Résultats truqués: ces preuves qui n’ont pas été prises en compte

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La dynastie la plus ancienne d’Afrique est toujours vivante. Après 53 ans de domination presque totale de la famille Gnassingbé, rien n’indique qu’un changement de gouvernement pourrait intervenir de sitôt.

Les récentes élections l’ont confirmé. En un temps record (moins de 24 heures), la commission électorale a annoncé les résultats : l’actuel président a été réélu avec 70,78% des voix.

Cela signifie que dans quelques jours, Faure Gnassingbé, fils du défunt président Eyadéma, entamera son quatrième mandat. En principe, le chef de l’État peut désormais gouverner jusqu’en 2030 selon une récente révision constitutionnelle adoptée en mai 2019.

Les 3,6 millions d’électeurs avaient-ils une alternative ?

Au total, six candidats de l’opposition se sont alignés contre le président. Mais leur discours électoral ne consistait guère plus qu’à remplacer le président sortant actuel et à écouter davantage le peuple à l’avenir. Seuls deux d’entre eux avaient une chance de s’imposer.

L’un d’eux était Jean Pierre Fabre, que personne ne pouvait accuser de collaborer avec la famille au pouvoir. Il s’était déjà présenté deux fois contre Gnassingbé, qui, selon les observateurs internationaux, n’avait triomphé que par la fraude électorale.

L’autre, Agbeyomé Kodjo, ancien président du Parlement et premier ministre sous Eyadéma, devait  sa position de favoris  à la recommandation de l’ancien archevêque de Lomé Mgr Kpodzro  ainsi qu’à un certain nombre de petits partis, qui se sentaient incapables de soutenir Fabre en tant que candidat commun.

Une élection de façade

La stabilité de la situation économique et sociale du Togo a certainement aidé le président sortant. Les taux de croissance économique supérieurs à la croissance démographique proviennent de l’augmentation du chiffre d’affaires du port en eau profonde de Lomé, d’une hausse des exportations agricoles et de l’expansion des infrastructures financées par des prêts étrangers.

Tout au long des deux semaines de campagne, un semblant de  démocratie a été maintenu. Par exemple, chaque candidat a eu l’occasion de se présenter au public lors d’une interview d’une heure à la télévision d’État. Néanmoins, la campagne électorale du président sortant a largement dépassé celle de ses rivaux. Il a pu diffuser son message sur d’énormes affiches et panneaux d’affichage dans les zones urbaines et rurales.

Le soutien de l’État aux candidats aux élections n’a été versé que peu de temps avant le vote – trop tard pour être utilisé à des fins électorales.

La liberté de manifestation a également été restreinte avant les élections. Par exemple, les manifestations n’étaient autorisées que pendant la journée, entre 11 et 6 heures, uniquement dans les rues secondaires et pas plus d’une fois par semaine.

Les manifestations des candidats de l’opposition ont été interdites par les préfets et les maires proches du gouvernement “pour des raisons de sécurité”. Les partisans du président ont bloqué les réunions de ses opposants politiques.

Des élections fabriquées

Les organisations de la société civile ont demandé que les résultats du vote soient publiés par circonscription, afin de permettre au moins une vérification superficielle. Mais cette demande a été rejetée comme étant irréalisable par le ministre des droits de l’homme. Le « système électronique d’enregistrement fiable des résultats des élections », spécialement conçu à cet effet, a été suspendu par l’autorité électorale deux jours seulement avant le vote.

De nombreux États d’Afrique de l’Ouest permettent désormais aux citoyens vivant à l’étranger de participer aux élections. Le Togo, cependant, ne dispose toujours pas de statistiques fiables. Sur les quelque 9 000 Togolais vivant en France, par exemple, seuls 28 ont pu voter. En fait, seuls 348 des 1,5 million de Togolais vivant à l’étranger ont pu le faire, ce qui a sans doute influencé le résultat des élections.

Le jour du scrutin, la maison du candidat de l’opposition le plus prometteur, Kodjo, a été encerclée par la police et l’armée peu après le scrutin. Cela signifie qu’il ne pouvait communiquer avec ses partisans et la presse que par téléphone.

Dans le même temps, les médias sociaux ont été désactivés, dans certaines régions, l’accès à Internet a été coupé et les sites web des médias critiques ont été bloqués, ce qui signifie que les résultats des élections locales n’ont pas pu être diffusés.

L’opposition doit s’unir

Les violations et restrictions juridiques systématiques seront probablement difficiles à prouver ou à réfuter. Peu avant le début de la campagne électorale, l’ONU et la CEDEAO ont demandé au gouvernement togolais de permettre une surveillance des élections à court et à long terme. Mais seuls 280 observateurs internationaux ont été accrédités dans les quelque 9 000 bureaux de vote, notamment de la CEDEAO avec 79 membres, et de l’Union africaine avec une délégation de 40 personnes.

Au niveau national, environ 3 000 observateurs, principalement issus d’organisations de la société civile, étaient censés se déplacer. Un grand nombre d’entre eux se sont vu interdire de participer à court terme, au motif que cela constituerait un « risque d’ingérence dans le processus électoral ».

Une proposition de la conférence épiscopale nationale d’envoyer 9 000 observateurs dans les circonscriptions électorales à leurs propres frais a été rejetée par le ministère de l’intérieur en raison d’un prétendu manque de neutralité et du gaspillage des fonds de l’Église.

Rien n’a donc changé au Togo. Tant que l’opposition togolaise n’aura pas réussi à se mettre d’accord sur un candidat commun avec une certaine perspective de victoire, à mobiliser ses partisans et à présenter une vision économique et sociale convaincante pour ce pays désespérément pauvre, il ne devrait pas être difficile pour Faure Gnassingbé et son clan de maintenir la façade d’un gouvernement démocratiquement légitime et d’asseoir son pouvoir.

Hans-Joachim Preuss

Traduit de l’Allemand vers le Français par la rédaction de TogoWeb. Lire la version originale

Source : Togoweb.net