« Le tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore » – Wolé Soyinka
Le peuple togolais manifeste depuis plus de quatre mois à travers le pays. Les revendications sont précises et postulent l’alternance au pouvoir et une gestion démocratique de la nation au profit de tous ses enfants. Faure Gnassingbé ne compte pas quitter le pouvoir ni aujourd’hui ni demain et ne vise que la captation ad vitam aeternam de la fonction. Pour lui, la foule de plus de plus en immense des togolais déferlant contre son régime compte pour quantité négligeable tant qu’il dispose de la force armée, des leviers économiques du pays et des complicités affairistes étrangères.
L’entonnoir du dialogue politique au Togo
La CEDEAO vient de clore ses travaux à Abudja. Les chefs d’Etat ont recommandé le dialogue comme solution à la crise au Togo dans le respect de l’ordre institutionnel et constitutionnel du Togo. Un dialogue sans médiateur mais garanti par des facilitateurs qui remettent donc son organisation et sa conduite au gouvernement en place. Faure Gnassingbé pose de vrais préalables ce 17 décembre dans l’interview accordée à l’hebdomadaire jeune Afrique : il veut un dialogue et non une conférence nationale bis. Il ne veut pas entendre parler du sujet de son départ de la présidence ni de l’alternance à la tête de l’Etat. Il se donne même le droit de composer les délégations de l’opposition au dialogue et maîtriser ainsi l’ordre du jour et la nature des acteurs. C’est donc à un véritable marché de dupe que le peuple et ses représentants sont encore conviés. Le seul résultat attendu est le statu quo. La question de l’utilité du dialogue se pose plus que jamais.
Ruer dans les brancards et sortir du piège
Nous le savons, aucun peuple n’a jamais renversé une dictature en louvoyant, en dialoguant et en négociant. Ces nobles outils n’ont jamais servi qu’à la légitimer sans la renverser. On la prend d’assaut en consentant les sacrifices nécessaires. La révolution togolaise n’y coupera pas. Les égyptiens, les tunisiens, les burkinabés n’ont pas eu besoin de plus du million de personnes dans la rue encore moins de dialogue pour renverser leurs régimes respectifs. L’armée togolaise est fragmentée, le parti-État UNIR n’est plus homogène. Il convient d’élargir les fissures en les défiant et en les éprouvant. Le peuple est prêt, il faut lâcher les amarres. Les appuis sont latents et disséminés au sein de toutes les instances de l’Etat. Ils ne deviendront des alliés qu’à partir d’un niveau criticité de la lutte que les « sages marches » vers la plage ne permettront jamais d’atteindre. La communauté internationale observe et légitimera la partie qui sort gagnante de la confrontation sans aucun état d’âme. Sa seule visée est la stabilité du Togo quel que soit le type de régime qui le gouverne.
Le caractère pacifique de la révolution au Togo est une bonne chose. Son aspect policé et très respectueux des balises du pouvoir qu’il entend combattre ne manque pourtant pas de questionner. Le pouvoir togolais, intrinsèquement tourné contre le peuple, ne changera pas de lui-même encore moins par les négociations. C’est entendu. Il faut travailler non à sa réforme mais à sa chute. Il faut intensifier les armes de la désobéissance civile. Il faut paralyser plus encore le pays. Il faut prôner la révolte fiscale. Hausser le ton, ébranler la satrapie dans ses bases, crédibiliser l’action du peuple, rendre le Togo ingouvernable et susciter progressivement la défection des rangs des soutiens du régime : l’armée, les investisseurs internationaux, les Etats partenaires. Prôner le boycott des produits des pays partenaires du régime principalement la France qui fournit le matériel militaire, les instructeurs et les coopérants. Parallèlement, il faut prendre le pouvoir au jeu de l’atomisation des acteurs du dialogue en proposant comme alternative au dialogue la convocation d’une véritable assemblée constituante chargée de remettre à plat toutes les institutions de la République et de générer une transition en vue de leur mise en place.
L’opposition togolaise doit arrêter les bas calculs politiciens, renoncer aux agendas cachés, prendre la lutte à bras le corps et consentir aux actions idoines susceptibles de lui donner un débouché heureux. Les divagations entre Atikoumé et la plage ne peuvent que perturber sans déboucher sur la victoire si elles ne changent pas de nature et de contenu. N’oublions pas la célèbre formule d’Albert Einstein : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ».
Jean-Baptiste K.
27Avril.com