RDC: polémique autour des candidatures rejetées par la CENI

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Pour Jean Pierre-Bemba, le grand exclu, le motif donné par la Céni fut sa condamnation pour subornation de témoin. L’ancien vice-président a été acquitté pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par ses troupes en Centrafrique. Cependant, la Cour pénale internationale l’a reconnu coupable de subornation de témoins, en mars 2017. Or, la loi électorale prévoit l’invalidation de tout candidat condamné par un jugement irrévocable de corruption et la Céni fait ainsi l’amalgame entre les deux délits, corruption et subornation.

Un choix qui « démontre totalement » que la Commission « est sous le contrôle du pouvoir en place » et « reçoit des injonctions du pouvoir en place pour éliminer des candidats », affirme Jean-Pierre Bemba lui même, interrogé par nos confrères de France 24. Le candidat du Mouvement de libération du Congo (MLC) envisage à présent de faire appel contre une « décision inique », inspirée selon lui par la volonté du pouvoir de se « perpétuer, par d’autres formes ».

Au micro de RFI, Eve Bazaiba, secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo, parti de Jean-Pierre Bemba, expliquait dès ce samedi matin que celui-ci a été écarté tout simplement parce qu’il représente une menace sérieuse pour le parti au pouvoir. A ses yeux, la candidature de Jean-Pierre Bemba « faisait trembler la Kabilie au point d’instrumentaliser la Ceni en vue de l’écarter ». Elle affirme par ailleurs que le ministre de la Justice avait envoyé une lettre « assortie de la liste des noms des personnes que Kabila ne voulait pas voir postuler ».

Une décision incompréhensible

Parmi les six candidats écartés par la Commission électorale nationale indépendante figure notamment l’ancien Premier ministre, Samy Badibanga. En ce qui le concerne, la Céni parle de défaut de nationalité d’origine pour expliquer sa décision. Selon elle, après avoir perdu sa nationalité d’origine, le recouvrement de cette dernière ne donne droit qu’à une nationalité d’acquisition et ne lui permet donc pas d’être candidat. Une décision que Samy Badibanga ne comprend pas.

« Je bénéficie d’un arrêté ministériel portant recouvrement de la nationalité congolaise d’origine, justement c’est bien spécifié ,qui a été signé le 25 novembre par le ministre actuel de la Justice. Donc, en prenant une telle décision, la Céni se substitue au ministère de la Justice et tente même de me faire croire que le ministre de la Justice est incompétent. D’autre part, comment se définit la nationalité congolaise d’origine ? J’ai les deux parents qui sont congolais et je fais partie de cette ethnie du centre du Congo. Donc, je remplis tout à fait les deux conditions. Comment peut-on me faire perdre ma qualité de Congolais d’origine ? On ne perd jamais ses origines à moins que la Céni veuille bien faire de moi un apatride et me demander de renier mes parents », précise-t-il.

La seule femme qui figurait sur la liste des 25 candidats à la présidentielle, Marie-Josée Lifou a également été écartée pour cette même raison, à savoir défaut de nationalité d’origine.

Adolphe Muzito est un autre ancien Premier ministre à avoir été écarté. Il a été suspendu de son parti, le Parti Lumumbiste Unifié, et se présentait comme indépendant, mais la Céni a retenu le conflit entre Muzito et son parti pour justifier sa décision.

Antoine Gizenga, âgé de 92 ans, a également écarté. La Céni reproche à ce compagnon de Lumumba de ne pas avoir pas bien rempli les différents formulaires lors du dépôt de sa candidature.

Et enfin, Jean-Paul Moka Ngolo également écarté par la Céni qui annonce n’avoir pas pu retracer le paiement de sa caution électorale.

Un possible recours

Un recours est toujours possible. Les six candidats écartés peuvent saisir la Cour constitutionnelle dans les 48 heures et ce n’est qu’après que la Commission électorale pourra alors publier la liste définitive des candidats, le 19 septembre.

Les partisans de Jean-Pierre Bemba ont déjà prévenu, ce samedi, qu’ils allaient se mobiliser contre le rejet de sa candidature.

« Nous allons utiliser toutes les voies de droit à notre disposition pour faire valoir la candidature de Jean-Pierre Bemba à la présidentielle », a déclaré la députée Eve Bazaiba. Le MLC va commencer par « un recours devant la Cour constitutionnelle d’ici mardi matin », a-t-elle ajouté.

Les autorités soulignent l’indépendance de la Céni

Les autorités congolaises soulignent que la Commission électorale est indépendante. Joint par RFI, Lambert Mendé, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, indique qu’il faut, par conséquent, respecter ses décisions.

« Nous avons simplement pris acte de la décision de la Céni qui est un organe indépendant. Elle a suivi le prescrit de la loi et quand on examine bien cette liste, il y a aussi bien des candidats proches de la majorité que de l’opposition et donc, on ne peut pas l’accuser d’avoir été partisane, comme j’entends dire. C’est devenu, je pense, une seconde nature pour l’opposition que de contester tout. Je pense que c’est une attitude nihiliste qui n’arrange pas l’avenir de notre pays et qui est celle de tout remettre en cause parce que soi-même, on n’est pas prêt pour les élections le 23 décembre. L’opposition est un peu dans la situation de la cigale qui a chanté tout l’été. Lorsque maintenant le moment est venu de s’assumer, elle ne fait que se plaindre de tout et de rien puisque nous n’avons quand même pas pu donner, à la Céni, l’ordre d’invalider même des candidats, comme monsieur Gizeng, qui sont très proches de nous. Pourtant, ils ont été invalidés. Donc, il faut respecter l’indépendance de la Commission et cesser de chercher des poux sur la tête de la majorité ou du gouvernement », a déclaré Lambert Mendé à RFI, avant d’ajouter que des élections inclusives ne doivent pas justifier d’aller à l’encontre de la Constitution.

Source : www.cameroonweb.com