Que se passera-t-il après le 31 Juillet 2018 ? : II- Tikpi Atchadam dans la C14

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Le PNP avait annoncé sa décision de ne pas prendre part aux actions programmées par la C14. Une annonce brutale, qui est tombée à la veille de la tournée prévue. Elle a fait dans la presse un bruit assourdissant, où approbations et condamnations se sont données libre cours.
La décision est un événement politique majeur dans le cours de ce qui s’est passé dans le pays depuis le 19 août 2017. Un événement d’autant plus majeur qu’il survient à cette veille du sommet des Chefs d’Etat de la CEDEAO où l’on attend fiévreusement la feuille de route promise pour cette occasion par les médiateurs de l’impossible « dialogue », et où la C14 devrait faire preuve de cohésion et de bonne mine.
Le PNP n’est pas sorti de la C14. Mais par son désaveu spectaculaire du programme des meetings et autres visites de prisonniers, il a fragilisé la coalition.

1- Les raisons d’une désolidarisation
Un certain Samari Tchadjobo a publié un article le 14 juillet 2018, article dans lequel il expose les raisons qui expliquent la position du PNP à l’égard du programme relatif aux manifestations prévues par la C14 pour les 20, 21 et 22 juillet. L’article donne le sentiment que Samari Tchadjobo est un membre du PNP et un proche de Tikpi Atchadam. Il importe de relever certaines de ces raisons pour bien comprendre ce qui se passe au sein de la C14.
L’article commence par planter le décor ? Certains estiment, y lit-on, qu’il faudrait organiser des manifestations avant le sommet des Chefs d’Etat de la CEDEAO, « histoire de faire pression sur le pouvoir et surtout sur les Chefs d’Etat de l’organisation sous-régionale ». Le but de ces manifestations ? Montrer à ces Chefs d’Etat « que les Togolais ne s’amusent pas et qui peut-être en tiendraient compte en rédigeant leur feuille de route. » (sic)
« …le PNP de Tikpi Atchadam n’est pas d’accord sur la démarche », annonce l’article. Il estime qu’il « serait plus sage de surseoir à toute manifestation avant le 31 juillet ». Et il explique : « les actuels pourparlers sont très différents des dialogues passés par la volonté de la coalition de ne pas se laisser rouler dans la farine cette fois-ci … l’opposition n’est plus prête à poser sa signature au bas de n’importe quel document comme ce fut le cas dans le passé » (sic).
Pour le PNP, l’engagement des facilitateurs de la CEDEAO dans la résolution de la « crise » donne un caractère régional, sinon international au dialogue. En conséquence, « quoi qu’on dise sur le sérieux, la qualité ou la crédibilité des deux médiateurs, il faudrait attendre pour voir le contenu de la feuille de route promise avant toute manifestation » .
Le PNP explique que lors de la dernière séance du dialogue (27 juin 2018), les médiateurs ne pouvaient prendre aucune décision « car ils n’avaient pas mandat de leurs paires de la CEDEAO ». C’est, conclut-il, « une raison de plus pour attendre les recommandations de l’organisation sous-régionale… »
Pour Tikpi Atchadam et ses amis, la déclaration de Payadowa Boukpessi selon laquelle l’opposition peut manifester partout sur le territoire national « ne diminue en rien la dangerosité et la puissance de nuisance du régime RPT/UNIR ». Selon le PNP, le pouvoir serait « acculé de tous les côtés et n’a plus rien à perdre. C’est pourquoi il est plus dangereux que jamais. Il pourrait organiser un bain de sang » qui, pour lui, « … pourrait changer ou influencer négativement la CEDEAO et la Communauté internationale qui pourraient, pour la stabilité de la sous-région, préférer que la démocratie attende encore un peu. »
L’article poursuit, en nous apprenant que le PNP « est conscient du caractère et de l’ambition nationale qu’a chaque formation politique » de la C14 ; qu’il « ne dit pas que chaque leader politique doit considérer sa région d’origine comme une chasse gardée… » Il insiste sur la nécessité de « mobiliser et d’attendre le verdict de la CEDEAO pour que la C14 réussisse à faire sortir les populations des grands jours sur toute l’étendu du territoire … Faire sortir les mêmes et reprendre sera improductif » . Et il termine en lançant un défi : « … que ceux qui critiquent la position du PNP aient le courage de sortir les vraies raisons de leurs démarches ». Ce défi vise de toute évidence certains membres de la coalition.
2- Tikpi Atchadam a contribué à fragiliser la C14
Deux remarques non négligeables. Le PNP n’est pas sorti de la C14. Il ne l’a pas encore dit en tout cas. On ne peut que s’en réjouir pour la Coalition dans ce climat politique si fortement polarisé par la tenue du prochain sommet de la CEDEAO dans la capitale togolaise. C’est une preuve de responsabilité. La C14 n’a aucun intérêt à étaler en ce moment ses divergences sur la place publique, plus que ne l’a fait la prise de position du PNP à l’égard du programme de la coalition. Par ailleurs, en un moment où une fraction importante de l’opinion voit dans la C14 le rédempteur qui va opérer la « sortie de crise » au profit de l’opposition, le PNP lui non plus n’a pas intérêt à se faire mettre à dos toutes les misères de la Coalition.
Fallait-il s’attarder si longuement sur ces raisons avancées par le PNP, jusqu’à prendre le risque de faire d’aussi longues citations ? L’intérêt de ces raisons pour une meilleure compréhension de ce qui se passe au sein de la C14 impose de prendre ce risque.
Nombre de ces raisons énumérées lèvent en effet un coin de voile sur le fonctionnement interne de la Coalition. Et c’est une bonne chose. Toutes les coalitions passées avaient fonctionné en vase clos jusqu’à leur éclatement ou jusqu’à leur disparition de la scène politique. Elles avaient toutes fonctionné comme des sortes de conclaves, comme si le peuple n’a rien à faire dans le combat pour la démocratie que d’attendre de voir si la fumée sera blanche ou noire. Et d’applaudir. Si la C14 veut parler au nom du peuple, elle doit mettre le peuple en mesure de contrôler son action.
Les raisons montrent également que la plateforme destinée à donner à la coalition l’image d’une organisation unie n’a pas résisté au choc des intérêts partisans, ou des ambitions personnelles dans le groupe. Mais la plateforme d’une coalition, c’est-à-dire une organisation sans cohérence politique et idéologique, sans cohésion par conséquent, peut-elle faire ce qu’elle ne peut pas faire ?
Certaines des raisons exposées donnent clairement le sentiment que Tikpi et ses amis accusent tous les autres partis de la coalition d’incapacité de définir et de conduire une politique d’opposition juste et opportune. C’est le cas quand le PNP déclare que « les actuels pourparlers sont différents des dialogues passés » , et qu’il affirme tout de go « la volonté de la coalition de ne pas se laisser rouler dans la farine cette fois-ci » ; alors qu’on sait que la quasi-totalité des autres partis de la coalition furent des acteurs actifs de pratiquement tous les dialogues passés… Ou encore quand il fait comprendre que « l’opposition n’est plus prête à poser sa signature au bas de n’importe quel document comme ce fut le cas dans le passé ». Nul ne se méprend sur ceux que cette affirmation peut faire moucher dans la C14. Des responsables de partis membres de la C14 ont effectivement apposé leurs signatures sur des documents dont l’intérêt pour l’opposition est fort discutable.
Mais les raisons avancées laissent surtout entrevoir la profondeur des divergences entre le PNP et probablement le reste du groupe. Probablement car, à aucun moment de l’exposé des raisons, rien ne permet de savoir si le PNP est le seul parti à désavouer les manifestations programmées, ou si d’autres partis aussi ont manifesté leur désapprobation du projet. Le long réquisitoire par lequel la coordinatrice de la coalition dénonce en fait les attitudes et comportements du PNP au sein de la coalition depuis sa création ne mentionne non plus rien dans ce sens. Comment se prennent les décisions au sein de la C14 ? A l’issue de quel type de débat le programme des meetings et autres visites de prisonniers est-il devenu une décision collective ?
On peut tout au moins affirmer une chose : le PNP dérange visiblement tout le monde dans le groupe et à tous les points de vue.
3- C’est le destin d’une coalition
En réalité, le vrai problème posé par la position de Tikpi Atchadam et ses amis est ailleurs. Et il est infiniment plus grave qu’on ne croit, parce qu’il renvoie à deux faits importants : le cadre d’organisation de notre lutte d’opposition et les conditions de fonctionnement des organisations de l’opposition.
La décision de Tikpi Atchadam de se désolidariser de l’action posée par la C14 montre une fois encore que le regroupement de partis d’opposition sous la forme d’une « coalition » ne constitue pas un cadre d’organisation approprié pour la résolution du problème politique togolais ; car, une coalition n’est jamais qu’un agrégat de partis politiques ou d’organisations associatives ou des deux à la fois. Dans une coalition les partis membres n’ont pas une vision commune de la lutte d’opposition et de ses finalités ; les objectifs du groupe sont essentiellement circonstanciels ; les intérêts essentiels des partis membres sont divergents ; une plateforme qui les tient ensemble leur permet juste d’afficher une union de façade.
Ainsi furent toutes les coalitions qui ont défilé sur la scène politique depuis 1997. Elles ne pouvaient pas faire avancer la lutte d’opposition. Et de fait, elles n’ont pas pu le faire. Sinon, nous n’en serions pas encore à attendre un verdict de la CEDEAO aujourd’hui.
Quand aux conditions de fonctionnement des organisations de l’opposition, à partir du moment où le but de la lutte d’opposition en cours est l’instauration de la démocratie dans le pays, les organisations qui conduisent cette lutte se doivent d’être des organisations démocratiques. Cela veut dire que les décisions qu’elles sont amenées à prendre au cours de la lutte doivent être prises à l’issue d’un débat démocratique en leur sein.
Dans le cas général, un débat démocratique conduit à la formation d’une majorité et d’une minorité sur une question donnée. La règle démocratique veut que la minorité se soumette à la décision majoritaire, tout en bénéficiant toutefois du droit de continuer de se battre au sein de l’organisation pour convaincre sur la justesse et la pertinence de sa position.
Comment fonctionne la C14 ? Comment les décisions sont-elles prises en son sein ? Si la décision relative aux meetings en question y est prise selon les règles démocratiques, le PNP est tenu de se ranger sur la position de la majorité. Ne pas l’avoir fait, et surtout la manière dont il a jeté sur la place publique sa décision de se désolidariser de l’action commune a forcément contribué à fragiliser la C14.
Mais quel reproche peut-on faire à Tikpi si, par sa nature même, une coalition laisse à ses partis membres la liberté de faire chacun ce qu’il veut, si son intérêt partisan le lui commande ? Et si elle admet que les partis d’opposition qui la constituent soient en compétition entre eux, autrement dit se battent les uns contre les autres pour le pouvoir, pendant que le régime autocratique est encore présent avec tous ses attributs ?
Que va-t-il se passer après ce 31 juillet ? Tikpi Atchadam risque bien de prendre définitivement ses distances vis-à-vis de la coalition après le 31 juillet, s’il est logique avec lui-même. Même si la C14 survit au sommet en vue, et qu’à tout hasard la feuille de route accepte l’idée de « gouvernement de transition » telle que formulée au sein du groupe, Tikpi Atchadam et son parti risquent bien de ne pas figurer parmi les ministres de ce gouvernement. Les divergences qui opposent le PNP des autres partis du groupe risquent en effet de donner aux contradictions internes de la C14, les allures d’un combat de gladiateurs au sein de ce gouvernement.
Le problème politique togolais ne sera pas résolu par la feuille de route promise. L’opposition sera obligée de poursuivre la lutte pour la démocratie. L’expérience a montré qu’elle ne peut pas le faire avec succès dans le cadre d’une coalition. Pour le faire avec succès, il faudra, comme la CDPA-BT l’avait déjà proposé à plusieurs reprises, qu’elle se donne une organisation ayant une forte cohésion et où des règles acceptées par tous ses membres maintiennent ceux-ci unis dans la durée.

Lomé, le 30 juillet 2018

Pour la CDPA-BT
L e Premier Secrétaire

Source : www.icilome.com