Lorsque des soupçons de corruption sont attribués à une autorité, les populations tiennent à voir le crime réprimé avec sévérité. Mais le tripatouillage constitutionnel opéré par des députés « nommés » n’a pas touché cette anomalie constitutionnelle ; ce faisant, il devient quasi impossible de poursuivre pénalement les « gros poissons ».
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Depuis quelques années, des scandales éclaboussent la République et ceux qui la conduisent. Et bon nombre de Togolais se demandent pourquoi la tête de l’exécutif ne réagit pas aux accusations, alors que quand il s’agit des autres Togolais socialement moins puissants, les autorités dont le ministre de la Justice sont prompts à « sauter sur la proie ». Des mortels de tous genres disposant de parcelles de pouvoir ont grugé et pris des libertés avec la chose publique qu’ils sont censés défendre. Mais depuis, on use d’entourloupes pour endormir les populations et passer au final par pertes et profits ces actes répréhensibles.
La Constitution togolaise porte en elle des germes de division et de discrimination. L’article 11 de la Constitution stipule : « Tous les êtres humains sont égaux en dignité et en droit. L’homme et la femme sont égaux devant la loi. Nul ne peut être favorisé ou désavantagé en raison de son origine familiale, ethnique ou régionale, de sa situation économique ou sociale, de ses convictions politiques, religieuses, philosophiques ou autres ».
Mais juste à l’article 14, commence la ségrégation : « L’exercice des droits et libertés garantis par la présente Constitution ne peut être soumis qu’à des restrictions expressément prévues par la loi et nécessaires à la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé publique, de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui ». Lorsqu’un ministre ou un juge se permet de voler ou de gruger des justiciables, est-ce au nom d’une certaine morale, de l’ordre public ou de la sécurité nationale ?
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Plus loin, à l’article 122, une autre anomalie que ceux qui se disent représentants du peuple n’ont pas jugé nécessaire de remodeler pour la rendre conforme aux « valeurs d’éthique et de déontologie ». « Les magistrats de la Cour suprême ne peuvent être poursuivis pour crimes et délits commis dans l’exercice ou à l’occasion ou en dehors de leurs fonctions que devant la Haute Cour de justice. Sauf en cas de flagrant délit, aucun magistrat de la Cour suprême ne peut être ni poursuivi ni jugé sans l’autorisation préalable du Conseil supérieur de la magistrature… », lit-on. La question qu’on se pose est si, ce faisant, tout magistrat de cette cour ne sera pas « tenté » de tordre le cou à volonté au droit et à la morale. Le juge de la Cour suprême est-il au-dessus des autres juges ou du peuple en général pour que sa poursuite pour un délit fasse l’objet de détours?
Les soi-disant représentants du peuple qui ont cru bon et bienséant de transformer un projet de révision constitutionnelle de trois article en une séance foraine de proposition de modification de 29 articles n’ont pas trouvé utile, ni urgent, ni bénéfique pour la lutte contre la corruption, de conditionner leur vote à l’avènement de l’institution sans laquelle le juge de la Cour suprême ainsi que des membres du gouvernement continueraient à siphonner les caisses de l’Etat. Et pourtant, ce n’est pas faute d’être conscients que sans cette Haute cour de justice, rien de concret ne saurait prospérer sur le terrain anticorruptif des gros poissons.
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L’article 128 dit : « La Haute cour de justice connaît des crimes et délits commis par les membres du Gouvernement et les membres de la Cour suprême ». Depuis, certains citoyens de bonne volonté feraient du porte-à-porte pour recueillir des signatures afin de contraindre celui ou ceux qui doivent donner naissance à ladite cour ; notre pays en a besoin à notre sens, par rapport à l’actualité.
Mais les députés ont trouvé « impératif » de « boucler la boucle » en posant leur veto dans des termes polis, mais impossible à franchir. Article 129. « La Haute Cour de justice est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par la détermination des peines telles qu’elles résultent des lois pénales en vigueur au moment où les faits ont été commis. La décision de poursuivre ainsi que la mise en accusation du président de la République et des membres du Gouvernement est votée à la majorité des quatre cinquièmes des membres de chacune des deux assemblées composant le Parlement, selon la procédure prévue par une loi organique. En cas de condamnation, ils sont déchus de leurs charges ». Hypocrisie parlementaire. Quid des ministres qui ne sont plus en fonction ? Que faire même si la Haute cour de justice naissait, mais que le Sénat demeure toujours un OVNI, entendez Objet volant non identifié ? Comme le dit le chanteur Alain Barrière, « autant chercher une fleur dans le désert, un sucre dans l’océan ou un fantôme dans le vent ».
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Tout mandat parlementaire a une fin ; et le député qui voudra être reconduit devra rendre compte à la fin. Lorsqu’il retournera dans son fief, des électeurs lui poseront des questions sur ce qu’il a pu faire personnellement durant sa mandature. Là, il ne sera plus question d’immunité. Mais de reddition de comptes.
Abbé Faria
Source : Liberté [ libertetogo.info ]
Source : Togoweb.net