« Que ce que je veux
C’est pour la faim universelle
Pour la soif universelle
La sommer libre enfin
De produire de son intimité close
La succulence des fruits » –
Aimé Césaire, Cahiers d’un retour au pays natal
Six mois de lutte acharnée ont conduit le peuple à la veille d’une rencontre décisive sur le chemin de sa liberté. le dialogue qui se profile au Togo entre les protagonistes de la crise revêt une importance capitale. il s’agit pour ses hérauts de faire preuve d’un surcroît de vigilance et de bravoure pour tenir dans la bourrasque des pressions et de la duplicité et porter dans sa pureté originelle l’aspiration du peuple. Les politiques doivent oublier à la fois leurs chapelles et leurs égos, de même que les petits calculs mesquins pour n’avoir que le mandat du peuple en claire vision. Somme toute, les représentants du peuple ont la tâche aisée. Ils ont juste à porter les revendications légitimes du peuple. Toute déviance sera une funeste compromission. Aucun délégué ne porte le mandat de faire un compromis au nom du peuple avec le pouvoir en place. Disons-le sans détour. Les porte-voix du peuple n’ont qu’une obligation de moyens et non de résultat. Ce dernier incombe au peuple. L’affirmer, c’est éviter aux délégués la lourde pression du résultat qui fait les compromis bancals et les accords a minima. La liberté de la nation ne saurait encore se jouer au dé.
Dialoguer avec une dictature en vue de l’alternance politique est une démarche atypique qui ne conduit qu’au maintien de la dictature en le légitimant. Mais toute révolution a sa propre couleur et celle portée par le peuple togolais depuis six mois présente celle du drame, de la souffrance et d’une lassitude cinquantenaire. Le Togo est bien le précurseur de la vague meurtrière des coups d’Etat en Afrique. Il est sans doute à la veille d’écrire une nouvelle page de l’histoire africaine en réalisant l’alternance pacifique par le dialogue avec le régime dictatorial en place. Une gageure. Certaines conditions doivent être nécessairement remplies pour arriver à cette heureuse fin.
Pas de mesures préalables, pas de dialogue
Le dialogue inter-togolais apparaît encore comme une drôle de dialogue entre un preneur d’otage et un usurpateur violent face au propriétaire véritable qu’est le peuple. Il n’est tout simplement pas envisageable dans ces conditions de rentrer en discussion avec un fusil sur la tempe. Les méthodes de gangstérisme d’Etat érigées en mode de gouvernement doivent être bannies. Les thuriféraires du régime se répandent en maintes déclarations faisant du dialogue à venir un rendez-vous du donner et du recevoir avec la duplicité manœuvrière de celui qui se prépare à tout rafler c’est-à-dire la conservation du pouvoir. C’est bien à ce marché de dupe que le pouvoir convie les acteurs représentants du peuple. Il convient de ne pas céder à ce chantage odieux et irresponsable. L’enjeu est de taille et se résume simplement : ne JAMAIS dialoguer sans la satisfaction complète des préalables. Toute autre démarche scellerait l’échec du peuple. Si on n’est pas capable d’obtenir l’élargissement de citoyens injustement embastillés, comment peut-on espérer obtenir la satisfaction des revendications légitimes du peuple dont la principale est le retour à la constitution originelle de 1992. Il ne faut absolument pas lâcher sur ce point. La fermeté s’impose.
Éviter le piège du glissement des domaines de revendication du peuple.
Faure Gnassingbé a cru bon de préciser qu’il ne souhaiterait pas de conférence nationale bis, comme si le Togo était suspendu à ses désidératas. Soit ! Le dialogue qui se profile ne saurait être non plus un Accord Politique Global (APG) bis. Tel n’est pas la demande formulée par le peuple. Il situe clairement l’enjeu sur le terrain constitutionnel d’un droit souverain du peuple et non plus sur celui de l’action gouvernementale. La déclaration des 5 diplomaties au Togo et les éléments de langage des porte-parole du pouvoir tendent à amalgamer les enjeux et à aiguiller vers un dialogue portant sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles qui remettraient en selle le pouvoir en place. Il faut faire attention. L’inclusité réclamée à cors et à cris par le pouvoir tire sa logique de cet élément de langage orienté sur les réformes et qui postule directement la présence des partis satellites du RPT/UNIR autour de la table de négociation. Le seul axe de dialogue véritablement opérant est celui du retour à la constitution de 19912 qui porte en filigrane toutes les réformes constitutionnelles et institutionnelles avec le bénéfice net de rendre la souveraineté au peuple et de gager la conduite des réformes sur l’action résolue d’un gouvernement de transition et non sur les manœuvres dilatoires du pouvoir dictatorial en place. Y déroger serait un échec cuisant et certain.
Ne pas craindre la rupture ou l’échec
Contre toute propagande gouvernementale, le peuple dans son expression souveraine n’a pas de concession à faire à ceux qui illégitimement ont usurpé ses droits et mis le pays sous coupe réglée. Il s’agit de sortir de l’idée même de concession mutuelle entre le gouvernement et le peuple et de contraindre les usurpateurs du pouvoir à rendre le bien injustement volé en rétablissant la constitution violée dans sa version originelle. Les pressions de tous ordres tendant à mettre dos à dos le peuple et son agresseur ne sont pas acceptables. Céder aussi à ce niveau serait une rupture de confiance entre le peuple et ses mandataires. Si tel devrait être le cas, il faut de loin préférer l’échec ou la rupture à un compromis qui remettrait en selle la dictature au Togo. Attention donc à ne pas légitimer les forfaitures du régime RPT/UNIR. « Un mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès » dit l’adage. Cela est vrai, sauf face à une dictature. Les 26 dialogues précédents nous l’ont prouvé à suffisance. L’oublier c’est reprendre le chemin de Canossa. Et cela le peuple togolais n’est plus prêt à l’accepter. A bon entendeur ! … demi-mot.
Jean-Baptiste K.
27Avril.com