Retour sur la politique générale du gouvernement Klassou II : Décryptage d’un réchauffé

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Togo

Un régime autocratique qui a fait de la conservation à tout prix du pouvoir son projet de société, s’use avec le temps. Il lui devient impossible de proposer du concret au peuple qu’il soumet aux pires formes d’humiliation, marginalise et opprime au gré de ses humeurs. Un tel régime n’a que faire du jugement de son peuple. L’essentiel pour les tenants de cette forme de gouvernance, c’est de pouvoir trouver des astuces à travers des discours habilement concoctés pour séduire les bailleurs de fonds qui les aident à remplir leurs poches, au grand dam des populations. Ces dernières peuvent attendre, le temps qu’un hypothétique messie vienne les délivrer de leur souffrance.

Le cynisme du régime cinquantenaire que dirige aujourd’hui Faure Gnassingbé n’est plus à démontrer. Quand on sait qu’on n’a pas besoin des suffrages des populations togolaises pour avoir une majorité à l’Assemblée nationale ou pour être réélu à la tête du pays lors de la présidentielle, on peut se permettre certaines « folies » qui dénaturent l’essence même de la gouvernance démocratique. C’est un secret de Polichinelle. Ceux qui sont au pouvoir n’ont jamais gagné d’élections au Togo. Et comme ce ne sont pas les Togolais qui leur ont permis d’avoir ce privilège, pas de compte à leur rendre. Sinon, Selom Komi Klassou, le Premier ministre reconduit dans la nuit du 24 janvier dernier, qui a immédiatement formé son gouvernement dans la même nuit (un record impressionnant), ne peut plus se permettre de se présenter devant l’Assemblée monocolore et procéder à une relecture de la politique générale du gouvernement qu’il avait présentée en 2015 lorsqu’il a été nommé pour la première fois.

D’aucuns pensent que Selom Klassou n’avait pas le choix, puisqu’en trois (03) ans, il n’a rien fait de sa politique générale présentée tambour battant devant l’ancienne Assemblée nationale. Le natif de Haho se trouve dans l’obligation d’ouvrir les tiroirs, dépoussiérer le document et le rapporter à ses « amis nommés » qui font semblant de découvrir une nouveauté dans ce qu’a raconté le Premier ministre. Cela fait combien d’années que le gouvernement bassine les Togolais avec ces histoires des réformes constitutionnelles et institutionnelles, de lutte contre la corruption, de modernisation de la justice, de développement des réseaux routiers, de développement de l’agriculture, de renforcement de l’économie nationale, d’assainissement des finances publiques et des services de l’administration, etc. ? Et voilà, Klassou revient avec les mêmes chansons.

Réformes constitutionnelles et institutionnelles

Cela fait bientôt 14 ans qu’on parle des réformes constitutionnelles et institutionnelles au Togo. Ces réformes contenues dans l’Accord politique global (APG) qui a légitimé le pouvoir de Faure Gnassingbé (après avoir marché sur plus de 1 000 cadavres des Togolais pour accéder au pouvoir) sont devenues un serpent de mer. Le régime cinquantenaire a toujours trouvé des astuces pour renvoyer aux calendes grecques. Il a toujours vu en ces réformes qui favoriseront des élections transparentes, équitables et acceptées par tous et mettront le pays sur les rails de la démocratie et de la bonne gouvernance, une occasion de perdre le pouvoir. Dans les discours, on promet ces réformes, même devant les partenaires en développement. Mais dans les actes, le régime fait tout pour qu’elles n’aient pas lieu ou qu’elles soient faites selon ses désirs.

Lors de sa nomination à la tête du gouvernement en juin 2015, Selom Komi Klassou avait tenu les mêmes discours devant l’Assemblée nationale. Trois (03) ans après, ces réformes constitutionnelles et institutionnelles sont restées entières. Rien n’a été fait par son gouvernement qui puisse témoigner de la volonté du régime de mettre en œuvre ce que la majorité des Togolais désirent tant. Et l’homme revient avec le discours. « S’agissant des réformes politiques, le Président de la République, fort de la volonté et de l’engagement qui n’ont jamais cessé de l’animer, a demandé au gouvernement d’agir avec célérité pour parachever le processus de révision constitutionnelle largement amorcé ces derniers mois. Pour ce faire, mon gouvernement prendra des mesures nécessaires pour réactiver le débat parlementaire sur le projet de texte élaboré conformément à la feuille de route de la CEDEAO », avait-il annoncé devant les députés le 25 janvier dernier. Comment ces réformes se feront-elles? C’est la question qui se pose aujourd’hui.

On sait qu’il y a une proposition de réformes constitutionnelles faite par l’expert de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a requis l’assentiment de la Coalition des 14 partis de l’opposition, du peuple togolais et de l’institution sous-régionale elle-même. On connaît également la position du régime de Faure Gnassingbé par rapport à ce texte qui ne garantit pas ses intérêts, c’est-à-dire demeurer ad viternam au pouvoir. C’est d’ailleurs ce qui justifie la réticence du régime vis-à-vis de ces réformes capitales pour la démocratie togolaise. Comme le clan au pouvoir n’a pas d’interlocuteurs valables à l’Assemblée nationale, peut-être que l’empressement de Komi Selom Klassou à déclarer que les réformes se feront au Parlement, a pour but de les mettre en œuvre à la manière voulue par le Prince. C’est la crise politique qui aura encore de beaux jours devant elle. Et la justice sera toujours là pour être utilisée contre des adversaires politiques.

Réformes et mesures de la justice pour « la protection de la liberté » ?

Il est connu de tous que sous Faure Gnassingbé, la justice a été toujours un instrument utilisé par les forts contre les faibles. La modernisation de la justice, ce projet qui a englouti plusieurs milliards de nos francs aux partenaires, ne s’est limité qu’à refaire les peintures des bâtiments. « Par ailleurs, le chantier de la réforme de l’organisation judiciaire sera accéléré pour doter le pouvoir judiciaire de moyens et services nécessaires pour atteindre les résultats qui sont attendus de cette institution. Dans ce même sens de renforcement de l’efficacité de la justice, la justice militaire sera rendue opérationnelle », a déclaré Komi Selom Klassou. Dans un pays où la justice est politisée, avec des juges qui rendent des décisions à travers des procédures judiciaires alambiquées, ces discours peinent à convaincre. C’est d’ailleurs un jeu d’esprit pour flouer les partenaires du Togo. On se demande de quelle liberté parle le Premier ministre dans son discours de politique générale.

Aujourd’hui, la liberté est l’un des rares biens que les Togolais cherchent désespérément. De nombreuses villes sont encore sous état de siège à travers le pays. L’annonce des manifestations de rue met le régime dans tous ses états, au point de quadriller tout le pays avec des hommes en uniforme armés jusqu’aux dents. Le procès de Foly Satchivi il y a seulement quelques jours, a encore montré à quel point la justice togolaise s’est mise aux bottes de ce régime. Ce qui donne raison à ceux qui pensent qu’elle est devenue le nid de la corruption, du déni de droit…

Lutte contre la corruption, une chimère

« Le gouvernement travaillera à faire prendre les derniers textes de loi ou de règlement pour compléter l’arsenal juridique devant permettre de lutter efficacement contre la corruption sous toutes ses formes », a laissé entendre Selom Klassou. A en croire le Premier ministre, le Togo dispose des textes pour lui permettre de lutter « efficacement » contre la corruption. Mais on ne dirait pas. Puisque les gouvernants sont eux-mêmes les premiers à entretenir ce phénomène qui gangrène l’économie du pays. Il a poursuivi : « La Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) sera dotée de moyens nécessaires pour prévenir l’enrichissement illicite, promouvoir la transparence dans l’exercice des fonctions publiques. Un projet de loi sur la déclaration du patrimoine sera incessamment déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale ». C’est à croire que le pays n’a déjà pas de texte qui régule ce domaine.

Ce n’est un secret pour personne, ce sont les dirigeants de ce pays qui sont devenus aujourd’hui des multimilliardaires en quelques années seulement, au détriment des hommes d’affaires obligés de mettre la clé sous le paillasson. La loi fondamentale du Togo prévoit la déclaration des biens du Président de la République et autres à leur prise de fonction. Mais cela n’a jamais été fait. La presse a plusieurs fois interpellé sur cette question, personne ne lève jamais le petit doigt. Le pays est géré dans une opacité totale. Pour mener en bateau les bailleurs de fonds, un machin a été créé pour, dit-on, traquer et punir les corrupteurs et les corrompus, interpeller et mettre à la disposition de la justice ceux qui s’enrichissent de façon illicite. Mais depuis deux (02) ans que la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) a été mise sur pied, elle ne fait que s’illustrer dans les ateliers et séminaires de renforcement des capacités. Aucune action concrète pour donner de la confiance aux Togolais. Et pourtant, ceux qui dilapident les ressources du pays et versent dans des malversations criardes se promènent au nez et à la barbe de cette institution.

La disparition d’une partie des fonds destinés à la réfection de la route Lomé-Anfoin-Vogan, le scandale des 600 millions de la mobilisation de fonds pour la CAN 2017, le scandale financier à la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT) et bien d’autres encore sont là. Le Premier ministre lui-même qui faisait cette déclaration devant l’Assemblée nationale, a été éclaboussé par le Wacemgate en 2016. Jusqu’alors, personne n’a été capable de déterminer le rôle qu’il a concrètement joué dans cette affaire. Il n’a visiblement de compte à rendre à qui que ce soit.

Ce document de politique générale du gouvernement contient d’autres contrevérités qu’on se retient d’étaler ici. Tout compte fait, le Togo est devenu aujourd’hui cette manne qu’une bande de copains se partage sans se soucier des millions d’autres âmes qui meurent de faim et de soif. Combien n’a-t-on pas injecté dans le secteur agricole que le PM veut « redynamiser » ? Où sont passés les fonds du PNIASA, PASA, PPAAO et autres ? Aujourd’hui, on parle du Mécanisme incitatif pour le financement de l’agriculture (MIFA). Mais les paysans, eux, continuent de tirer le diable par la queue. Qui détient au juste les manettes de ce projet ? Malgré cette pléiade de programmes, le pauvre agriculteur togolais est obligé de composer avec la misère. Si cela ne tenait qu’aux discours, l’agriculture togolaise n’aura rien à envier à celle des pays développés. Les paysans pourraient vivre décemment et s’occuperaient bien de leurs familles. Mais il ne faut pas se leurreer, c’est le Togo avec ses dirigeants et leurs particularités.

Sous d’autres cieux, Komi Selom Klassou aurait du mal à s’approcher de cette Assemblée nationale pour présenter les mêmes choses qu’en 2015. Si pendant trois (03) ans, son gouvernement n’a pas pu s’occuper véritablement de ces questions et trouver, ne serait-ce qu’à moitié, des solutions on se demande si c’est en un an qu’il le ferait. Véritablement, ce pays est malade de ses dirigeants.

Source : www.icilome.com