« La bêtise insiste toujours, on s’en apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi » – Albert Camus, La Peste (1947)
Contre le guet-apens du dialogue….
Le front citoyen Togo Debout a réagi promptement aux propos scandaleux de l’ambassadeur d’Allemagne au Togo, appelant les togolais à aller aux urnes considérées comme la voie de sortie de la longue crise que vit le pays depuis 1963. Cette position de M. Alexander Sanders, relayée par le groupe des 5 accréditations au Togo, a profondément blessé par son anachronisme, la grande majorité de la population togolaise. Nul n’ignore qu’au Togo, les élections frauduleuses ont toujours été le moyen de légitimation du régime usurpé de Lomé 2. Comme si le peuple n’en avait pas assez de ce déni de réalité, l’ambassadeur de France M. Marc Vizy a cru bon d’aller de son humiliation de la nation qui l’accueille en minimisant la crise telle qu’elle s’est nouée depuis le 19 août 2017, ravalée au rang de simples turbulences sociales exagérées par une certaine presse. Ce témoin privilégié de la vie politique togolaise voit pourtant le pays se militariser pendant que la violence et les exactions exercées sur le peuple augmenter de manière exponentielle. La complice et coupable indifférence de la communauté internationale n’est plus à démontrer. Ainsi va le Togo des Gnassingbé, une monstruosité politique au sein de l’espace CEDEAO en plein XXI ème siècle.
Au-delà de la légitime indignation générale, il faut situer la portée de ces prises de position décalées. Quelle vérité portent-elles ? S’agit-il d’un changement de pied du G5 qui traduit ce qu’il considère comme le basculement du rapport de force en faveur de la satrapie ? Le dialogue préconisé auparavant par le même G5 traduisait-il simplement l’équilibre des forces sur le terrain ? Est-ce l’amorce des coups de force et des hold-up électoraux en préparation et de lendemains incertains pour le peuple togolais ? Le G5 nous indiquerait-il déjà le résultat du vote frauduleux envisagé par le dictateur à qui il portera, comme toujours, son onction démocratique ? s’agirait-il enfin de la proverbiale versatilité de la communauté internationale avec laquelle il faudrait compter ? C’est sans doute tout cela à la fois. C’est surtout le déni de la dignité et de l’honneur de tout un peuple meurtri par les affres d’une dictature cinquantenaire. Ces positions de la G5 disent assurément une certaine vérité sur la communauté internationale elle-même y compris la CEDEAO. Il ne serait donc pas surprenant que les solutions en préparation par les facilitateurs et la commission de la CEDEAO recouvrent exactement les voies indiquées par le G5. Gare à l’amnésie qui semble guetter la C14 et partant tout le peuple togolais. Gare à la naïveté et à la crédulité face à la CEDEAO qui n’a jamais fait que soutenir la dictature togolaise et, pire encore comme en 2005, favoriser et imposer son maintien contre la volonté du peuple. Il ne faut pas non plus oublier que l’action de M. Nana Akufo Addo n’a eu pour résultat que de désarmer la coalition des 14 et le peuple tout en faisant la preuve de son incapacité à infléchir un tant soit peu la radicalité du régime de Lomé 2. Au contraire la facilitation est aphone face à la militarisation à outrance et aux violences exercées sur les populations togolaises. Le régime accentue son emprise liberticide sans susciter la moindre condamnation de M. Addo. Deux poids et deux mesures ? La bonne foi des facilitateurs doit à tout le moins être questionnée.
….imposer la nécessité d’une assemblée constituante
Que faire face à ce qui apparaît désormais comme un rouleau compresseur de la communauté internationale et du régime de Lomé 2 décidés à passer en force pour une énième émasculation du peuple togolais ? La naïveté n’a aucune place dans le champ de la contestation face à l’une des dictatures les plus féroces du monde. La C14 vient de l’apprendre encore une fois à ses dépens. Il faut ABSOLUMENT court-circuiter la forfaiture en cours en proposant une voie supérieure de sortie de crise : la convocation d’une assemblée constituante qui rebattrait les cartes politiques au Togo.
Plusieurs avantages peuvent être tirées d’une telle orientation. Le premier étant d’enrayer la machine infernale amorcée par la dictature de Lomé 2 et ses complices de la communauté internationale. Qui ne comprendrait pas le désir d’un peuple décidé à remettre à plat les bases de son fonctionnement, à refonder ses institutions et à consolider les bases du vivre ensemble pour le bien-être et le développement de tous ses fils. Les différentes approches des réformes institutionnelles et constitutionnelles trouveront à s’exprimer, à se confronter et à se consolider dans le consensus général sanctionné éventuellement par un référendum.
Il faut mettre un arrêt aux manœuvres dilatoires et aux sortilèges du pouvoir dictatorial de Lomé 2 par la constituante élargie à toutes les forces vives de la nation y compris la diaspora qui doit nécessairement participer à l’édification de la nation togolaise nouvelle. Cette assemblée inclusive affaiblira considérablement le régime réduit à sa simple expression minoritaire tout en coupant l’herbe sous le pied des partis satellites centristes et écologistes suscités pour être le cache-sexe misérable d’une énième forfaiture électorale. M. Gnassingbé est conscient du danger de la convocation d’une assemblée constituante et le redoute. N’affirmait-il pas dans l’hebdomadaire jeune Afrique qu’il ne souhaiterait pas une conférence nationale bis ? Il oublie juste qu’il n’est pas détenteur de la souveraineté nationale dont il n’est qu’un usufruitier illégitime.
Une attention particulière sera portée à l’armée qui doit nécessairement prendre part aux assises en tant qu’acteur de la scène politique au Togo. Elle devra être partie prenante des décisions et institutions issues de la constituante sous le parrainage de la facilitation communautaire.
La C14 pourra ainsi se désembourber et sortir du guêpier dans lequel l’habileté de la dictature et de ses affidés l’ont enfermée. L’approche holistique s’impose. Le danger c’est l’atomisation et le saucissonnage des réformes qui ne servent que les visées de Lomé 2. Imposer la nécessité d’une assemblée constituante c’est donc reprendre l’initiative de la négociation dans une agora plus diverse et plus élargie avec des règles de prise de décision majoritaire arrêtées par le règlement intérieur. Il n’est pas douteux que la ligne indéfendable du régime de Lomé 2 se noiera dans la volonté majoritaire portée par la constituante.
Le régime de Lomé 2, dans son entêtement suicidaire, est attaché à organiser contre tout bon sens et aux forceps des élections frauduleuses. Cette voie autoritaire de règlement de la crise profonde que traverse le Togo sera éteinte bien plus sûrement par la convocation d’une véritable assemblée constituante que par un hypothétique dialogue dont l’issue et le timing ressortissent de la maîtrise du pouvoir passé maître dans l’art du dilatoire. Il faut mettre plus de pression sur ce régime autiste et embarrasser d’avantage ses complices. La C14 doit, parallèlement à une mobilisation tous azimuts, commencer à communiquer autour de l’idée d’une assemblée constituante et en faire un élément de discussion sérieux avec les facilitateurs afin de l’imposer à la place d’un dialogue-traquenard. La C14 doit saisir les facilitateurs et la commission de la CEDEAO d’une demande explicite en ce sens dans le cadre des recommandations prochaines en vue d’une sortie de crise. Il s’agit d’une fenêtre de tir qu’il ne faudra pas rater. Sans doute sommes-nous au kaïros favorisé par le mouvement du 19 août 2017 et qui donne au peuple togolais, vingt-quatre années plus tard, l’occasion de réussir (enfin) sa conférence nationale souveraine.
25 mai 2018
Jean-Baptiste K.
[email protected]
27Avril.com