Le processus électoral devant conduire à l’organisation de la
présidentielle de 2020 est désormais lancé depuis le communiqué de la
Cour constitutionnelle du jeudi 31 octobre qui a rappelé la date exacte
de la fin du mandat en cours et les dates indicatives de l’organisation
de la prochaine présidentielle. Dans la foulée, la CENI (Commission
Électorale Nationale Indépendante) a mise en branle sa machine
frauduleuse par l’annonce d’une révision des listes électorales de 3
jours du 29 novembre au 1er décembre 2019. Il est tout de même
inimaginable que cette CENI calamiteuse dont les faits d’armes ont été
l’organisation frauduleuse et scandaleuse des élections locales soit aux
commandes de la prochaine présidentielle. De plus, on ne peut pas
consacrer trois jours à la révision des listes électorales pour une
élection présidentielle. On l’aura compris, la CENI aux bottes du
sulfureux et controversé ministre de l’Administration territoriale, de
la Décentralisation et des Collectivités locales Payadowa Boukpessi, le
plus grand profiteur de la démocratie au Togo qui en est devenu le grand
pourfendeur, est déjà prête pour rééditer le scenario connu des
frauduleuses qui vont consacrer Faure Gnassingbé.
Au Togo depuis 30 ans, les élections s’organisent et ce sont les
mêmes résultats sinon presque qui sont annoncés. Aucune institution de
l’Etat, que ce soit la CENI ou la Cour Constitutionnelle ne proclamera
un autre vainqueur en dehors de Faure Gnassingbé. Ce dernier qui cherche
désespérément un 4è mandat pendant que ses pairs candidatsdu 3è mandat
sont conspués, veut aller vite, très vite pour s’offrir un nouveau bail à
la tête du pays. En marge du lancement du rapport de Doing Busness dans
un grand hôtel de la capitale, il ne s’en est pas du tout caché. «C’est
vrai que quand on parle d’élections présidentielles en Afrique, il y a
toujours une période d’incertitude. Des gens sont attentistes. Mais pour
nous, j’espère, nos élections auront lieu tôt pour que durant le reste
de l’année, nou
s puissions nous consacrer à ce que nous voulons le plus : la croissance
inclusive, le développement et la prospérité pour notre pays. C’est
possible. » a-t-il lâché, et d’ajouter : « Les mauvaises langues diront
que c’est par hasard. Comme je le disais en Mina, je ne veux pas avoir
honte l’année prochaine… ». Le message est clair et les mirages sont de
retour.
Cela fait 15 ans que Faure Gnassingbé est aux commandes du Togo et 52
ans que sa famille dirige le pays, et pendant toutes ces décennies, ils
n’ont pas réussi à faire le bonheur des Togolais et les jeunes
continuent de fuir comme si le Togo était un pays en guerre. Faire
croire à ces citoyens que sa présence au pouvoir 5 ans de plus permettra
la croissance inclusive et le bonheur de ces compatriotes qui n’ont
rien vu à part 50 ans de pillage, de détournement, de refus de la
démocratie, n’est rien d’autre que de la démagogie. L’obsession de Faure
Gnassingbé à s’offrir un 4è mandat à la tête du pays est la pire des
choses qui puisse arriver au Togo et une honte pour toute l’Afrique.
Pendant que les manœuvres sont en cours pour imposer de nouveau, les
observateurs et les hommes avisés ont le regard tourné vers Paris,
puisque la France est l’éternel soutien indéfectible de la nauséabonde
dictature togolaise.
Les réseaux « françafricains » à la manœuvre pour imposer de nouveau Faure Gnassingbé
Début octobre, une brochette d’opposants togolais se retrouvent à
Paris et demandent rendez-vous au responsable de la cellule Afrique de
l’Elysée. Ils voulaient profiter de cette rencontre pour rappeler à la
France le danger qui consiste à continuer par soutenir la dictature
togolaise et particulièrement un 4è mandat de Faure Gnassingbé dans une
Afrique en pleine mutation. Leur interlocuteur qui, visiblement a déjà
choisi son camp au Togo, a trouvé des arguments, même les plus
surréalistes, pour éviter de s’entretenir avec ces opposants qui sont
rentrés bredouilles à Lomé. Quelques semaines avant, un compatriote,
universitaire et économiste de son état qui a pris ses quartiers dans la
capitale française où il prend des contacts, s’est entendu dire à mots
voilés par ce même chef de la Cellule de l’Elysée que 2020 est plié.
Quelques mois auparavant, le même personnage, en plus d’autres réseaux,
était à la manœuvre avec un acteur politique togolais Francois Boko en
exil depuis 2005, pour un retour au bercail. Ce dernier s’est mis à fond
avant d’être lâché à la dernière minute par ceux là-mêmes qui sont
venus le chercher et l’encourager à rentrer. Se sont-ils servis de lui
pour faire chanter le pouvoir de Faure Gnassingbé ? Une chose est
certain,e à quelques jours du retour annoncé de ce dernier, une visite
express de Gilbert Bawara l’homme des missions secrètes de Faure
Gnassingbé à Paris a changé la donne.
Comme s’ils devaient remplir une mission en faveur du régime
togolais, ils ne se sont pas embarrassés de scrupules pour envoyer la
police française à l’aéroport pour empêcher l’ancien ministre de prendre
le vol retour tout en refusant publiquement d’assumer leur rôle.
Qu’est-ce que Gilbert Bawara a pu apporter à ces gens pour qu’ils
puissent changer non seulement d’avis, mais surtout saborder le retour
de celui qu’ils étaient allés eux-mêmes chercher? La réponse est à
trouver certainement dans le célèbre livre de Pierre Péan : « La
République des mallettes ; enquête sur la Principauté française de
Non-droit ». Cet ouvrage décrit dans les moindres détails comment les
politiques français de tout bord ont fait de certains pays africains les
caisses noires du financement de leurs activités politiques dans
l’Hexagone. Les méthodes décrites sont similaires à celles du grand
banditisme et démontrent à suffisance la moralité des bénéficiaires en
France et leurs complices, c’est-à-dire les chefs d’Etats africains.
C’est le visage hideux de la françafrique qui continue de faire tant du
mal au continent noir. En dehors des politiques français et chefs d’Etat
en quête de renouvellement de leur mandat, les responsables en charge
des dossiers africains à l’Elysée, au Quai d’Orsay et même dans les
ambassades françaises en Afrique prennent aussi leur part du gâteau.
De Lomé à Paris, le soutien apporté par les fonctionnaires français à
la dictature cinquantenaire togolaise suscite bien des questions. A
Lomé, l’ambassadeur de France Marc Vizy ne rate aucune occasion
d’apporter son soutien au système autocratique de Faure Gnassingbé. Le
seul fait pour lui que le régime togolais soit un grand contributeur aux
missions des Nations Unies, particulièrement au Mali où la France sème
depuis des années le bordel, suffit à soutenir un mandat à vie de Faure
Gnassingbé. Les portes de son ambassade sont désormais ouvertes à ses
compatriotes les plus sulfureux qui sont au service de la dictature
togolaise. Charles Debbasch, le très controversé et sulfureux ministre
conseiller à la présidence togolaise est devenu depuis un personnage
fréquentable. Il a d’ailleurs récemment demandé à l’ambassade de France
par échanges épistolaires de le rétablir dans ses droits civiques.
Dominique Strass-Kahn qu’on ne présente plus est également la bienvenu
dans les locaux de l’ambassade de France, tout comme le pédophile
général Raymond Germanos, un ancien chef d’Etat-major de l’armée
française en réserve de la République dont les missions de consultations
nécessitent l’aval de l’Etat français. C’est donc à travers ces
individus peu recommandables recyclés sous les tropiques et au service
des régimes les plus abjects que la France continue de maintenir des
sous-préfets tropicaux décriés au pouvoir. Parallèlement, des rencontres
sont souvent organisées avec certains opposants et acteurs de la
société civile auxquels on fait croire que la France est solidaire de
leur combat et préoccupée par la situation politique au Togo.
Ces rencontres permettent non seulement d’endormir ces acteurs naïfs,
mieux, leur soutirer même des informations qui sont filées après au
régime en place. Le fait d’être tout le temps invités dans les
ambassades est devenu pour certains acteurs politiques ou de la société
civile une marque de considération, un soutien à leur combat. Ces naïfs
n’apprennent jamais rien de l’histoire; plus inquiétant, ils peinent à
comprendre le fonctionnement du monde. Au début du processus
démocratique en 1990, il y avait un ambassadeur de France au visage
d’ange nommé Bruno Delaye. Ce monsieur qui avait une proximité avec les
opposants togolais à qui il a fait croire qu’il partageait leur cause, a
travaillé dans l’ombre pour saborder la lutte en remettant Gnassingbé
Eyadema en selle. En récompense, il fut nommé de 1992 à 1995 Conseiller à
l’Elysée avant de poursuivre sa carrière d’ambassadeur dans d’autres
pays, notamment le Mexique, la Grèce, l’Espagne, etc.
Au Togo depuis des années, la plupart des ambassadeurs occidentaux
succombent vite aux sirènes de la dictature et repartent généralement
les poches assez pleines. Voilà comment le régime autoritaire et
autocratique cinquantenaire se maintient en place à travers des
élections frauduleuses, truquées sur fond de violence que ces diplomates
jugent crédibles. Pour donner une consistance à leurs actions
nébuleuses, ils se sont fondus dans un cadre nommé pompeusement « G5 »
dont les sorties sur la crise togolaise relèvent souvent d’un autisme
diplomatique. Ces nouveaux mercenaires avec des titres de conseillers
opérant sous les tropiques ont leurs relais dans les instances de
décisions en France, notamment à l’Elysée et au Quai d’Orsay où ils vont
souvent plaider chacun selon ses intérêts la cause de leur bienfaiteur
africain.
De Charles Debbasch à Dominique Strauss-Kahn en passant par Raymond
Germanos et bien d’autres, chacun sait par quel relais en France il faut
plaider la cause de Faure Gnassingbé. La tête de pont de ces relais se
trouve être Jean Yves Le Drian, un des derniers maillons de la
Françafrique, ami des dictateurs. Il est aujourd’hui dans le rôle du
nouveau Foccart. Il y a quelques semaines, il intervenait au Cameroun
pour obliger l’autre dictateur Paul Biya à remettre en selle son frère
breton Vincent Bolloré dans l’attribution d’un gros contrat sur la
gestion du port de Douala. Il faut ajouter les relais au Quai d’Orsay et
à l’Elysée, à savoir Remi Maréchaux, ministre plénipotentiaire,
Directeur Afrique et de l’Océan indien et Frank Paris, Conseiller
Afrique de l’Elysée. Pour ces messieurs qui ont certainement fait
l’école de Jacques Foccart, l’Afrique francophone est un terrain de jeu
et les Africains sont des cobayes. C’est ainsi qu’ils peuvent se
permettre d’orienter la médiation de certains chefs d’Etat dans des
crises politiques, comme ce fut récemment le cas du Togo au profit du
régime en place. Ils peuvent se permettre de vouloir dicter leur volonté
à un acteur politique togolais ou dire à un autre que 2020 est plié. Ce
sont donc ces personnages qui continuent de faire la pluie et le beau
temps en Afrique francophone, décidant dans leurs bureaux depuis Paris
et selon les mallettes qu’ils reçoivent du sort des peuples à travers le
maintien à la tête des pays des autocrates qui massacrent les
populations. La France en organisant l’assassinat crapuleux d’un chef
d’Etat démocratique élu, c’est-à-dire Sylvanus Olympio, est et demeure
le principal problème du Togo. Il est temps d’arrêter de faire la fine
bouche et poser le problème en terme clair et net. Si en 1963
l’ambassade des USA n’a pas pu apporter la protection à Sylvanus ,un
chef d’Etat démocratiquement élu et en fonction, ce n’est pas en se
rendant tout le temps dans les ambassades qu’on aura l’alternance. Moins
on bavarde à l’intérieur de ces représentations diplomatiques qui sont
de haut lieux d’espionnage, mieux la lutte se portera.
Emmanuel Macron va-t-il laisser Faure Gnassingbé se maintenir à la tête du Togo ?
Il est de notoriété publique que la France est le principal soutien
du régime en place et Faure Gnassingbé ne doit son pouvoir qu’à la
volonté de Jacques Chirac, l’ami personnel de son père. Et depuis, tous
les chefs d’Etat français qui passent s’accommode de l’un des régimes
les plus autocratiques de l’Afrique de l’ouest. De Nicolas Sarkozy à
François Hollande jusqu’à Emmanuel Macron, la posture semble la même.
Cependant, interpellé sur la crise togolaise par la diaspora togolaise
lors d’une visite au Canada, le président français a ouvertement pris
ses distances avec le locataire de la Marina qui semble à ses yeux
infréquentable. Mais depuis que la médiation de la CEDEAO s’est terminée
dans la catastrophe et ceci, au profit de Faure Gnassingbé qui a réussi
par un tour de passe –passe à ramener le compteur à zéro avec ses
députés nommés, la France et particulièrement Emmanuel Macron ne dit
plus grand-chose sur la situation politique togolaise.
Plus surprenant, on a le sentiment qu’il a déjà mis aux oubliettes
son discours de Ouagadougou et renié ses déclarations au Canada. La
question est de savoir si le président français a cédé aux désirs de ses
collaborateurs, des fonctionnaires en postes depuis longtemps et rompus
aux réseaux et méthodes de la Françarique. A l’heure où les peuples se
soulèvent et envahissent les rues pour conspuer les candidats au 3è
mandat, comme c’est le cas actuellement en Guinée Conakry, la volonté
manifeste de Faure Gnassingbé de s’octroyer un 4è mandat est non
seulement perçue comme une provocation, mais aussi un soutien révoltant
de la France à l’une des pires dictatures du continent. Les peuples
africains en quête de liberté, de prospérité, les jeunes africains plus
ouverts sur les réalités du monde avec les nouvelles technologies ne
peuvent plus accepter que la France continue de maintenir les régimes
décriés comme celui de Faure Gnassingbé à la tête du Togo.
Ce dernier est visiblement pressé de s’offrir son nouveau bail parce
que les réseaux françafricains ont tout fait pour maintenir en exil les
pièces de rechange crédibles. De toute façon, les cinq prochaines années
ne seront pas un long fleuve tranquille pour Faure Gnassingbé s’il se
maintient au pouvoir et il en sera de même pour la France. Cela fait
plus de 57 ans que la France, pour ses intérêts, a plongé le Togo dans
la grande nuit; il faut mettre fin à ce traumatisme sans fin infligé par
un pays qui se dit la patrie des droits de l’homme à un peuple qui ne
demande qu’à choisir ses dirigeants en toute liberté et transparence. De
Dakar à Conakry, de Bamako à Lomé, la rue gronde, elle gronde pour
conspuer non seulement les sous-préfets tropicaux, mais aussi la France.
Le message de la jeunesse africaine est clair, plus rien ne sera plus
comme avant.
Source : L’Alternative No.840 du 05 novembre 2019
Source : Togoweb.net