certaines personnes au sérail, la sanction contre « Tampa Express » a été, quant à elle, maintenue. Mais le confrère n’était pas au bout de ses peines. Manifestement non satisfait des trois mois de suspension infligés au journal, le PDG de Togo Terminal porte cette fois-ci plainte à la justice pour « injure, diffamation et publication de fausses informations ».
Le Directeur de publication de Tampa Express, Francisco Napo Koura est cité à comparaître le 15 mars 2023 par-devant le Tribunal de Grande Instance de Lomé. Le conseil du plaignant demande à la justice de condamner le prevenu « à payer à Monsieur Charles Kokouvi Gafan la somme de 30 millions de FCFA » et d’« ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans caution ».
Dans la foulée, l’affaire concernant les confrères Ferdinand Ayité, Directeur de publication du bihebdomadaire « L’Alternative » et feu Joël Egah de l’hebdomadaire « Fraternité » a été dépoussiérée. Les deux journalistes qui avaient été emprisonnés pendant quelques semaines fin 2021, pour avoir critiqué deux ministres de Faure Gnassingbé, ont été convoqués à comparaitre ce jour, 8 mars 2023 au palais de Justice de Lomé. Comme si ça ne suffisait pas, Ferdinand Ayité a été convoqué le dimanche 5 mars 2023 par le Service central de recherches et d’investigations criminelles (SCRIC), la police politique du régime togolais. Depuis, le confrère est porté disparu.
Il est utile de rappeler, que quelque temps après leur sortie de prison le 31 décembre 2022, Joël Egah décéda subitement le 6 mars 2022 alors qu’il ne présente aucun signe apparent de maladie. A ce jour, les circonstances de son décès n’ont toujours pas été élucidées. Aujourd’hui, c’est Ferdinand Ayité qui est introuvable. Ses proches n’ont plus de nouvelles de lui.
Pour confirmer qu’il y a un plan ourdi contre les médias indépendants au Togo, la vieille affaire de rétrocomissions dans la réfection de l’axe routier Lomé-Vogan-Anfoin vient d’être aussi ressuscitée. Carlos Kétohou, Directeur de publication de l’hebdomadaire « L’Indépendant Express », un journal interdit de publication depuis janvier 2021, a été convoqué à deux reprises cette année, le 4 janvier et le 22 février 2023 à comparaître par devant la Chambre correctionnelle du tribunal de Première instance de Lomé par le conseil de l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Adji Oteth Ayassor.
Or cette affaire date déjà de huit (08) ans. Des médias avaient révélé à l’époque que la construction de la voie Lomé-Vogan-Anfoin avait donné lieu à une malversation financière portant sur les 26 milliards de FCFA. Une partie de ces fonds, destinés à la réfection de cette route, s’est volatisée et les travaux ont été abandonnés, avant d’être repris par l’entreprise chinoise CRBC pour un nouveau montant de 31 milliards de FCFA.
CECO BTP, la société à laquelle le marché avait été attribué et deux ministres de Faure Gnassingbé avaient été indexés par les médias qui avaient été tous assignés en justice. Huit ans après, des barons du régime qui ont le glaive vengeur, dépoussièrent cette vieille affaire pour réduire au silence les médias insoumis…
Médard Amétépé
Source : Liberté
Source : 27Avril.com