Ressources minières et Opacité au Togo: Trop de Combines Insolites autour de l’Exploitation du Manganèse de Nayega

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Echange de documents entre le DG de Keras Resources et la ministre Mawunyo Mila Aziablé

Le montage autour de l’exploitation du manganèse de Nayega dans la préfecture de Kpendjal Ouest au Nord du Togo a l’air louche. Les faits le démontrent.

Cette affaire de manganèse de Nayéga a commencé le 05 octobre 2011 avec l’octroi de cinq (05) permis d’exploration à la Société générale des mines (SGM), filiale togolaise de Ferrex PLC, une compagnie britannique. « En finalisant mi-novembre l’acquisition de 85 % du permis d’exploration du manganèse de Nayega (nord du Togo), la compagnie minière Ferrex PLC fait une percée en Afrique de l’Ouest. Après l’Afrique du Sud et le Mozambique, le Togo est le troisième pays africain d’implantation de la junior minière. Ferrex PLC devrait démarrer l’exploration en 2012. Les réserves de Nayega sont estimées à 15 millions de tonnes pour une teneur en manganèse de 35% », rapportait Jeune Afrique en décembre 2011.

Le 05 août 2013, la société Ferrex PLC avait réitéré sa préoccupation de développer en 2013 le projet Nayega qui comprenait cinq permis d’exploration couvrant 92 390 hectares, qu’elle détenait à 85%. L’étude de cadrage du projet avait rassuré d’une production annuelle de 250 000 tonnes de manganèse concentré à 38% avec des dépenses en capital initiales de moins de 15 millions de dollars US.

Lors de la présentation d’une note du rapport d’évaluation le 6 mars 2014 sur les activités d’exploration du projet de fer de Mebaga au Gabon, Ferrex s’attendait au développement au cours de 2014 du projet de manganèse Nayega. « Le gisement Nayega, d’une épaisseur moyenne de 3,3m, long de 2,2 km avec une largeur de 500 m, se situe dans un projet portant sur cinq permis d’exploration couvrant 92 390 ha. Le projet recèle au total 11 Mt de ressources Jorc à 13,1% et est classé, avec les projets de fer Mebaga au Gabon et Malelane en Afrique du Sud, comme les trois actifs principaux de Ferrex en Afrique », avaient déclaré ses responsables cité par l’Agence Ecofin.

Le 15 septembre 2014, la minière britannique avait indiqué avoir quasiment achevé l’étude de faisabilité définitive sur son projet de manganèse à ciel ouvert pour une exploitation low-capex et une production de 250 000 tonnes de manganèse par an. Selon le DG de Ferrex, Dave Reeves, la compagnie allait être invitée, très prochainement, à entamer les discussions sur les conditions fiscales de ce projet. Il avait ajouté que le gouvernement togolais avait associé un cabinet conseil dans la préparation du permis minier et des modalités fiscales relatives à ce projet dans lequel la production du ferromanganèse était envisagée et porterait la durée de vie de la mine de 8 à 15 ans.

Le 30 mars 2015, Ferrex plc était parvenue à la conclusion avec le gouvernement togolais de la convention minière sur le manganèse de Nayega. D’après la société, le document exposait l’importante contribution du projet en termes de développement de la localité, de transfert de compétences et de taux d’imposition stable et de mesures fiscales incitatives pour Ferrex qui espérait décrocher vers la fin du second trimestre 2015 le permis d’exploitation de ce gisement. « Nous avons fait des progrès significatifs en amenant, au cours des deux derniers mois, le projet de manganèse Nayega à sa mise en valeur », s’était réjoui Dave Reeve.

Ferrex qui avait dardé, le 21 mai 2015, avoir achevé l’étude de faisabilité définitive de la phase de démarrage du projet de manganèse Nayéga, s’était félicité d’une avancée significative de son projet. « L’étude de faisabilité fait ressortir une réduction sensible des coûts d’immobilisation et des coûts d’exploitation du démarrage rapide du projet. Une tierce partie examine ce document dans le cadre de la due diligence pour le financement. Cette réduction des coûts est importante et devrait avoir des impacts positifs considérables sur la rentabilité du projet », avait commenté son DG.

Le 17 novembre 2015, la société cotée à Londres, avait annoncé la conclusion d’un accord pour acquérir à 100% la compagnie australienne Chaffers Mining qui bénéficiait de cinq années d’exploitation des gisements d’or situés dans le champ aurifère de l’Australie occidentale, à 30 km au nord de Kalgoorlie. Et selon DG de Ferrex, cité par l’Agence Ecofin, il s’agissait d’une « opportunité rare » pour un projet pouvant entrer en production en moins de six mois, après son acquisition, avec un niveau de production de démarrage de 20 000 à 30 000 onces d’or par an. « Les flux de trésorerie qui en seront dégagés, seront utilisés pour la mise en valeur du projet de manganèse Nayega situé dans le nord du Togo, aussitôt l’obtention du permis minier », avait-il dit, estimant qu’il n’y avait pas de raison de croire que ce permis ne lui soit pas délivré.

Pourtant le 25 février 2015, les mêmes personnes avaient assuré avoir levé 835.000 Livres Sterling, par placement et souscription, pour le financement de son projet. Le produit net du fonds devant servir, entre autres, à constituer son fonds de roulement. « Avec ce financement sécurisé, nous serons en bonne position d’examiner en détail toutes les options de financement pour la construction rapide de notre projet de manganèse, d’autant plus que nous évoluons vers la production initiale fixée à début 2016 », promettait Dave Reeves qui ajoutait que sa compagnie était en discussion avec plusieurs parties intéressées par le financement de Nayega.

Le 11 avril 2017, une équipe de votre journal Liberté avait visité le site et publié ensuite un reportage intitulé : « A Nayega dans le Kpendjal, les minerais de manganèse, la misère et l’espoir ». « Parler du secteur minier togolais, c’est prendre le risque d’ouvrir un chapitre délicat des séries de scandales dans l’histoire du pays. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, l’exploitation de ces ressources entourée d’une opacité quasi légendaire a des conséquences malheureuses sur l’environnement, mais aussi pour les populations des zones concernées. Si l’exploitation de certains gisements « prospère», d’autres par contre n’ont pas fait long feu. C’est le cas du gisement de manganèse de Nayega (Kpendjal) où, après quelques mois de production, la société « Ferrex plc » a disparu, abandonnant les carrières de plusieurs hectares, mais aussi la main d’œuvre locale qu’elle employait », avions-nous écrit.

A l’issue du conseil des ministres du 18 octobre 2019, le gouvernement a officiellement déclaré avoir octroyé à la Société Générale des Mines (SGM), filiale du britannique Keras Resources, le permis d’exploitation à grande échelle du gisement de manganèse de Nayega (préfecture de Kpendjal Ouest). « A la suite des résultats concluants des recherches de gisements du manganèse à Nayéga dans la préfecture de Kpendjal-Ouest, région des savanes, la Société générale des mines (SGM) a introduit une demande de permis d’exploitation à grande échelle de ce minerai. Les réserves de manganèse découvertes sont évaluées à près de 8 500 000 tonnes et la durée de vie de la mine sur les réserves prouvées actuelles est de onze (11) ans. Le présent décret autorise donc la SGM à exploiter ce minerai. L’exploitation de ce minerai contribuera à l’atteinte des objectifs de l’axe 3 du PND avec la réalisation des projets de développement communautaire et la création des emplois directs et indirects qui auront indubitablement une incidence positive sur le plan social et sur l’économie de la zone d’exploitation de ce minerai. Elle participera également à la réalisation des objectifs de l’axe 2 du Plan national de développement (PND) qui vise à développer des pôles de transformation agricole manufacturiers et d’industries extractives », précisait le communiqué.

Mais le projet était bloqué et personne n’en parlait. Même le très volubile DG de la société Ferrex PLC devenue Keras Resources s’était muré dans un silence sépulcral. On ne sait plus ce que sont devenus le financement sécurisé de 835.000 Livres et les flux de trésorerie devant provenir de l’exploitation des gisements d’or situés dans le champ aurifère de l’Australie occidentale.

On en était là quand le gouvernement, sans donner d’explications aux Togolais qu’il ne calcule même pas, a indiqué, en conseil des ministres du 05 avril 2023, avoir adopté un projet de décret portant création, attributions et organisation de la Société togolaise de manganèse (STM). « Le gouvernement s’est fixé comme objectif le doublement de la contribution du secteur minier au PIB à l’horizon 2025, à travers l’exploitation optimale des ressources minérales, et ce, en commençant par les minéraux critiques notamment le manganèse. Dans ce cadre, ce projet de décret crée une société d’Etat dénommée « Société Togolaise de Manganèse (STM) », qui s’assurera de la valorisation du manganèse en vue de développer la chaine de valeur de l’industrie minière pour dynamiser la création d’emplois et l’économie du pays conformément à l’axe stratégique 2 de la feuille de route gouvernementale 2020-2025 », s’est-il justifié. Point.

Le 18 mai 2023, soit sept semaines après l’annonce de la création de la STM, la ministre déléguée auprès du Président de la République Chargé de l’Energie et des Mines, Mlle Mawunyo Mila Aziablé, a fait savoir, à travers un communiqué, que l’Etat a « conclu un partenariat stratégique pour l’exploitation du manganèse de Nayega ». Et le partenaire stratégique n’est autre que la fameuse société britannique. « En vue d’opérationnaliser la STM dans les meilleurs délais, l’État Togolais a conclu le mercredi 17 Mai 2023, un partenariat stratégique avec Keras Resources PLC, la société minière britannique, qui a réalisé la phase d’exploration ainsi que les études de faisabilité de l’exploitation minière de Manganèse à Nayega dans la région des savanes. Dans le cadre de cette collaboration, l’État a acquis pour un cout total de près de 1,7 millions de USD, la propriété intellectuelle de toutes les données et actifs indispensables à la mise en opération effective de l’exploitation minière. De plus, Keras mettra au profit de l’État, son expertise technique pour la mise en opération et l’exploitation de la mine, et fournira des services de courtage pour la vente du minerai. Cette coopération permettra à la STM de bénéficier de l’expérience et des connaissances techniques de Keras, spécialiste du domaine minier, afin d’assurer le succès du projet. Grâce à ce partenariat stratégique, l’État a pu acquérir à un prix concurrentiel des données qui auraient normalement nécessité un investissement plus important et plusieurs années d’études préliminaires. Cette structuration innovante permet aussi à l’État d’être en contrôle de l’exploitation de son gisement, ce qui se traduira par des retombées plus importantes pour la population togolaise et l’économie nationale », poursuit le communiqué.

C’est en rire ou pleurer ? En tout cas, ce projet est mal parti et Nayega, déjà pauvre, risque de subir le même sort que les autres « villages » miniers du Togo

Kédjagni

Source: Liberté / libertetogo.info

Source : 27Avril.com