Dans cette tribune libre, Prof. Togoata Apedo-Amah se prononce sur le toilettage constitutionnel en cours à l’Assemblée nationale. Lisez plutôt!
LA DICTATURE ET LA PEUR DE LA CRITIQUE ENFONCENT L’AFRIQUE DANS L’OBSCURANTISME ET LE SOUS-DÉVELOPPEMENT
Nous vivons en Afrique et au Togo en particulier, une époque trouble où l’on nous fait prendre des vessies pour des lanternes. Le blanc peut être noir et le noir peut être blanc indifféremment. Il suffit de proclamer des contre-vérités gratuites. Car l’on est sûr d’avoir affaire à des masses zombifiées complètement décervelées par la propagande et la bêtise.
Au Togo, l’on prétend fabriquer une nouvelle constitution afin de la rendre plus démocratique, prétend-on, alors que l’on prépare en sous-main une tyrannie fasciste perpétuelle, plus longue que le délire de ceux qui avaient rêvé d’un Reich de mille ans à Berlin sous Hitler, qui sait ? La dictature, nous apprennent ces génies de la politique togolaise, se corrige par plus de dictature encore et plus d’obscurantisme ! Il fallait y penser, bon sang de bonsoir !
Par ailleurs, l’on a sonné la cloche pour inviter les victimes d’une politique abominable à s’aligner en rangs d’oignons pour aller voter à des élections déjà pliées, empaquetées et ficelées. Pour quoi faire ? diantre ! Mais pour faire semblant de voter comme en démocratie, pardi ! Quand l’organisateur d’une élection est en même temps joueur et arbitre, qui voulez-vous qui soit l’éternel vainqueur ? Y participer malgré tout, est-ce de la résignation, de la résistance ou de la complicité ? Le changement politique ne passe-t-il pas par le changement des rapports de force, comme l’a montré le Parti National Panafricain de Tikpi Atchadam en 2017, pour abattre la dictature au lieu de toujours l’accompagner en s’affaiblissant soi-même et en décourageant le peuple en répétant les mêmes erreurs comme un serpent qui se mord éternellement la queue ?
Le front de la lutte est vaste. Très vaste. Que les esprits chagrins réfléchissent davantage à nos échecs plutôt que de chanter l’éternel refrain selon lequel les critiques des stratégies foireuses au sein de l’opposition n’ont qu’à aller eux-mêmes sur le front pour voir. Ils vont jusqu’à exiger, faute d’arguments, que les esprits critiques de la diaspora rentrent et prennent hic et nunc le devant de la lutte au lieu de se cacher loin du front. Connaissent-ils la taille du front ? En sont-ils l’ultime référence ? Le front de la lutte est multiforme; ne la rapetissons pas à la dimension de nos insuffisances et de la médiocrité.
Chose curieuse, des combattants de la démocratie et de la liberté d’hier, se sont transformés aujourd’hui en griots réfutant tout esprit critique dans leur soutien aux régimes militaires du Sahel. Que l’on jette des journalistes en prison et que l’on ferme leurs organes de presse, ils réagissent en dénonçant la traîtrise. Que la société civile proteste et soit jetée en prison, ils rétorquent que ça leur apprendra à se taire et à ne plus critiquer. Que l’on embastille les opposants politiques et expédie leurs leaders âgés de 70 ans dans l’armée au front contre les djihadistes, leur souhait c’est de les voir morts le plus tôt possible, car l’on n’a pas eu le courage de les exécuter publiquement comme le font les tueurs sans foi ni loi. En quoi sont-ils meilleurs que les anciens dirigeants criminels et kleptocrates ? Il ne faut pas échanger un voleur contre un sorcier, nous dit l’adage.
Or toutes ces façons criminelles de faire la politique, nous les avions tous dénoncées au niveau des régimes crapuleux précédents à la solde de l’impérialisme. Avons-nous perdu la mémoire ?
Quand on encourage nous-mêmes nos dirigeants à devenir des despotes, il n’y a pas mieux à faire. Tout soutien politique responsable, ne peut être que critique. Si les peuples africains veulent changer de paradigmes, il faut que leurs élites civiles et militaires apprennent à se mettre à l’école de la critique. Écouter l’autre n’est pas une faiblesse, mais une force qui permet d’enrichir son propre savoir et d’améliorer sa stratégie. Fuir la critique est un acte de faiblesse et un comportement arrogant.
Il faut que les peuples comprennent qu’ils ne doivent plus être traités comme des troupeaux de moutons par les populistes médiatiques de service et autres. Certains dirigeants du pouvoir et de l’opposition dite démocratique manquent d’humilité qui se croient omniscients alors qu’ils ne sont que des producteurs d’échecs.
En Afrique, on proclame de plus en plus le credo selon lequel la dictature est préférable à la démocratie en Afrique. Est-ce à dire, sans l’avouer, comme le président français Jacques Chirac, que l’Afrique n’est pas faite pour la liberté ? C’est gravissime. Pourquoi ne pas faire revenir au pouvoir les tyrans d’hier, alors ? Ceux qui se sont battus, notamment la vaillante jeunesse africaine, pour la liberté, seraient-ils morts pour rien ? Est-il permis de pisser sur tout le sang versé qui refuse de sécher, les souffrances indicibles, les tortures, les peines de prison, l’exil des combattants ? Les acquis de la lutte démocratique doivent-ils être gommés en faveur du retour au parti unique des dictatures civilo-militaires tarées des années 1960-1990 ? Ceux qui professent cette nouvelle idéologie coloniale, ont-ils déjà vécu la tyrannie du côté du peuple martyr ?
La vigilance est plus que jamais de mise quand les bonimenteurs de l’obscurantisme et de la tyrannie néocolonialiste se déguisent en maîtres ès gouvernances émancipatrices. Tous ceux qui sont soucieux des changements salutaires pour la libération de nos pays néocoloniaux doivent le faire avec un esprit critique pour aider ceux qui ont pris le pouvoir. Le soutien critique doit être la règle. Si ces nouveaux pouvoirs refusent la critique et l’empire de la raison, sachons que nous avons affaire à des fachos partisans de la pensée unique, ennemis mortels des peuples africains.
L’esprit critique est notre meilleure arme qui passe par l’autocritique pour le vrai changement. Humilité. Humilité. Humilité.
Ayayi Togoata APÉDO-AMAH
Source : icilome.com