Malgré la pression des organismes internationaux de défense des Droits de l’Homme et des organes de presse, le journaliste Ferdinand Ayité et son confrère Joël Egah sont maintenus en détention. Une situation insoutenable pour le clan des journalistes, laquelle est loin de s’apaiser après les révélations de l’avocat Me Kpandé-Adzaré sur le cercle rapproché du ministre de la Justice, Pius Agbetomey.
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Je pense véritablement que ceci n’est qu’une fuite en avant pour justifier les règlements de comptes du Garde des Sceaux, ministre de la justice.
1. Quand bien même les journalistes auraient été associés en amont à la lecture de la Loi N°2020‐001du 07 janvier 2020 portant code de la presse et de la communication, ils ne sont pas ceux qui ont adopté et promulgué cette loi en dernier ressort : je pense à la Représentation nationale, à la Cour constitutionnelle et au Président de la République.
2. J’ose croire que l’intention réelle du législateur en 2004 était la dépénalisation du délit de presse ; c’est-à-dire qu’aucun journaliste ne soit emprisonné pour un délit commis dans l’exercice de ses fonctions. Ok !
3. Premier élément : à la lecture du code de la presse et de la communication, il n’y a pas une définition claire de « réseau social ».
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4. Deuxième élément : cette loi ne définit pas non plus avec exactitude le mot média. On lit seulement à l’article 5 que : « Ne peuvent être reconnus comme organes de presse en ligne les blogs, les réseaux sociaux notamment, Facebook, WhatsApp, Twitter, Imo, Instagram et _autres. Il en est de même des services d’information et de communication au public en ligne dont l’objet principal est la diffusion de messages publicitaires ou d’annonces, sous quelque forme que ce soit. »
5. Troisième élément : il est donc clair que YouTube, cadre d’émission de « L’Autre Journal », n’a pas été expressément mentionné, ni comme organe de presse, ni comme réseau social.
6. Conséquence : il y a un véritable vide juridique, ce qui suppose un doute légal, car la loi pénale est d’interprétation stricte. Le terme autres utilisé reste impropre à une disposition d’ordre pénal. Il est d’ailleurs abusif car lorsqu’il « notamment », il ne saurait y avoir « autre ».
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7. En droit pénal, le doute et la loi pénale plus douce profitent tous à l’inculpé.
8. Alors, si l’intention donc du législateur est de dépénaliser le délit de presse depuis 2004, il n’y avait qu’à chercher si les faits reprochés aux trois journalistes étaient détachables de leur fonction. La réponse est évidemment non : – Ferdinand Ayité, Joël Égah et Isidore Kouwonou sont tous des journalistes possédant leurs cartes de presse. – « L’Autre Journal » est une émission qui a été créée par Ferdinand Ayité, Directeur de publication de « L’Alternance », et qui ne date pas d’aujourd’hui et n’a jamais fait l’objet d’une interpellation de la part de la HAAC. Y sont invités dans les débats, des journalistes.
9. Donc laissons le Garde des Sceaux régler ses comptes à Ferdinand Ayité (et tout le monde sait désormais pourquoi) et ne cherchons pas à accuser des pauvres journalistes, alors que l’intention du législateur ne souffre l’ombre d’aucun doute. Ce qui reste très piteux, c’est d’instrumentaliser une fois de plus l’institution judiciaire qui devrait être, au sens de l’article 113 de la Constitution togolaise du 14 octobre 1992, le dernier rempart contre l’arbitraire.
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10. Les faits dénoncés par le Journal L’Alternative dans sa parution Numéro 944 du 15 juin 202 ne sont pas contestés et donc bien avérés, et l’actuel procureur de la République, hier directeur de cabinet du ministre « plaignant » Pius Agbétomey, est celui qui partageait son bureau avec Jerry Agbétomey, fils du ministre « pasteur plaignant ». Initule de rappeler que le PR Talaka MAWAMA était à l’époque deuxième Substitut.
C’est mon point de vue à moi.
Me Raphaël Nyama Kpandé-Adzaré
Source : Togoweb.net