Quels sont les risques de violences post-électorales lorsque l’on sait que le Togo s’est souvent embrasé suite à ces scrutins ?

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Dr Ati Antoine Randolph

Chers Compatriotes,
Vaillant Peuple togolais,

Certains membres des forces démocratiques togolaises se sont réunis avec l’honorable député français Jean-Paul LECOQ, membre de la Commission des affaires étrangères, le 11 décembre 2019 à Paris, pour débattre du thème : » Togo, 1963 – 2020 : la fin d’un long cycle de violence politique ? ».

Cette rencontre était sous l’égide de monsieur le député en partenariat avec CODITOGO ( Coalition de la diaspora togolaise pour l’alternance et la démocratie ) .

Je tiens ici à remercier chaleureusement monsieur Jean-Paul LECOQ de l’initiative de cette réunion et à le féliciter pour ses nombreuses interventions en faveur des droits de l’homme, pour sa large compréhension des problèmes du monde subsaharien et pour son humanisme.

Plusieurs questions avaient été abordées au cours de cette réunion dont celle qui fait le titre de cet article et que j’avais exposée.

Ce n’est pas un compte rendu de cette rencontre que je veux faire ici mais, compte tenu de la gravité de la question que j’avais traitée, j’ai jugé préférable que vous en preniez aussi connaissance intégralement afin d’agir selon votre conscience. Alors que notre pays s’enfonce progressivement dans le chaos économique et dans l’abîme de la violence d’État, le peuple profond reste dans l’incertitude du choix des légitimateurs d’aller au scrutin présidentiel du 22 février 2020 . Ce choix répond-il réellement à ses intérêts ? Ou sert-il seulement les intérêts de ces légitimateurs qui préfèrent sauver le système néocolonial qui s’est enraciné dans notre pays au lendemain du coup d’État du 13 janvier 1963 et dans lequel ils font carrière? Je pense que le moment de la grande rupture est venu : laisser en arrière ce qui est pourri, corrompu pour semer maintenant les graines de l’espoir ouvrant ainsi une ère démocratique et souveraine aux générations actuelles et futures. Cette alternative ne peut et ne pourra se faire que par la résistance populaire basée sur l’action non violente dont les trois principes cardinaux sont : la désobéissance civile et militaire, la non coopération et l’insoumission généralisée.

I. Observations préliminaires

Sept observations préliminaires nous permettront de situer l’importance de cette question et d’envisager la réponse.

1) Le coup d’État qui a renversé en 1963 le gouvernement patriotique et qui a mis fin à la vie de Sylvanus OLYMPIO, président démocratiquement élu, est un coup d’État néocolonial fait par la France pour installer un système néocolonial porté par les partis politiques qui lui étaient favorables : le parti togolais du progrès ( PTP) de Nicolas Grunitzky et l’union des chefs traditionnels et des peuples du nord ( UCPN ) d’Antoine Méatchi. La néo-colonisation est un système inique, injuste et prédateur, portant en son sein les germes de la violence. La violence va s’installer, s’exercer, se développer et se perpétuer d’autant que la base sociale nationale, majoritairement patriotique est réfractaire, donc capable de s’opposer à ce système. Il faut donc la neutraliser, la contenir , la diviser voire la réduire par tous les moyens!

2) Irruption de l’armée sur la scène politique. D’abord dans l’antichambre du pouvoir pour apprendre à gérer les affaires, les militaires étaient pratiquement aux commandes de l’État. Après l’évincement du pouvoir civil bicéphale en janvier 1967, l’armée a pris les rênes du pouvoir et, à l’avènement d’Eyadéma Gnassingbé, le 14 avril 1967, s’est installée jusqu’à présent. Cet ancien sergent a dirigé d’une main de fer le pays comme sa propriété privée jusqu’à sa mort en février 2005. Le président français Jacques Chirac a imposé Faure Gnassingbé pour sa succession, celle-ci s’est faite dans un bain de sang .

3) C’est après le renversement du gouvernement patriotique que les accords secrets imposés aux anciennes colonies françaises d’Afrique ont été signés par le Togo. Ces accords ont permis à la France de dépouiller le Togo de son indépendance et de sa souveraineté ; Ils consacrent la mainmise de ce pays sur le Togo, d’où le soutien multiforme, indéfectible et inconditionnel de la France à la dictature des Gnassingbé père et fils et l’émergence de la culture de l’impunité. Le problème togolais résulte de la création par la France d’une armée néocoloniale d’occupation et d’accaparement, une sorte de tumeur maligne dans le tissu social.

4) Faure Gnassingbé est illégitime. C’est un usurpateur, un pyromane et un terroriste. Son 3ème mandat est usurpé au regard de la constitution de 1992. La soi-disant nouvelle constitution votée en mai 2019 par une assemblée nationale unicolore et illégitime est sur le plan de l’éthique judiciaire inacceptable. Faure Gnassingbé ne peut en aucun cas briguer un 4ème mandat présidentiel et son régime, étant illégitime ,n’est pas logiquement habilité à organiser une quelconque élection.

5) Après deux ans de contestation populaire, seul le soutien de la communauté internationale – dont le groupe des 5 ( ONU, l’UE, États-Unis d’Amérique, France et Allemagne ), l’UA et la CEDEAO – régentée par la France maintient encore Faure Gnassingbé et son régime en place.

6) Stratégie éculée de la Françafrique. Cette stratégie qui a bien fonctionné depuis près de 30 ans dans notre pays et ailleurs doit être abandonnée au profit de la vérité des urnes et des droits de l’homme pour peu qu’on veuille respecter les valeurs universelles de liberté , de justice, d’intégrité, d’éthique et d’autodétermination des peuples. La France qui se targue d’être le berceau des droits de l’homme est en réalité, sur le continent africain et particulièrement au Togo, le cercueil des droits humains en voulant défendre ses intérêts. Pour cela, c’est la France qui choisit celui qui doit être élu !

Cette stratégie peut se résumer de la façon suivante : Mascarades Électorales – Contestations Populaires – Répressions – Pseudo-Dialogue – Gouvernement d’Union Nationale

7) L’importance de la diaspora est un peu plus de 25 % de la population togolaise. Elle est le reflet de la mauvaise gouvernance et des graves violations des droits de l’homme de la dictature des Gnassingbé

II. Risques de violences post-électorales

Les risques seront énormes et très graves. Dans le contexte actuel de crise sociopolitique, ils vont s’échelonner tout au long du processus électoral, c’est-à-dire en amont, pendant et en aval. L e peuple togolais est pacifique, il a toujours manifesté à mains nues. Mais répondre à cette question nous amène à poser deux autres questions subsidiaires et tenter d’y répondre.

A) Pourquoi s’entête-t-on à imposer au peuple togolais les élections comme sortie de crise alors qu’il exige la démission de Faure Gnassingbé ?

Le système dictatorial RPT/UNIR et ses facteurs de violence. Alors que la base sociale de ce système est une infime minorité ne dépassant guère 3 %, la dictature concentre entre ses mains tous les pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire ainsi que ceux qui en découlent comme les pouvoirs administratif, économique, financier. Il a la mainmise sur les institutions et refuse de faire les réformes institutionnelles et électorales; il contrôle tout le processus électoral, en amont, pendant et en aval.

Il contrôle l’institution régalienne. D’ailleurs, c’est l’armée néocoloniale, non républicaine qui est le socle de la dictature et qui dirige le pays, le président n’étant qu’une marionnette. L’armée est de plus en plus infestée de mercenaires et de terroristes étrangers qui prennent le commandement des régiments à la place des officiers supérieurs togolais et qui provoquent la terreur partout même au sein de cette armée.

Les militaires sont à la tête d’au moins 50 % de préfectures. Il y a parmi les chefs traditionnels de nombreux anciens militaires.

Outre la Police, la Gendarmerie et cette armée pléthorique, le régime dispose d’un grand nombre de miliciens togolais et surtout non togolais.

Signalons en passant que le Togo est l’un des pays les plus militarisés du monde et que dans le cadre des accords de défense franco-togolais, ce sont des instructeurs français qui forment et encadrent les militaires et gendarmes togolais et que le conseiller militaire actuel du Chef de l’État est le général français 5 étoiles Raymond Germanos, pédophile notoire, radié du corps des armées françaises.

Le régime dictatorial RPT/UNIR, réduit à sa portion congrue, refuse les réformes institutionnelles et électorales. Pour sa survie, pour conserver le pouvoir, il ne peut organiser qu’une élection biaisée, une mascarade électorale, avec à l’appui la contrevérité des urnes, l’achat des consciences à tous les niveaux, le soutien de la communauté internationale et si cela ne suffit pas il recourra à la violence ; La communauté internationale a jusqu’à présent avalisé les faux résultats de la contre-vérité des urnes des élections présidentielles et législatives.

Donc, c’est par le biais des élections frauduleuses que la communauté internationale, manipulée par la France, voudrait maintenir Faure Gnassingbé ou son remplaçant éventuel au pouvoir pour perpétuer le système de pillage quel que soit le prix en vies humaines. Ce fait est d’ailleurs confirmé par Robert Bourgi, spécialiste français des affaires africaines et lobbyiste de la Françafrique : «  Sans aucun doute, c’est la France qui choisit les dirigeants africains».

B) Pense-t-on pouvoir empêcher cette fois-ci le phénomène d’embrasement post-électoral de se produire tout en maintenant le processus électoral de la contrevérité des urnes ?

Dans la perspective de faire gagner Faure Gnassingbé ou un éventuel candidat du RPT/UNIR ou, à défaut, un candidat adoubé par Paris et la communauté internationale, l’on pense sérieusement pouvoir empêcher le phénomène d’embrasement post-électoral en ayant recours à toutes sortes de méthodes et de manœuvres pour déminer le terrain insurrectionnel avant les élections présidentielles ou même avant l’annonce de la candidature de Faure Gnassingbé pour un 4ème mandat.

a) Donner une base légale pour permettre un 4ème mandat et plus à Faure Gnassingbé et empêcher ou restreindre les manifestations pour justifier les violences ;

  • nouvelle constitution personnalisée et taillée sur mesure pour Faure Gnassingbé ( 8 mai 2019 )
  • loi liberticide de Boukpessi ( 7 août 2019 )

b) Légitimer le régime en acceptant de participer à l’élection présidentielle et en faisant croire que l’alternance est même possible sans les réformes consensuelles institutionnelles et électorales. Pour cela l’appât du gain personnel est déterminant. Le candidat verse 20 millions de francs CFA comme caution et reçoit en retour pour sa campagne au moins 300 millions sans aucune condition selon un décret pris en conseil des ministres le 5 décembre dernier. A ce jour il y a 13 candidats déclarés. Le tourisme électoral est juteux !

c) User de l’art de la séduction et faire l’apologie de la paix sous la dictature pour tromper et endormir le peuple. L’achat des consciences se fait dans tous les milieux sociaux, religieux et politiques. Chamalières et la Banque mondiale ont prêté main forte au régime.

Beaucoup de mouvements et partis politiques, des associations de la société civile et des associations confessionnelles ont été arrosés ;

d) exercer la violence en ciblant les points de résistance comme le parti national panafricain dont les militants sont persécutés. Violations et saccages des domiciles pour interdire les réunions.

e) Pousser le peuple à l’exaspération, à la fatigue et au découragement en exerçant sur lui des méthodes violentes et humiliantes de voyous ( arrogance, rafles, fouilles, viols, bastonnades, tortures, arrestations et incarcérations arbitraires, disparitions, etc ) ; Le rapport 2019 de la Ligue togolaise des droits de l’homme intitulé «  Togo : la terreur contre le peuple « en dit long sur le drame humain que les Togolais vivent quotidiennement. Dans sa préface «  AU SECOURS ! ILS FUSILLENT LES ENFANTS !« cette organisation de défense des droits humains déclare que «l’actualité togolaise sur le plan des droits humains sous la dictature héréditaire des Gnassingbé, est une descente aux enfers pour le peuple martyr. D’horreur en horreur, on se dit que le pire est déjà passé. Mais la répression semble engagée dans une concurrence macabre avec elle-même : faire pire que la dernière fois sur le terrain sanglant de la terreur et de l’ignominie. « Le chef d’état-major des forces armées togolaises, le général Félix Abalo Kadanga, a porté la terreur et l’ignominie à leur comble en tuant à bout portant, le 9 décembre 2018, un enfant de 11 ans avec son fusil à lunette !

f) Maintenir certaines populations dans l’insécurité permanente, la peur, l’angoisse et le besoin en prolongeant l’état de siège des villes septentrionales.

g) Décréter le couvre-feu, c’est la dernière trouvaille pour mettre le peuple sous-pression et dans la frayeur, donc accentuer la peur et la crainte du régime pour pousser à l’inaction, à la passivité, voire à la fatalité.

h) Croire en la création de la FOSEP ( Force de la sécurité des élections présidentielles ) est une illusion dont le peuple est conscient. C’est un alibi pour la France et la communauté internationale de renforcer le matériel de sécurité- répression et de faire triompher la contrevérité des urnes ; Cette force a déjà participé à la falsification des résultats électoraux et aux massacres des manifestants.

i) Recevoir en utilisant l’art de la séduction le soutien de la communauté internationale et des milieux internationaux d’hommes d’affaires pour légitimer le régime, faire croire que tout va bien au Togo et que les élections prochaines se passeront paisiblement dans de bonnes conditions  comme vient de le déclarer le ministre Gilbert Bawara, porte-parole du gouvernement, je cite : « Le cadre électoral actuel ne souffre d’aucune anomalie. Il respecte les normes internationales en matière d’élections libres, démocratiques, fiables et transparentes » Alors que tout le monde sait que le processus électoral en cours est vicié et corrompu et que le régime refuse de faire les réformes institutionnelles et électorales contenues dans l’accord politique global et reprises sur la feuille de route de la CEDEAO. La non fiabilité de ce fichier est dénoncée par les acteurs politiques de l’opposition et des organisations de la société civile. La révision électorale organisée du 29 novembre au 2 décembre derniers a été une mascarade selon plusieurs organisations de la société civile.

La propagande du Plan national de développement, les privatisations à tout vent, le Doing business, la 20ème session de dialogue UE -Togo au cours de laquelle l’Union européenne « a salué les efforts déployés en vue d’aboutir à une élection libre, transparente et équitable », visent tous le même but : redorer l’image du Togo et préparer l’opinion nationale et internationale à accepter les résultats de la contre-vérité des urnes ! A la congolaise ? Peut-être !

Quoi qu’il en soit, nous, patriotes togolais, n’avons pas attendu le ministre des droits de l’homme, Christian Trimua qui vient «  d’inviter les Togolais à prendre les armes s’ils veulent une alternance au Togo » pour comprendre et savoir que sous cette dictature des Gnassingbé la voie électorale pour l’alternance politique est bloquée, a fortiori pour une alternative démocratique. Seule la résistance populaire basée sur l’action non violente de désobéissance civile, de non coopération et d’insoumission généralisée pourra redonner tout le pouvoir au peuple togolais !

III. Conclusions

Les temps ont changé ! Ce n’est plus le peuple meurtri de 2005 qui a payé très lourd l’holocauste commis par Faure Gnassingbé pour s’emparer du pouvoir et succéder à son père adoptif, Eyadéma Gnassingbé . Le peuple togolais, qui est debout aujourd’hui, a déjà connu 15 ans de dictature de Faure Gnassingbé et il est déterminé à rester debout afin de tourner la page de la honte et de conquérir le droit de vivre libre sur son sol et d’être heureux. Ce peuple est poussé à l’exaspération par la dictature soutenue par la France et d’autres pays. Il a droit à la liberté, il a le droit de prendre son destin en main !

Il appartient à la France et à la communauté internationale de mettre fin à leur complicité active avec cette dictature, la plus vieille du continent, et de faire honneur à leurs propres valeurs, ces valeurs qu’elles qualifient d’universelles. Elles doivent exiger de leur encombrant poulain immoral des réformes consensuelles institutionnelles – visant la cour constitutionnelle, la commission électorale nationale indépendante et la haute autorité de l’audiovisuel et de la communication – et électorales de manière à rendre crédible et transparent le scrutin présidentiel 2020 .

Nous, patriotes du Togo, nous sommes déterminés à mettre fin à cette dictature démoniaque, corrompue et pourrie des Gnassingbé. Nous mettons en garde la France et ses alliés qui coopèrent activement avec la dictature dans cette œuvre démoniaque de destruction de notre pays et de notre peuple! S’il doit y avoir élection, elle devra être transparente et exprimer la vérité des urnes !

Pour empêcher l’embrasement post-électoral, les militaires des FAT doivent être consignés dans les casernes. Des troupes de l’ONU et/ou de la CEDEAO impartiales et propres seraient chargées d’assurer la sécurité conjointement avec la FOSEP placée sous commandement onusien ou celui de la CDEAO.

Pour résoudre véritablement et durablement la question togolaise, nous patriotes et démocrates , continuons d’exiger la démission de Faure Gnassingbé et de préconiser la Transition avec le retour de la constitution originelle de 1992. Les réformes idoines seront faites sur la base d’un programme de société commun afin de restaurer l’État de droit, de toiletter la République en y introduisant la culture de valeurs universelles et de reconstruire notre pays. Des élections transparentes, libres et démocratiques seront réalisées à la fin de la Transition.

C’est par ce passage incontournable de la Transition démocratique que la paix, fondée enfin sur la liberté et la justice, et confortée par la réconciliation nationale, la vérité des urnes et la vérité des comptes publics, pourra revenir et perdurer dans le pays. Nous voulons construire une vraie démocratie dans notre pays ! Nous voulons une véritable alternative démocratique ! Nous voulons redevenir des hommes libres ! Nous voulons enfin vivre et non vivoter !

Paris, le 11 décembre 2019

Dr Antoine Ati Randolph, Président
Rassemblement National pour la Démocratie et le Panafricanisme
Contact : [email protected]

Source : 27Avril.com