Étienne Tshisekedi vaut bien trois messes. Plusieurs cérémonies d’hommage à l’opposant historique congolais auront lieu jeudi, organisées par l’Église catholique et par plusieurs mouvements d’oppositions congolais revendiquant chacun son héritage politique. Un hommage qui pourrait aviver les tensions et l’interminable crise en République démocratique du Congo provoqué par le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila au-delà de son deuxième mandat.
Un an après sa mort à Bruxelles, le corps d’Etienne Tshisekedi attend toujours en Belgique son rapatriement et son inhumation en RD Congo, où son fils Félix est le président du Rassemblement de l’opposition (Rassop) qui demande le départ du président Kabila.
Trois messes pour Tshisekedi
« Une messe d’action de grâce à la cathédrale Notre-Dame » de Kinshasa est annoncée à 9h30, heure locale, par le parti d’Étienne Tshisekedi, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), ainsi que des « activités politiques » à la permanence à 14h30 dans la commune de Limete, dans la capitale.
La famille Tshisekedi, sa veuve et l’UDPS annoncent aussi une autre messe samedi à Bruxelles, alors que les relations entre Kinshasa et Bruxelles sont très tendues.
Un autre parti revendiquant le nom de l’UDPS, celui du Premier ministre Bruno Tshibala, annonce également une messe dans une autre église de Kinshasa, jeudi à 15h. Bruno Tshibala devrait s’y rendre, a assuré un de ses proches à l’AFP.
Un accord jamais appliqué sur les obsèques
Un accord entre les autorités, la famille et l »UDPS-Limete », dont l’AFP avait eu copie en août, était supposé organiser le rapatriement de la dépouille de l’opposant, décédé à l’âge de 84 ans des suites de complications pulmonaires.
Cet accord sur l’organisation et le financement des obsèques, ainsi que l’inhumation dans une concession familiale à la périphérie de Kinshasa, n’a jamais été mis en œuvre.
L' »UDPS-Limete » dénonce « la mauvaise volonté du régime de Kabila qui considère Tshisekedi mort toujours comme opposant », accuse un cadre du parti qui vit en Belgique, Ange Pabolangi.
« Contrairement à ce qui est dit, l’UDPS ne pose pas de conditions politiques à ce rapatriement. Mais le régime a peur des manifestations de rues si le corps revient », ajoute-t-il. Joint par l’AFP, le ministère de l’Intérieur a renvoyé vers un vice-ministre de l’Intérieur qui n’a pas répondu aux appels.
De son vivant, des centaines de milliers de personnes avaient salué le dernier retour à Kinshasa d’Étienne Tshisekedi, le 31 juillet 2016, avant son ultime voyage à Bruxelles où il partait se faire soigner en janvier 2017.
Juste avant sa mort, Étienne Tshisekedi avait supervisé l’accord politique de la Saint-Sylvestre 2016 avec la majorité au pouvoir, sous l’égide de la conférence épiscopale.
L’enjeu: trouver une issue à la crise liée au maintien du président Kabila au-delà de la fin de son deuxième et dernier mandat le 20 décembre 2016, après la répression sanglante de manifestations en septembre et décembre 2016.
L’accord prévoyait la nomination d’un Premier ministre issu des rangs de l’opposition, des mesures de « décrispation politique » et des élections au plus tard en décembre 2017.
UDPS Limete vs UDPS Tshibala
La situation n’a pas cessé de se dégrader depuis la mort d’Étienne Tshisekedi. Son fils et ses héritiers politiques ont contesté la procédure de nomination du nouveau Premier ministre, Bruno Tshibala, exclu des rangs de l’UDPS.
En réponse, Bruno Tshibala a été désigné lors d’un congrès en décembre président de « son » UDPS. La presse kinoise parle désormais de l' »UDPS-aile Limete » et de l' »UDPS-aile Tshibala ». L’UDPS-Limete a annoncé son propre congrès en février.
Les élections en RDC ont finalement été reportées au 23 décembre 2018 par les autorités qui affirment que les violences au Kasaï (centre) ont retardé le recensement des électeurs. Étienne Tshisekedi fils et d’autres opposants ont réclamé en vain une « transition sans Kabila ».
Leurs appels à des mobilisations diverses fin 2017 ont rencontré un écho limité en RDC où les autorités interdisent toute manifestation depuis septembre 2016.
La contestation du régime a repris de la vigueur avec les appels d’un comité laïc proche de l’Église catholique à des « marches pacifiques » les 31 décembre et 21 janvier, dont la répression a fait une quinzaine de morts d’après les Nations unies.
En plus d’annoncer la messe à la mémoire de son ex-président, l' »UDPS-Limete », dans un autre communiqué, « dénonce l’enlèvement de ses membres dont certains sont gardés dans les geôles du pouvoir », en donnant six noms.
Source : www.cameroonweb.com