Qui rêve d’être Dieu pour Proscrire qu’il n’y aura plus jamais d’autres 19 août 2017 au Togo ?

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Qui rêve d’être Dieu pour Proscrire qu’il n’y aura plus jamais d’autres 19 août 2017 au Togo ?

« C’est une prévoyance très nécessaire de sentir qu’on ne peut tout prévoir » disait Jean-Jacques Rousseau, dans Du Contrat Social avec les yeux de l’esprit qui flairent sans arrêt l’avenir sans y percer toutes les contingences. Ce grand penseur de l’Etat se différencie de la racaille, incapable d’évaluer la mobilité sociale, les dimensions de l’homme, la puissance de rebond des masses populaires et des peuples opprimés.

Personne ne peut infailliblement anticiper sur les convulsions sociales encore moins, les potentats qui se bercent d’illusion que les garnisons et le fusil suffisent à tenir loin les peuples de ce qui les regarde. Au biberon des thèses de Nicolas de MACHIAVEL et de Thomas HOBBES, ceux qui ont grandi dans l’absolutisme et dans l’impunité sont presqu’inexistants sur l’échiquier des modèles de la pérennité.

L’autocratie est une fragilité de gouvernance qui vit de menaces, d’actions violentes et de propagande effrénée, mais elle n’a aucune garantie d’aveugler les peuples pour prospérer sur leur silence. Du reste, le silence des peuples une propeudétique à l’embrasement dont les tyrans ne se tirent jamais à bon compte. De la révolution de 1789 jusqu’au balayage populaire à nos portes du Nord qui a déboulonner Blaise COMPAORE en passant par la Roumanie de Nicolae Ceausescu et au printemps arabe, le relevé des revers et des chutes fracassantes nous convainc de ce que aucun usurpateur de la légalité ne peut plus penser que l’arsenal de répression est un atout de survie. Simone WELL nous fournit avec force argument l’inexorable dénouement de la tyrannie dans Oppression et liberté : « Rien au monde ne peut empêcher l’homme de se sentir né pour la liberté. Jamais, quoi qu’il advienne, il ne peut accepter la servitude ; car il pense »

Les attardés politiques qui ont dans leur psychisme toutes les catégories de la pensée mythique pour un embrigadement des peuples dans le ghetto conceptuel de l’Etat s’affolent trop vite dans leur culte de puissance, parce qu’ils sont de gros incultes de l’histoire des peuples autant que de la philosophie politique. La docilité des peuples n’a jamais existé sous les garnisons. Le supplice et le manque sont les vecteurs incontournables des bouleversements les plus intenables. Les « maitres » qui portent des fusils en bandoulière bavent d’idioties à croire que l’ordre sécuritaire leur appartient et que la légitime-défense des peuples solidaires de leurs aspirations s’essoufflerait toute seule.

Les sources de motivations populaires peuvent-elles s’affaisser, s’étioler ou disparaitre sous les menaces et les armes de l’oppression ?

L’épanouissement des citoyens et des peuples n’est-il pas trop cher et consubstantiel au genre humain, à sa survie, à son évolution pour se rétracter sous des menaces ?

1) Une gueule de pierre au cœur de froussard

Celui qui s’astreint toujours à des explications de textes avec toutes les excentricités aussi ridicules que malveillantes se croit intelligent pour avancer les détails d’une feuille de route dont seule la CEDEAO détient les secrets. Cette licence d’interprétation, qui avait obligé Alpha CONDE à une sortie médiatique sur le communiqué final d’une rencontre antérieure sur la crise togolaise se répète, alors que le texte de cette feuille de route imposée par l’autorité communautaire n’est pas encore formulé.

L’agitation péremptoire, gratuite du sieur BAWARA dissimule à peine la sentence implacable de la CEDEAO qui, nul doute, priverait la majorité factice de ses rêves détraqués d’être l’actrice incontournable des élections au Togo et, naturellement, serait pour elle une perte d’autorité dans le jeu politique de ce pays. Ce coup dur pour ceux qui ont longtemps cru qu’ils sont les maîtres du Togo distille déjà ses traumatismes, ses peines et ses appréhensions qu’on veut camoufler par un refoulement qui se traduit par une sortie désadaptée, incongrue et bouffonne.

Les errances d’exploit et les distorsions du sens logique de M. BAWARA sont connues. Ce froussard aurait dû répliquer à Alpha CONDE et dire qu’une date indicative peut-être tenue ou non et qu’il suffit de mettre tout en œuvre pour être dans le délai. L’esprit du communiqué étant limpide, le banditisme politique s’évertuait à le détourner en pétaradant sur un clair-obscur qui se dissipe de lui-même par la suspension impérative jusqu’à nouvel ordre des préparatifs des élections. Si cet homme peut se permettre de renverser un texte qui est sous nos yeux, quel crédit devons-nous accorder à celui qui dérive de son imagination ?

La peur panique est à son comble et la majorité postiche, tétanisée, se perce le crâne pour que le démiurge sorte pour des menaces et se donner une contenance de maîtrise des suites d’une sentence qui, semble-t-il, annoncent la déconfiture de la dynastie. Le rachat d’autorité est impossible en ce que la République en rebut est désormais sous la bonne garde communautaire et plus rien ne sera comme avant sous la dynastie singulière d’usurpation et de criminalité.

Quand Bawara déclare sur le site d’information « Togobreakingnews. info » qu’il n’est plus question de céder « à la loi de la rue, plutôt à celle de la République » et que « C’est pour cela qu’il n’y aura plus jamais d’autres 19 août 2017 », il veut proclamer un triomphe autoritaire sur les aspirations légitimes des Togolais. Malheureusement pour lui, c’est trop tard. Le torrent de la contestation populaire a déjà fait tomber le fief de la minorité majoritaire aux serres de rapaces. La CEDEAO est désormais sur le suivi des réformes et des élections.

L’illusion de puissance habite les pauvres revenants qui, de leur gigantesque cimetière, se plaisent à rêver et à se coiffer d’une couronne ensevelie dans une sépulture indécente. Les épouvantails n’ont qu’une puissance inexistante. Seuls ceux qui ont peur d’eux se font du tort dans leur phobie. Ce n’est pas maintenant que l’œil de la CEDEAO moderne est complètement tourné sur le Togo avec un suivi marqué à partir du 31 juillet que la férocité criminelle va ordonner des massacres, des représailles fauves pour imposer une docilité forcée à notre peuple uni, solidaire et résolu à changer le cours de son histoire politique aux désastres ronflants. Nous ne sommes plus 2005, ni en 2010. Les décennies se suivent et ne se ressemblent jamais. La géopolitique et la géoéconomie de la Communauté sous-régionale sont d’un cran démocratique avec des marques irréversibles de l’évolution des peuples qui ont obligé la CEDEAO à sauter Yahya Jammeh pour libérer les gambiens debout sur leurs réclamations populaires, leurs droits.

La perversité langagière de Bawara sur la feuille de route présumée de la CEDEAO est une grosse étourderie à laquelle sous trouvons la réplique chez Molière qui s’en moque dans L’Étourdi : « On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé. Et je lui crois, pour moi, le timbre un peu fêlé »

2) Le destin des peuples

Quand des minables dirigeants usurpateurs se mettent à défier leurs peuples, il faut savoir qu’ils sont bien embarrassés par une érection de la conscience nationale contre leurs abus et qu’ils voient à travers cette insurrection de la conscience populaire un « dégagement » de leur régime.

A chaque fois que l’issue de secours pour sauver un règne est totalement obstruée, les tyrans et les bourreaux de compagnie se réfugient dans le déni, la menace et la violence

Eyadéma, face à l’adversité populaire et frontale qui ne faiblissait pas malgré le seuil intolérable de la criminalité orchestrée contre les civils sans défense s’écria : « Vous allez reculer cent ans en arrière » Ce défi lancé au peuple du Togo n’a trouvé de réponse que dans la fermeté de l’adversité qui l’avait envoyé se noyer dans l’alcool. Les revers subis par le « Timonier » lui-même, n’ont pas instruit une grenouille qui veut prendre la taille d’un boeuf.

Les peuples ne peuvent pas pleurnicher éternellement sur les supplices à eux infligés par les gouvernants indélicats. En eux-mêmes, résident les sources de leur puissance inaltérable. Il suffit de voir comment ce que ce régime a longtemps couvert comme son fief est tombé dans un éclair pour se rendre compte que la victoire appartient au peuple. Le mordant de la lutte populaire depuis le 19 août 2017 est d’une autre dimension. Il s’étale sur tout le pays sans exclusion jusqu’à la diaspora. Et pourtant, on avait assisté au même défi de répression à la veille de ce mouvement, à la télévision nationale, avec le serment d’une dispersion propre et sans retenue par Yark Damehane. « Qui est Tikpi », vociférait-il avec suffisance et mépris. La petite personne du leader Atchadam portait la voix de tout un peuple qui a contraint Lomé II à l’insomnie et à la ronde des palais régionaux et internationaux pour appeler au dialogue.

Les insolences princières traduisent bien souvent une énergie du désespoir autant que celle de leurs hommes de main. Moussa Traoré, l’ancien Président du Mali avait organisé une répression impitoyable contre les élèves et les étudiants qui demandaient une ouverture démocratique dans la rue. Comme la contestation ne faiblissait pas, Moussa Traoré s’est permis le culot de déclarer en bambara, la langue du pays : « Je vais vous faire retourner dans les entrailles de vos mamans ». Chacun de nous peut traduire dans sa langue maternelle le contenu de cet écart de langage qui a fini par révolter les femmes du Mali qui ont suivi leurs enfants dans la rue. Moussa Traoré est immédiatement déposé.

Les réalités historiques sont en face de nous et la misère de l’esprit des petites gens au podium de leurs rêves n’y tire pas un micron d’enseignement. Ils n’ont pas « pitié d’eux-mêmes comme aime à le dire le philosophe allemand Schopenhauer. Les positionnements de contingence comportent en eux-mêmes la logique du renversement. Seule la noblesse de l’esprit est la voix du salut comme le précise l’intellectuel ghanéen AYI Kwei Armah dans « The beautiful ones are not yet born », livre dont la traduction française est L’âge d’or n’est pas pour demain. Tout le monde peut avoir des rêves, mais les rêves à leur place. Marcel Proust répondait aux doux rêveurs, perdus dans les dédales de leurs hallucinations en ces termes dans A la recherche du temps perdu : « Nous sommes obligés, pour rendre la réalité supportable, d’entretenir en nous quelques petites folies »

Source : L’Alternative No.723 du 31 juillet 2018

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