Renonciation à la Nationalité Togolaise : Les Raisons Profondes d’un Phénomène devenu Banal

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Renonciation à la Nationalité Togolaise : Les Raisons Profondes d’un Phénomène devenu Banal

Cinq cents (500) Togolais autorisés à perdre leur nationalité togolaise. C’est l’un des sujets sur lesquels a planché le Conseil des ministres de mercredi. Certains téléspectateurs ont avoué avoir été choqués que le gouvernement l’annonce aussi fièrement. Ce demi-millier de compatriotes n’est que la nième vague d’une longue série et vient s’ajouter aux milliers d’autres ayant déjà fait la requête et renoncé à la nationalité de leur mère-patrie pour prendre celles de leurs pays d’accueil en Occident. Le phénomène devient récurrent depuis plusieurs années et même banal. Mais il y a des raisons profondes et légitimes.

500 Togolais renoncent à leur nationalité

« Le premier projet de décret adopté par le Conseil des ministres porte autorisation de perte de la nationalité togolaise.

L’acquisition de la nationalité de certains pays, notamment de l’Europe ne devient effective que sous la condition suspensive de la preuve, par les bénéficiaires, de la perte de la nationalité de leur pays d’origine.

Afin de permettre aux ressortissants togolais désireux d’obtenir la nationalité d’un autre pays, les dispositions des articles 23 et 24 de l’ordonnance n° 78-34 du 7 septembre 1978 portant code de la nationalité togolaise offrent la possibilité de renoncer à la nationalité togolaise.

La perte de la nationalité togolaise est autorisée par décret en Conseil des ministres conformément aux dispositions de l’ordonnance précitée. Elle emporte la restitution par le bénéficiaire de tous les documents officiels à savoir, le certificat de nationalité togolaise, la carte d’identité, le passeport et la carte consulaire.

Le présent décret autorise donc la perte de la nationalité togolaise à cinq cents (500) Togolais résidant en Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège, en Chine, aux USA et en Autriche ».

Voilà la substance du premier projet de décret pris par le Conseil des ministres qui s’est réuni ce mercredi 6 novembre. Des téléspectateurs ayant suivi l’annonce au cours du journal de 20 heures avec le compte rendu présenté par le ministre de la Communication, des Sports et de l’Education à la citoyenneté Foli-Bazi Katari, se sont dits choqués que cela soit annoncé aussi fièrement par le Conseil des ministres.

Qu’à cela ne tienne, la renonciation à la nationalité est une disposition prévue par les textes. Perd sa nationalité togolaise un citoyen majeur qui acquiert volontairement une autre nationalité. Et pour ce faire, l’intéressé doit fournir les pièces suivantes : une lettre adressée au Garde des Sceaux, ministre de la Justice demandant le rejet de la nationalité togolaise (comportant l’adresse et le numéro de téléphone du demandeur) ; une copie légalisée du certificat de naissance; une copie légalisée du certificat de nationalité togolaise ; une copie du passeport togolais (les trois premières pages) ; la traduction en français, par un traducteur agréé, de la garantie de naturalisation ; l´original de la garantie de naturalisation et une enveloppe timbrée recommandée à l’adresse du demandeur. Toutefois la perte de la nationalité est subordonnée à l’autorisation accordée par décret pris en conseil des ministres et publié au journal officiel.

Absence de perspectives au Togo

Cette vague de 500 Togolais n’est que la nième d’une série ayant débuté depuis plusieurs années. La renonciation volontaire à la nationalité togolaise est devenue banale ces dernières années. A plusieurs reprises, le Conseil des ministres a planché sur des requêtes et donné des suites favorables. Renoncer à sa nationalité originelle avec tous les droits y afférents ne doit pas être une sinécure. Quelque part, c’est renier tous ses droits, même naturels, répudier ses parents génétiques, ses connaissances, etc. Mais si des compatriotes franchissent de plus en plus le pas, c’est qu’ils ont des raisons profondes de le faire. Une triste réalité les y pousse : l’absence de perspectives au Togo et le désir de se tracer un chemin.

En effet, renoncer à sa nationalité d’origine pour celle d’un autre pays, fût-il occidental et développé, ne doit pas être un choix facile. Surtout quand on est noir, on n’est pas assuré d’être bien vu et traité dans ce nouveau pays. Il faut compter avec le racisme, la xénophobie, les regards sombres, l’intégration dans la société n’est pas assurée. On est témoin des actes réguliers de racisme dont sont victimes les footballeurs africains ou simplement à la peau noire. A ce fléau (sic) de renonciation à la nationalité togolaise, s’ajoute le réflexe des compatriotes, notamment les jeunes, à vouloir partir à tout prix. La manifestation palpable, c’est la récente prise d’assaut du service des passeports par les joueurs à la loterie visa des Etats-Unis d’Amérique. Les queues débordaient sur plusieurs dizaines voire centaines de mètres au bord de la route, du jamais vu. Certains ont avoué être venus au petit matin (vers 2 heures) pour avoir la chance d’être servis. Même si jouer ne garantit pas le succès de l’obtention automatique de visa, ces jeunes gens ont consenti investir les 30 000 F et plus pour se faire établir le passeport afin de tenter leurs chances…

Dans l’un comme dans l’autre cas, c’est juste que le Togo n’offre pas de perspectives d’avenir à ses citoyens et certains préfèrent renoncer à la nationalité togolaise avec tous les droits y afférents. A titre d’illustration, ils sont nombreux, ces compatriotes vivant en Allemagne ayant participé activement aux mouvements de contestation du pouvoir de Faure Gnassingbé au cours de la récente crise politique, mais qui pour avoir renoncé à leur nationalité togolaise et opté pour celle allemande, ne vont pas pouvoir voter lors de la présidentielle de l’année prochaine au Togo. D’autres concitoyens, surtout les jeunes, mettent les voiles pour aller se mettre en valeur sous d’autres cieux plus cléments, sautent en fait dans le vide les deux pieds joints… Tout ce beau monde sait qu’il n’a aucun avenir au Togo et franchit le pas.

Faillite de la gouvernance du régime cinquantenaire

Ces fléaux sus-évoqués sont par ailleurs les manifestations de l’échec de la gouvernance du régime cinquantenaire RPT/UNIR, une gouvernance « humanicide » sur toute la ligne et au seul profit d’une minorité qui pille le pays. Les discours des gouvernants chantant des actions en faveur de la population, notamment de la jeunesse, ne sont destinés qu’à se donner bonne conscience et bluffer les naïfs. Il suffit de comparer le niveau de vie de la jeunesse togolaise avec celle de ses congénères d’autres pays pour se rendre compte du mal qui lui est fait par le pouvoir de père en fils. Plusieurs fois, le Togo a été classé bon dernier en matière de bonheur de ses populations. L’Etat n’offre pas d’emplois aux jeunes pourtant diplômés, la plupart sont obligés de se contenter de petits jobs pour survivre. Les rares qui prennent des initiatives se voient couper l’herbe sous le pied par les impôts. Une telle gouvernance n’offre donc pas de perspectives aux jeunes qui, devant l’obscurité de l’horizon, cherchent à partir à tout prix.

Sur la pseudo-gestion efficiente dont se vantent les gouvernants, l’ancien Premier ministre Agbeyome Kodjo a apporté sa réponse, au cours d’une sortie médiatique : « Il se dit que l’environnement des affaires s’améliore et qu’il est possible de créer une entreprise en moins d’une journée, mais posez-vous la question : combien d’entreprises ont été créées ? Pour combien d’emplois offerts aux jeunes ? L’image que l’on doit retenir, c’est l’incapacité du pouvoir à mettre en place des politiques publiques tendant à créer les conditions idoines pour retenir sa jeunesse. Si ces indicateurs que vous décrivez sont le reflet de la situation du pays, pourquoi les jeunes quittent-ils autant le Togo ? Comment expliquer que la majorité des Togolais croupissent encore dans la misère ? Il y a donc une faillite de la gouvernance de ce pays qui d’ailleurs est très endetté, contrairement à ce qu’on prétend. On ne peut pas, à travers une communication chèrement payée, faire croire à la communauté internationale que tout va bien au Togo (…) La présidence de la République et le gouvernement doivent être en mission de service public, pour assurer le bien-être des populations et respecter les règles de l’alternance. Leur mission est de rassembler la population et de mobiliser toutes les énergies pour un développement et une prospérité partagée par tous. Aujourd’hui, les fonctionnaires avec leurs maigres salaires vivent une situation de surendettement et les commerçants peinent à vendre leurs marchandises, faute de pouvoir d’achat des populations. Quant aux jeunes, ils veulent quitter le pays par légions ! ».

Difficile, au demeurant, de reprocher à ces compatriotes de renoncer à leur nationalité togolaise pour acquérir d’autres et de vouloir partir à tout prix…

Tino Kossi

source : Liberté

27Avril.com