RCI: l’opposition toujours mobilisée pour la libération de Laurent Gbagbo

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A 65 ans, Pascal Affi N’Guessan n’aura besoin de personne pour lui rappeler qu’il joue peut-être sa dernière chance. En campagne électorale perpétuelle, le chef du parti créé par Laurent Gbagbo veut jouer la carte du rassemblement au Front populaire ivoirien (FPI) et n’exclut pas une alliance avec le PDCI de Henri Konan Bédié dont le pacte avec la mouvance présidentielle bat de l’aile. A l’heure de l’incertitude dans les rangs du RDR (au pouvoir), de la formation des alliances et de la préparation de la succession d’Alassane Ouattara, la bataille pour la présidentielle de 2020 semble avoir été lancée avant l’heure. Et le « Lion du Moronou » entend bien faire valoir ses prétentions au « trône ». En marge du Crans Montana Forum 2018 à Dakhla (Maroc), Pascal Affi N’Guessan s’est confié à La Tribune Afrique.

La Tribune Afrique : Le 2 mars dernier, vous avez rencontré Rémi Maréchaux, le « Monsieur Afrique » du Quai d’Orsay puis François Hollande. Vous leur avez dit quoi ?

Pascal Affi N’Guessan : Ces deux rencontres s’inscrivent dans deux contextes différents. Tout d’abord M. Rémi Maréchaux est en charge des questions africaines depuis sa nomination par Emmanuel Macron. Il était important qu’en tant qu’acteurs de la vie politique en Côte d’Ivoire, nous puissions le rencontrer, faire connaissance, échanger notamment sur notre analyse de la situation politique et sociale du pays. Nous avons aussi voulu connaître la perception des autorités françaises de cette situation pour qu’elles fassent tout ce qui peut être fait à leur niveau pour la faire évoluer surtout sur des questions majeures comme celles de la liberté, de la démocratie, de la justice équitable, de la sécurité, de la réconciliation nationale. Toutes ces questions représentent des défis importants auxquels la Côte d’Ivoire est confrontée.

Ensuite avec François Hollande, c’est plutôt une visite de courtoisie à un ami de longue date [les deux hommes appartiennent à l’Internationale socialiste, ndlr], qui a eu à exercer les plus hautes fonctions à la tête de l’Etat français mais qui est aujourd’hui en retrait de la politique. J’ai quand même profité de l’occasion de mon séjour en France pour lui rendre visite pour partager avec lui notre vision de l’avenir de la Côte d’Ivoire.

Vu de Côte d’Ivoire, ce déploiement d’« activités diplomatiques », couplé à cette main tendue au PDCI sonne comme une quête de soutiens pour un lancement d’une campagne électorale avant l’heure…

Un homme politique est toujours en campagne. Aucun moment n’est particulier, propice, pour entamer une campagne. Il est vrai que sur le plan institutionnel, il y a une période officielle de campagne. Mais chaque acte posé, chaque geste, participe à campagne pour la conquête du pouvoir lorsqu’on est dans l’opposition ou pour le maintien au pouvoir lorsqu’on a les rênes.

Nous déployons donc depuis toujours, en particulier depuis 2014, une stratégie de repositionnement de notre parti sur l’échiquier et de mobilisation pour la conquête du pouvoir. Chaque occasion est bonne pour nous de progresser vers l’aboutissement de ce projet.

Un tribunal abidjanais a fini par vous donner raison sur la guerre des chefs qui vous a opposée à Aboudramane Sangaré, de l’aile dure du FPI, notamment sur le sort de son fondateur. Le dossier de la libération Laurent Gbagbo reste toujours une priorité du FPI ?

Le dossier de Laurent Gbagbo reste un dossier important pour notre parti dans la mesure où il est son fondateur. Qui plus est, c’est en tant qu’élu proposé par le Front populaire ivoirien (FPI) à la présidence de la République qu’il a été arrêté. Pour ces deux raisons, le FPI doit rester mobilisé dans le combat pour sa libération. Par ailleurs, c’est vrai que le dossier a une dimension internationale forte qui a besoin d’être pris en compte et c’est pour cela que nous avons bâti cette stratégie de repositionnement parce que nous pensons que c’est un dossier politique.

Et ce n’est que par la politique, par la diplomatie, avec un parti fort, un parti responsable, un parti respecté avec une présence à l’international que l’on peut faire avancer ce dossier et obtenir une solution politique pour la libération du Président Gbagbo. Toutes les actions que nous menons pour consolider le parti, le rendre crédible, fréquentable, le positionner comme un acteur important de la vie politique nationale avec lequel tous les amis de la Côte d’Ivoire discutent, contribuent aussi à construire les conditions de la libération du Président Gbagbo.

Au sein du parti, certains de nos camarades cadres qui ont une autre façon de voir les choses, pensent que c’est dans une posture de confrontation, de défiance vis-à-vis des adversaires d’hier que nous allons trouver une solution. Mais je crois qu’avec le temps, ils se sont rendu compte que c’est une stratégie erronée.

Justement, est-ce que vous êtes prêt à leur tendre à nouveau la main, à les écouter pour construire une approche à mi-chemin ?

Nous leur avons toujours tendu la main. Nous pensons que leur position qui n’apporte pas beaucoup au parti, est une perte d’énergie qu’on aurait pu redéployer ailleurs. Depuis l’origine, nous avons toujours tendu la main, nous la tendons toujours et nous allons continuer à la leur tendre. Notre congrès d’août 2017 a été reporté car nous voulons nous donner une chance de tenir un congrès qui va impliquer et fédérer tous les militants, tous les cadres de notre parti. Nous sommes toujours ouverts. Nous attendons que la raison l’emporte car c’est du côté de M. Sangaré qu’il y a des réticences. Tout le monde doit comprendre que l’intérêt du parti est dans l’unité. La division ne fait que le jeu de l’adversaire.

Votre visite à la résidence d’Henri Konan Bédié a marqué. Avec la brouille au sein de la coalition présidentielle, vous espérez faire bloc avec le PDCI ?

Nous pensons que cette « brouille » est la manifestation de la fin de cette alliance conclue en 2005 grâce à laquelle Alassane Ouattara est arrivé au pouvoir. Cette expérience est arrivée au bout de sa logique. Et dès à présent, il faut que la Côte d’Ivoire se prépare à une alternance. Pour cela, il faut une nouvelle alliance que nous pourrions former avec le PDCI. De ce fait nous tenterons de régler tous les problèmes que l’ancienne alliance n’a pas pu régler.

Il s’agit de problèmes comme la division du pays, la mauvaise gouvernance, la lutte contre la corruption, de l’insécurité avec le phénomène dit des « microbes » et le traumatisme des enlèvements d’enfants, la défiance civile envers les symboles de l’Etat. Il faut rapidement remédier à cette situation de chaos, restaurer la paix et la sécurité dans ce pays, promouvoir la bonne gouvernance, protéger les libertés et promouvoir la démocratie. Et cette alliance peut contribuer à faire en sorte que le pays profite de l’énorme potentiel économique et humain dont il dispose et qui, aujourd’hui, est mal exploité à cause de l’anarchie qui prévaut dans la gouvernance nationale.

Avec ou sans cette alliance, il semble que vous êtes déjà en train de préparer la présidentielle de 2020…

Nous sommes toujours en préparation comme je ne cesse de l’indiquer. Et comme une échéance électorale se prépare en tout temps, mes tournées en France, en Allemagne [sur invitation de la Fondation Friedrich-Ebert, ndlr] et même au Maroc où je participe au Crans Montana 2018, contribuent à cette préparation électorale. Ce sont des occasions pour écouter et échanger avec des experts, des personnalités sur des sujets aussi vitaux que l’agriculture, la santé, la lutte contre la pauvreté, le développement de l’économie bleue… Des préoccupations qui intéressent au plus haut point l’Afrique en général et la Côte d’Ivoire en particulier. Ce genre de laboratoires permet de collecter des idées et d’éprouver les miennes pour préparer et affiner nos propositions en 2020 pour faire de la Côte d’Ivoire, un pays émergent !

Source : www.cameroonweb.com