Quand le HCRRUN invite des experts rwandais pour partager leur expérience de sortie de crise sociale et de réformes institutionnelles et constitutionnelles, c’est aussi beaucoup d’encre et de salive qui coulent. Si cette initiative de l’institution présidée par Mme Awa Nana-Daboya est décriée un peu partout, la logique de la vice-présidente de l’ANC n’en est pas moins curieuse !
« Le Rwanda pour nous n’est pas un pays type dans le processus de réformes au Togo tout simplement parce qu’il a sauté les verrous de la limitation de mandats. Ce qui pour nous est très important », a contesté Mme Isabelle Améganvi.
Il est fort à craindre que la vice-présidente de l’ANC aie réduit la question des réformes institutionnelles et constitutionnelles à la juste cause de la limitation des mandats, qui n’est pourtant qu’une infime partie de l’iceberg quoique très importante.
En juillet 2016, à l’issue des travaux de l’atelier sur les réformes, les participants de tous bords ont analysé « qu’on est dans un système politique où le président est prépondérant, il est la clé de voûte des institutions. C’est pour ça d’ailleurs que tous les débats tournent autour de cette fonction ».
Ils ont alors conclu qu’il faut ramener la fonction de président de la République « dans une proportion raisonnable pour qu’elle devienne moins attrayante et qu’elle ne fasse pas l’objet de beaucoup de polémiques ». En clair, il fallait réajuster « le régime politique » dans la perspective des réforme. Ce n’est donc pas une question exclusive de limitation des mandats comme on semble le dire ici et là dans les interventions.
Dans son intervention, Mme Isabelle Améganvi maintient que «Ce pays (Ndlr- Rwanda) sort d’une guerre civile et est loin d’être une référence en démocratie. Il y a bien d’autres pays qui sont bien placés en matière de démocratie comme le Bénin, le Ghana, le Sénégal. Nous ne nous inscrivons pas dans cette logique ».
Il faut néanmoins comprendre que même éloigné, ce pays a une histoire semblable au Togo. Des années 1990 à nos jours, c’est par milliers qu’on compte les morts tant aux lendemains de scrutins qu’en contexte de règlement de comptes et d’abus d’autorités. La paix et la cohésion sociales sont menacées par les politiques, des discours régionalistes et tribalistes comme ce qui provoqua le génocide au Rwanda. S’il faut compter ceux qui meurent de faim, de manque de soins de santé créées par la mauvaise gouvernance, c’est par millions qu’on les comptera dans l’histoire récente du Togo.
L’analyse de la situation actuelle du Rwanda décline une conclusion inévitable : Même si ce pays traîne un seul chef d’Etat depuis l’année 2000 (Paul Kagamé), les populations ont intellectuellement mûri et les démons des guéguerres tribalistes, régionalistes et divisionnistes, de la mauvaise gouvernance semblent hors d’état de nuire d’une façon globale.
Ce pays a séduit les partenaires techniques et financiers au développement comme le FMI qui ne se lassait pas dans un rapport récent en 2017, d’en faire des éloges. A Kigali, le pouvoir est partagé et l’autorité des gouvernants a de sérieuses limites selon les témoignages des experts reçus par le HCRRUN. L’espace de liberté citoyenne est ainsi élargi.
Le respect de l’autorité établie est évident. Selon le professeur Anastase Shyaka, l’espace politique n’est plus l’apanage d’une minorité. Le peuple rwandais en a fait un acquis, ainsi que l’accès de tous aux ressources de l’Etat. Pour un pays aussi déchiré par la bassesse et les égos politiques à point d’en arriver au génocide, le Togo n’a rien à envier à son niveau d’organisation socio-politique et économique.
Dans ses interventions, le président de la délégation d’experts rwandais, le professeur Anastase Shyaka, précise toutefois que le Rwanda n’est pas là pour enseigner les réformes au Togo. Et à madame Awa Nana-Daboya de renchérir que « c’est un travail de partage d’expériences ».
Néanmoins, la tendance du HCRRUN à courir derrière les expériences de pays ayant passé outre la limitation de mandats pose des inquiétudes.
Au cours de l’atelier de Juillet 2016, c’était le royaume du Maroc qui fut à l’honneur, puis le Rwanda maintenant. Mais il y a bien d’autres pays Comme le Ghana et Bénin, dont on peut s’inspirer comme l’a invoqué Me Isabelle Améganvi.
Aspire-t-on à faire du Togo un royaume ? Ce n’est pas exclu vues les fourberies avec lesquelles le régime de Faure Gnassingbé dirige le dossier des réformes.
A. Lemou
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